Edito
06H45 - vendredi 11 octobre 2024

Les collectivités locales ne seront pas les vaches à lait de l’État. L’édito de Michel Taube

 

Le budget 2025 de la nation sera-t-il la goutte d’eau qui fait déborder le vase déjà secoué par sept années de macronisme ? Alors que le gouvernement annonce un plan d’économies de 60 milliards d’euros pour 2025, les ministres de l’économie, des Finances et de l’Industrie, Antoine Armand, et Laurent Saint-Martin, chargé du budget et des comptes publics, ont précisé hier que 5 milliards d’euros seraient ponctionnés sur les collectivités locales, surtout par la baisse de leurs recettes.

Deux jours plus tôt le Comité des Finances Locales avait annoncé la couleur mais l’addition est bien salée et les observateurs craignent plutôt une ponction de 6,5 milliards d’euros sur la France des territoires. Un effort bien plus douloureux qu’attendu en somme et de quoi ruiner les espoirs que la méthode Barnier avait suscités depuis quelques semaines.

Les élus locaux s’insurgent-ils ?

Du côté des départements, François Sauvadet, président des Départements de France et de la Côte-d’Or, « le PLF 2025, c’est un vent froid qui souffle sur les plus fragiles. C’est le gel des politiques qui font des Départements le bouclier des plus vulnérables. […]  Nous allons en arriver à devoir en choisir certains au détriment d’autres. Alors, qui ce sera ? Les collégiens ? Les personnes dépendantes ? Les demandeurs d’emploi ? Les pompiers ? La Sécurité routière ? Les communes ? »

Dans une tribune de la colère, 44  maires de tous bords réunis dans l’association nationale France urbaine signaient hier une tribune sans appel dans Ouest France qui dénonce « la méthode brutale et l’ampleur des mesures annoncées qui est inacceptable. Nous demandons au Gouvernement d’engager un réel dialogue », précise les édiles.

Pour ne prendre qu’un exemple, à Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol n’hésite pas à pointer du doigt les conséquences désastreuses de cette politique : « Les coupes annoncées représentent environ 4 millions d’euros pour Rouen et 5,5 millions d’euros pour la Métropole Rouen. Ils ont brûlé la caisse ! Qui va payer ? Qui seront les victimes ? L’investissement, l’emploi, les services publics. Les Français. » Ces témoignages ne sont pas de simples slogans politiques et viennent de tous les bords politiques ; ils révèlent une inquiétude profonde face à un système qui privilégie l’économie à la solidarité.

Selon Intercommunalités de France, les collectivités vont voir l’État prélever un total de 3 milliards d’euros sur leurs recettes. Ce sont les départements qui vont sentir le plus le coup de rabot, avec plus d’un milliard d’euros de prélèvements.

Même son de cloche du côté des Régions de France. Carole Delga, Présidente de Régions de France et de la Région Occitanie, précsie : « La situation budgétaire de la France n’est clairement pas le fait des collectivités. Les Régions portent aujourd’hui 12 % de l’investissement public sur tous les territoires du pays pour seulement 1 % de la dette nationale. Les Régions ne peuvent être la solution à un Etat trop dépensier et inefficace. La solution réside dans une profonde réforme de l’État et un nouvel acte de décentralisation, car les collectivités sont déjà soumises à des règles de comptabilité plus exigeantes, gages d’une bonne gestion et dans la durée des comptes publics. La ponction de près d’un milliard d’euros sur les budgets des Régions aura de lourdes conséquences sur les investissements générateurs de dynamique économique, de solidarités territoriales et de développement durable. »

L’État feint-il d’oublier que les véritables acteurs de la vie de nos territoires ne sont pas à Paris, mais dans les mairies, où des élus dévoués travaillent chaque jour pour le bien-être de leurs concitoyens. Certes, le gouvernement a annoncé que ce sont les 450 collectivités locales les plus grandes à qui seraient demandé le plus d’effort.

Mais les élus en doutent. Les zones rurales, déjà malmenées, craignent de pâtir tout autant de ces coupes drastiques. Où va-t-on supprimer les 2000 postes d’enseignants annoncés dans l’Éducation nationale ? Dans des départements comme la Lozère, la fermeture des écoles et l’effondrement des services publics deviennent une norme. Les habitants, déjà fragilisés, se retrouvent davantage isolés.

Loin des préoccupations des élus locaux, l’État continue de dicter des règles qui ne tiennent pas compte des spécificités territoriales.

Le budget 2025 ne doit pas être synonyme de coupes aveugles et de désengagement de l’État de ses propres turpitudes sur des pouvoirs locaux mieux gérés. Au contraire, il doit offrir une opportunité de rétablir un véritable partenariat entre l’État et les collectivités, afin de revitaliser nos territoires et redonner vie aux services publics.

La méthode Barnier permettra-t-elle d’améliorer la copie du budget Barnier sur les bancs du Parlement où de nombreux élus locaux ont des relais ?

 

Michel Taube

Directeur de la publication