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11H28 - lundi 14 octobre 2024

Combien d’élèves refuseront de se lever ? L’école, otage du communautarisme. La chronique de Sofiane Dahmani

 

Le 16 octobre 2020, Samuel Paty tombait sous les coups du terrorisme islamiste, assassiné brutalement pour avoir simplement fait son métier : enseigner la liberté d’expression. Trois ans plus tard, Dominique Bernard subissait le même sort, symbole tragique d’une menace qui n’a jamais cessé de planer. Ce lundi 14 octobre, l’Éducation nationale appellera de nouveau à une minute de silence pour honorer la mémoire de ces professeurs, martyrs de la République. Mais cette minute de silence, nécessaire et émouvante pour beaucoup, sera-t-elle respectée partout ? Rien n’est moins sûr.

Soyons clairs : ce moment de recueillement, censé être une évidence, une communion nationale autour des valeurs de la République, est devenu le révélateur d’une fracture béante au sein de notre société. Combien d’élèves refuseront de se lever ? Combien détourneront le regard, méprisant cette commémoration comme une provocation contre leurs propres convictions ? À certains endroits, la minute de silence sera interrompue, chahutée, voire totalement ignorée. Ces actes, que certains s’efforceront de minimiser, sont pourtant symptomatiques d’une réalité que l’on cherche à masquer : l’école de la République n’est plus ce creuset d’intégration où chacun apprend à devenir citoyen.

Ce n’est pas la première fois que cette minute de silence pose problème. Déjà, en 2020, des incidents avaient éclaté dans plusieurs établissements. Des professeurs avaient témoigné de leur impuissance face aux provocations et aux refus. Trois ans plus tard, rien n’a changé, sinon pour empirer. Le communautarisme s’est enraciné, profitant des faiblesses d’une Éducation nationale trop frileuse, trop complaisante. Car soyons francs : si certains élèves refusent de respecter la mémoire de Samuel Paty et celle de Dominique Bernard, ce n’est pas par ignorance, c’est par défiance. Défiance envers la République, envers ses valeurs, et envers cette école qu’ils ne reconnaissent plus comme la leur.

L’hommage national prévu ce lundi sera, à n’en pas douter, empreint de solennité et de dignité. Mais il sera aussi marqué par l’inquiétude. L’inquiétude de voir que, dans certains quartiers, l’école recule face aux exigences communautaires. L’inquiétude de constater que les professeurs, loin d’être soutenus, sont abandonnés à leur sort, seuls face à la pression de certains groupes. Comment espérer former des citoyens libres, égaux et fraternels, quand l’autorité de l’État est remise en question par une partie de la jeunesse ? Quand l’école, au lieu de transmettre les valeurs de la République, est sommée de composer avec celles du communautarisme ?

La minute de silence, c’est bien plus qu’un hommage. C’est un acte de résistance. Résistance contre ceux qui voudraient nous faire oublier que Samuel Paty et Dominique Bernard sont morts parce qu’ils croyaient en la liberté d’expression, parce qu’ils croyaient en cette mission de l’École qui consiste à former des esprits libres et éclairés. Refuser cette minute, c’est renier ces valeurs, c’est refuser de reconnaître que la République, avec ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité, est au-dessus de toutes les appartenances, de toutes les religions.

Ne soyons pas naïfs. Nous savons qu’aujourd’hui dans certains établissements, cette minute sera respectée du bout des lèvres, sous la contrainte. Nous savons que des enseignants hésiteront à en parler, de peur de déclencher des réactions hostiles. Ce climat de peur, c’est la victoire du communautarisme sur la République. Une victoire que l’on refuse de nommer, que l’on préfère ignorer, tant elle dérange.

Les beaux discours ne suffisent plus. Il est urgent de rappeler que l’école, dans une démocratie, ne peut être qu’un lieu de transmission des valeurs républicaines, et rien d’autre. Laisser des élèves défier ces principes, c’est accepter de les voir triompher de l’esprit de la République. Et cela, nous ne pouvons pas le tolérer. Pour honorer la mémoire de Samuel Paty et de Dominique Bernard, pour préserver l’école, il est temps de dire non. Non à la complaisance, non à la lâcheté, et oui à une école ferme, exigeante, fière de ses valeurs et déterminée à les faire respecter, quoi qu’il en coûte.

 

Sofiane Dahmani, Chroniqueur