En quelques jours à peine, le Premier ministre a dû présenter un budget. De son propre aveu, tout est amendable, tout est modifiable, tout est améliorable du moment que les propositions du Parlement et des ministres conservent le cap tracé : celui de la réduction forte des déficits publics, dans un contexte où la France n’a plus droit à la moindre erreur de trajectoire.
Il faut donc à présent que les Politiques et nos ministres reprennent en main ce brouillon, dont la plupart des mesures proposées viennent non pas d’un programme électoral ou d’une pensée politique mais des cartons et des tiroirs des hauts fonctionnaires. Cela se voit crûment !
La plupart des propositions retenues par l’administration ne participent à aucune vision économique, sociétale ou politique ; certaines sont même un défi au simple bon sens. Il s’agit juste de prendre de l’argent là où il est encore possible qu’il y en ait, avec un regard statique de l’économie, sans projection dynamique, un regard comptable, figé. C’est comme si on regardait une photo de notre économie alors que la réalité est dynamique.
L’administration propose de mettre des effets de frottement partout. Cela ne gêne pas quand on a une vision statique de la vie du pays, à l’arrêt, mais cela freine fortement la dynamique réelle de notre économie. Une analyse comptable, figée, statique, pensée par des « élites » sorties de Sciences Po quand il nous faudrait une vision dynamique, qui augmente notre capacité de mouvement, une vision d’Ingénieurs.
Chacun sait que trop d’impôts tuent l’impôt, il faut que ce gouvernement et le Parlement comprennent, et actent, enfin, que moins d’impôts, c’est plus de recettes pour l’Etat !
Prenons quelques exemples.
Augmentation du budget de fonctionnement de l’Elysée
Alors que le rôle du Président n’est plus que d’« inaugurer les chrysanthèmes », le budget de fonctionnement du « Château » devrait être fortement diminué et non augmenté, une mesure de bon sens. Tout comme il est de bon sens d’augmenter par contre le budget alloué au Parlement. Nos élus ne peuvent se contenter de stagiaires Sciences Po pour les assister. Ils ont besoin de compétences, d’experts chevronnés pour défier les administrations, et en particulier celle de Bercy. Un de mes amis, ancien ministre, décédé il y a peu, me disait toujours que le b.a-ba d’un ministre, comme d’un grand élu, est de ne jamais faire confiance aux hauts fonctionnaires sous sa responsabilité, et encore moins à ceux de Bercy.
Suppression de 4 000 postes d’enseignants
Alors que nous commémorons les tristes anniversaires des assassinats de Samuel Paty et Dominique Bernard par des islamistes, ennemis de la République et de notre école, nous sommes tous conscients qu’il faut renforcer notre système scolaire, aider plus et mieux nos enseignants, en première ligne dans le nécessaire apprentissage de la laïcité. Il faut mettre plus d’enseignants devant nos élèves. Il ne faut surtout pas, en masse, diminuer le nombre d’enseignants dans nos écoles. « Dégrossir le mammouth » est urgent mais en diminuant le nombre de personnels administratifs. Tout comme dans nos hôpitaux. Nous avons à présent autant de personnels administratifs dans les hôpitaux que de soignants alors que le ratio était 20/80 il y a 40 ans ! Et nous sommes moins bien soignés ! La réforme de l’état, la rupture, appelons cela comme on le souhaite, passe par là : plus de soignants auprès des malades, plus d’enseignants devant nos élèves, plus de policiers dans nos rues et moins d’administratifs partout à l’ère de l’intelligence artificielle !
