Edito
18H55 - mardi 15 octobre 2024

L’éducation à l’heure de la déchéance. La chronique de Sofiane Dahmani

 

Alors que le gouvernement de Barnier s’apprête à mettre en œuvre un budget qui s’apparente plus à un enterrement de première classe pour l’éducation nationale qu’à un véritable plan de redressement, la décision de supprimer 4 000 postes d’enseignants dans un système déjà à bout de souffle est un acte sans précédent qui mérite notre plus grande indignation. Dans un pays où l’école devrait être un sanctuaire, un bastion de la République, nous assistons, impuissants, à sa destruction méthodique.

 

Un budget de déroute

Il est triste de constater qu’en ce début de XXIe siècle, l’éducation nationale, pilier de notre société, est réduite à une simple ligne dans un budget. Le ministre du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, défend ces coupes avec des justifications dignes d’un comptable sans âme, prétextant la baisse démographique. Mais quelle est cette « baisse » qui justifie d’abandonner nos enfants à leur sort, surtout dans les zones rurales où chaque enseignant est une lueur d’espoir pour des générations entières ?

Les statistiques peuvent être manipulées à l’envie, mais elles n’érigent pas des écoles. Ce sont des hommes et des femmes, des enseignants dévoués, qui se battent au quotidien pour transmettre des valeurs, des savoirs, et surtout, une culture commune. La suppression de 3 155 postes dans le premier degré public est une abomination, un véritable coup de grâce porté à un système déjà affaibli par des années de politique court-termiste.

 

L’Impact dévastateur sur les zones rurales

Mais, au-delà des chiffres, il y a les visages. Dans nos campagnes, où l’école est souvent le dernier bastion de la République, cette décision résonne comme un coup de tonnerre. Des études montrent que 80 % des communes rurales dépendent de l’école pour attirer et maintenir leur population. La fermeture des établissements scolaires dans ces territoires n’est pas une simple mesure administrative, mais un coup fatal à la vitalité des communautés. Selon un rapport de l’INSEE, près de 700 écoles ont fermé en milieu rural entre 2015 et 2020, un phénomène qui menace directement l’avenir de ces zones.

Les conséquences de ces décisions sont claires : les enfants de ces zones rurales, souvent déjà éloignés des grands centres, seront encore plus isolés. L’égalité des chances, ce grand principe républicain, se transforme alors en une farce tragique. L’école, au lieu d’être le creuset de la réussite, devient un désert où seuls les mieux lotis, ceux des zones urbaines privilégiées, pourront espérer s’épanouir.

 

Une éducation en péril

La baisse du nombre d’enseignants entraîne également une diminution drastique des remplaçants pour les absences. Selon une étude de la Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance (DEPP), environ 15 millions d’heures de cours sont perdues chaque année en raison d’absences non remplacées. Comment imaginer que des enfants puissent bénéficier d’un enseignement stable et de qualité si leur maître est absent et que personne ne le remplace ? C’est ainsi que chaque année, ce sont des savoirs non transmis et des destins compromis.

Dès lors, il est légitime de se poser des questions : quelle vision avons-nous de notre système éducatif ? Quelles priorités devrions-nous établir pour garantir un avenir à nos enfants, notamment ceux des zones rurales qui sont déjà en situation précaire ?

Il est crucial de rappeler que, selon les chiffres fournis par le ministère de l’Éducation nationale, le nombre d’élèves par classe a augmenté de 10 % en zone rurale ces dernières années, un chiffre qui ne fait qu’accentuer le besoin d’un encadrement renforcé. Les études de l’Observatoire national de la ruralité montrent que la fermeture d’écoles entraîne des conséquences dévastatrices sur la cohésion sociale et la vie communautaire. L’éducation est-elle véritablement considérée comme une priorité dans notre pays ? La réponse à ces interrogations pourrait bien définir le destin de notre République.

Nous devons réfléchir à la manière dont nous souhaitons voir l’école évoluer dans les années à venir, non pas comme un lieu de renoncements, mais comme un espace d’épanouissement pour tous. Si nous continuons à fermer les yeux sur cette réalité, nous risquons de condamner nos territoires à l’abandon et nos enfants à l’ignorance. Alors, comment pouvons-nous permettre à nos écoles de ne pas devenir des vestiges d’un passé révolu et garantir un avenir meilleur pour toutes les générations futures ?

 

Sofiane Dahmani, Chroniqueur