Alors qu’en France se profile un énième débat sur l’immigration (combien d’articles des 32 lois entrées en vigueur depuis 1984 n’ont-ils même pas encore été appliqués en la matière ?), une contre-vérité mérite d’être dénoncée pour aider à mieux gérer la pression migratoire.
Ainsi, on nous dit à longueur de discours et d’antennes TV et radio que de nombreux migrants viendraient de Côte d’Ivoire. Ces fausses déclarations sont paradoxalement alimentées par la stabilité et la santé économique de ce pays d’Afrique de l’Ouest, qui met par ailleurs en œuvre de nombreuses mesures pour lutter contre l’immigration illégale.
« Il faudra une nouvelle loi immigration » : remarquée, la sortie de Maud Brégeon, la nouvelle porte-parole du gouvernement Barnier, dimanche 13 octobre sur l’antenne de BFM TV, a mis le feu aux poudres au sein de la macronie, déjà malmenée par la présentation du budget de l’Etat et de la Sécurité sociale pour 2025.
Comme n’ont pas manqué de le relever un certain nombre de commentateurs, d’opposants et même Gabriel Attal, pourtant chef des députés du camp présidentiel, la proposition de la porte-parole du gouvernement intervient alors même que certaines des mesures de la précédente réforme ne sont pas entrées en vigueur.
Cette surenchère législative pose question, dans une France où l’immigration et la pression migratoire électrisent le débat public et laissent libre cours à un cortège, désormais habituel, de fausses informations, de clichés, d’approximations et de généralisations parfois dénuées de fondements. Entre peur du « grand remplacement » pour les uns et devoir inconditionnel d’accueillir « toute la misère du monde » pour les autres, les fantasmes vont bon train.
Y compris sur l’origine, réelle ou supposée, des exilés arrivant sur le sol européen : en septembre 2023 par exemple, l’agence Frontex avait affirmé qu’un grand nombre de migrants, fraîchement débarqués sur l’île italienne de Lampedusa, avaient pour pays d’origine la Côte d’Ivoire.
La Côte d’Ivoire, un pays d’immigration plus que d’émigration
Une affirmation… fausse. En effet, seules quelques dizaines des 14 800 migrants « ivoiriens » alors recensés par l’agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes provenaient, effectivement, de la Côte d’Ivoire.
Pourquoi Frontex a-t-elle avancé ce chiffre ? Parce que l’agence s’est contentée de reprendre, sans s’astreindre à davantage de vérifications, la nationalité déclarée par les milliers de migrants arrivés à Lampedusa. Une précipitation qui avait déclenché la colère des autorités ivoiriennes : « aucune vérification n’a été effectuée avec le concours des services compétents de la Côte d’Ivoire pour s’assurer de la réalité de la nationalité ivoirienne de ces migrants, ainsi que le prévoit l’accord multilatéral » conclu avec l’Union européenne (UE) s’est défendu le ministre ivoirien de l’Intérieur, Vagondo Diomandé.
Toujours selon le ministère ivoirien de l’Intérieur, la nationalité ivoirienne n’a pu, entre 2009 et 2018, être confirmée que pour moins de 15 % des demandeurs d’asile prétendant venir de Côte d’Ivoire. Et pour cause : en paix depuis une quinzaine d’années, la Côte d’Ivoire bénéficie d’une croissance économique comprise entre 7 % et 10 % par an, de réformes et politiques publiques d’ampleur, qui transforment le pays dans le bon sens. Pas vraiment les conditions incitant au départ – tout au contraire. À rebours de certaines idées reçues, la Côte d’Ivoire, dont un habitant sur quatre (25%) serait d’origine étrangère, est de longue date un pays… d’accueil et de transit. Véritable locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest, le pays apparaît ainsi comme une destination attractive pour les habitants des pays voisins et candidats à l’exil.
S’ils ne sont pas Ivoiriens, pourquoi donc tant de migrants déclarent-ils, à leur arrivée en Europe, provenir de ce pays ? Un certain nombre d’entre eux tenteraient d’invoquer le souvenir de la sanglante crise du début des années 2000 pour obtenir l’asile ; un prétexte qui n’a plus lieu d’être, le droit au statut de réfugié ayant été, pour les Ivoiriens, supprimé en 2022. D’autres profiteraient de leur passage en Côte d’Ivoire pour user de documents – carte d’identité volée, factures et justificatifs de domicile – abondant leur dossier de régularisation. D’autres, enfin, déclareraient une citoyenneté ivoirienne fictive dans l’espoir, en cas de refoulement aux frontières européennes, d’être renvoyés dans ce pays stable et prospère plutôt que dans leur réel pays d’origine. En tout état de cause, cette « situation tend à ternir l’image de notre pays », déplore Vagondo Diomandé.
Le visa pour le Maroc réintroduit pour « assécher » l’immigration illégale
Les autorités ivoiriennes sont d’autant plus fondées à faire part de leur exaspération qu’elles mettent en œuvre une vigoureuse politique luttant contre l’immigration clandestine : accords avec les pays européens, envoi de missions d’identification dans ces mêmes pays, renforcement des mesures de contrôle des frontières, démantèlement de filières de passeurs, etc. Par ailleurs, les Ivoiriens ont, depuis le 1er septembre dernier, de nouveau l’obligation de présenter un visa pour se rendre au Maroc et en Tunisie, deux pays qui représentent la dernière étape du périple migratoire avant l’Europe. Une manière, selon le ministère ivoirien des Affaires étrangères, « d’assécher les sources d’approvisionnement des réseaux de faussaires, en renforçant (…) la crédibilité du passeport ivoirien et la sécurité nationale ».
Ces efforts suffiront-ils à tordre le cou à certaines idées reçues ? Il y va de l’intérêt de la France dont une mauvaise appréciation des termes de la problématique migratoire, certes redoutable, conduirait à de fausses ou de contre-productives décisions…
Comme nous le disons souvent, « une immigration 100% choisie est une chance pour la France ». Pour y parvenir, nous devons miser sur des pays non seulement fiables et fréquentables mais surtout démocratiques et en plein développement. Si tous les pays d’Afrique remplissaient ces conditions comme la Côte d’Ivoire, la pression migratoire qui frappe l’Afrique et l’Europe fondrait comme neige au soleil ou… .