Augmentation des cotisations sur les salaires au niveau du SMIC
Le nouvel élément de langage récurrent du gouvernement est de mettre fin aux trappes à bas salaires et de faire que le travail paie plus. Difficile de comprendre comment la hausse des cotisations sur les salaires au niveau du SMIC va augmenter le pouvoir d’achat des smicards ! Cela risque au contraire de détruire de l’emploi, et massivement, et créer une nouvelle usine à gaz générant des trappes à emploi, des destructions d’emplois par milliers ! Notre pays a besoin d’être réindustrialisé pour créer encore plus d’emplois, continuer sa trajectoire vers le plein-emploi, l’une des rares réussites de ces 7 dernières années. Ce qui diminuera aussi nos déficits, et bien sûr de ne pas figer les salaires autour du niveau du SMIC comme au-dessus. Il faut donc, plutôt que d’augmenter les cotisations, repenser les primes d’activité mais surtout exonérer, enfin, de CSG les revenus du travail et de remplacement (les retraites) sur les 500 premiers euros par exemple et augmenter la TVA de 3%. Nous l’écrivons depuis des semaines et chacun reconnaît la pertinence de cette mesure. Mais qui aura le courage de l’acter ? Si nous souhaitons, vraiment, que le travail paie plus, commençons par cela !
Assujettissement des salaires des apprentis à la CSG et CRDS
Là, il ne s’agit pas de recettes fiscales, car cette mesure rapporterait bien plusieurs centaines de millions. Mais il s’agit d’éthique. Cette mesure serait la même erreur politique et éthique que la diminution des APL, il y a quelques années. Raboter les revenus des apprentis, c’est diminuer fortement leur reste à vivre, c’est s’en prendre à leur pouvoir d’achat, qui est pourtant bien maigre. Un non-sens politique sauf si nous souhaitons que les apprentis rejoignent le camp des jeunes électeurs des partis extrémistes. Ne remettons pas en marche les gilets jaunes !
La proposition de réintégration des amortissements dans le calcul de la plus-value imposable pour les Loueurs Meublés Non Professionnel (article 24 du Projet de Loi de Finances).
A priori cette proposition pourrait sembler logique, mais ce serait oublier pourquoi cet avantage fiscal avait été mis en place. Et cela dans un contexte où depuis 7 ans, il n’y a aucune politique du logement digne de ce nom dans notre pays. Pire, tout est fait pour que les Français se détournent de l’investissement immobilier et que seules les grandes foncières détiennent les biens locatifs.
Quelle vision aux antipodes de la réalité de l’immobilier en France depuis 50 ans ! C’est ne pas voir que l’investissement locatif au travers des dispositifs de Loueur Meublé Non Professionnel, le LMNP, a deux vertus.
La première, permettre aux Français de se constituer un complément de retraite au fil du temps, souvent financé par le crédit. Un complément de retraite par capitalisation en somme, alors que notre système de retraite par répartition est en déficit structurel. Le médecin généraliste, par exemple, sait que sa retraite sera très faible et qu’il connaîtra une baisse forte de son pouvoir d’achat. Lorsqu’il investit dans un bien immobilier, en LMNP, il compte sur un revenu additionnel provenant des loyers ou sur un capital substantiel lui permettant d’envisager la fin de sa vie professionnelle et le début de sa nouvelle vie de retraité.
La seconde, permettre à de nombreux Français de pouvoir louer souvent un studio ou un deux-pièces meublé. L’étudiant, l’infirmière, le policier, l’enseignant peuvent ainsi se loger plus facilement, quitter le foyer parental, se rapprocher de leur lieu de travail avec un contrat de location plus souple. Un dispositif gagnant / gagnant.
Alourdir la fiscalité sur la plus-value des biens en LMNP, cela revient à diminuer fortement le capital disponible lors de la retraite. Cela revient surtout à ôter toujours plus d’intérêts à investir dans l’immobilier. Non seulement cette mesure interviendrait à un moment où le secteur de la construction et de l’immobilier est au fond d’une crise immense, mais cela empêcherait encore plus les étudiants, infirmiers, policiers, enseignants de trouver un toit décent. Voilà une mesure qui, si elle n’était pas rejetée par le Parlement, dans sa grande sagesse, deviendrait perdant / perdant. D’autant plus que cela gèlerait le parc immobilier : plus d’investissement et plus de vente, donc encore moins de rentrées fiscales ! Les détenteurs de biens locatifs attendraient les 30 ans de détention avant de vendre, sans fiscalité sur la plus-value alors…
Une mesure contreproductive s’il en est alors que la France a besoin d’une relance forte de ce secteur vital pour notre économie et notre pays, alors que tant de Français cherchent un toit. Et il y a des solutions.
D’abord un moratoire sur toutes les normes que nous avons entassées depuis des années, des normes qui ralentissent tous les projets de construction comme d’investissement immobilier, des normes qui découragent les Français. Les mesures sur la désartificialisation comme sur les normes énergétiques d’un logement ont freiné voire stoppé toute volonté d’investir dans ce secteur, pourtant vital pour notre économie comme pour les besoins primaires de nos concitoyens. Jusqu’en 2027, il est nécessaire de demander un bilan de l’impact, à la fois positif et négatif, du corps des Ponts et Chaussées et de la Cour des comptes, ainsi que des mesures pour améliorer leur efficacité afin de favoriser la croissance du secteur de la construction et de l’immobilier.
Ensuite la suppression de toutes les niches fiscales comme Pinel ou Denormandie
Là encore un bilan doit être demandé pour bien comprendre les effets négatifs et positifs et ne pas recommencer les mêmes erreurs. Ces niches fiscales ont trop souvent faussé le marché. Mesure mal vendue, les investisseurs ont surpayé des biens en ne voyant que la carotte fiscale. Des investissements qui se révèlent aujourd’hui très éloignés des attentes de rendement qu’avaient les investisseurs, et qui n’offrent pas pour autant de logements là où la demande est forte.
Enfin la modification des règles de l’IFI, même si la bonne logique économique devrait être sa suppression pure et simple.
Trop de citoyens n’arrivent plus à trouver un toit décent à proximité de leur travail parce que l’investissement locatif est tellement ponctionné fiscalement qu’il perd tout intérêt. Il faut relancer d’urgence ce secteur. Le secteur bancaire, dans son activité crédit immobilier, bénéficiera aussi de ce redémarrage. Plutôt que de ponctionner les stocks, ces mesures permettront aussi à l’état d’engranger des recettes supplémentaires de TVA, de droits d’enregistrement, sur l’impôt sur les bénéfices des acteurs de la construction, sur tous les flux du secteur.
Voici quelques idées de modifications de L’IFI puisque Michel Barnier se dit ouvert à la boîte à idées :
-
Tout logement loué à des personnes gagnant moins de 3 000€ bruts par mois (6 000€ pour un couple) sort du champ de l’IFI.
-
Tout logement loué à des policiers, gendarmes, enseignants, personnels soignants (les « premières lignes » de l’époque Covid) sort du champ de l’IFI.
Les prêts refinançant la détention et l’achat de biens immobiliers sont à présent comptabilisés dans le passif de l’IFI (cela permet de déclencher les achats de biens malgré la structure des taux d’emprunt actuels, il ne faut pas que le niveau psychologique ou l’attente de baisse de taux soient un frein).
-
Prise en compte des voitures, avions, bateaux et hélicoptères de plus de 100 000€ dans l’assiette de l’impôt sur la fortune. Un studio n’est pas un Picasso, mais un yacht ou un avion valent bien plus…
Avec ces mesures, l’Etat dynamisera le secteur et augmentera ses recettes venant aussi bien de la TVA que de l’accroissement de l’activité économique. Plus de bénéfices, plus d’emplois, plus de recettes, moins de déficit, moins de dettes… gagnant / gagnant…
Dans toute la réécriture nécessaire de cette loi de finances et de ce budget, visons la dynamique économique, gardons comme boussole le bon sens, repensons notre état, nos services publics, qui doivent faire mieux avec moins, et rappelons-nous que moins d’impôts, c’est très souvent plus de recettes pour l’Etat !
Patrick Pilcer
Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale