Edito
12H27 - vendredi 18 octobre 2024

Non, Monsieur Macron, nous ne sommes pas des ventriloques. L’édito de Michel Taube

 

Chassez le naturel et il revient au galop ! Emmanuel Macron, contrairement à ce qu’il avait laissé croire aux Français pour être élu président de la République en 2017, a toujours été très jacobin, très attaché à une conception trop autoritaire de sa fonction présidentielle.

Son intervention lors de la conférence de presse à l’issue du sommet de l’Union européenne à Bruxelles le 17 octobre est d’une grande outrecuidance, digne d’un mauvais professeur d’école qui ne saurait plus tenir sa classe et qui, faute d’arguments pédagogiques, emploierait des termes d’autorité.

Bien entendu que dans l’absolu Emmanuel Macron a raison sur un point : dans une réunion fermée, rien ne doit sortir sauf le discours officiel. Mais c’est être vraiment naïf que de penser que tous les échanges tenus en Conseil des ministres ne sortiront jamais de leur enceinte. Surtout en ces temps où la France vit en cohabitation. Cohabitation entre des gens de gauche et de droite, cohabitation entre macroniens et anciens-futurs-adversaires du président, cohabitation entre partisans de la ligne pro-israélienne et la ligne pro-palestinienne.

Si les ministres ne sont pas tout à fait loyaux à l’égard du chef de l’Etat, c’est peut-être parce qu’il ne l’a pas été non plus depuis le 7 juin et la stupide dissolution de l’Assemblée nationale vis-à-vis du personnel politique de l’ensemble du pays.

 

Guerre au Proche-Orient jusqu’à l’Élysée

Pire, la conférence de presse où le Président a voulu donner une leçon aux ministres et aux commentateurs, s’est tenue au lendemain du Sommet entre l’Union européenne et le Conseil de coopération du Golfe (composé de l’Arabie saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar).

Ce qui permet de revenir au début de cette triste affaire de fuites.

Si les propos du chef de l’Etat en Conseil des ministres ont fuité (« Monsieur Netanyahu ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l’ONU »), déclenchant une nouvelle crise diplomatique avec Israël, c’est parce que la parole présidentielle a profondément choqué de très nombreux ministres.

Les ministres, eux, s’étaient rendus une semaine auparavant, en grand nombre (ils étaient 12 avec le premier d’entre eux, Michel Barnier) à l’hommage aux victimes du 7 octobre à Paris.

Manifestement, une fois de plus avec ses propos révisionnistes sur la naissance de l’Etat d’Israël, le président de la République n’arrive plus à tenir cette ligne de crête qui a souvent fait l’honneur de la France, position d’équilibre entre la défense d’Israël, la cause palestinienne et notre politique arabe.

Il y a longtemps que la parole présidentielle n’est plus parole d’évangile sous l’ère d’Emmanuel Macron qui n’a pas fini de descendre aux enfers.

La question est de savoir jusqu’où emportera-t-il la France avec lui.

Et puisque le président s’est adressé aux commentateurs, adressons-lui ces mots :

« Non, Monsieur Macron, nous ne sommes pas des ventriloques. Encore moins vos ventriloques. Nous exprimons nos convictions et lorsque nous pensons qu’il est de l’intérêt de la France de savoir que vos prises de position sont des fautes politiques majeures, comme cela a souvent été le cas par exemple en Afrique, vous ne pouvez pas vous permettre de dire : « taisez-vous car je suis la France ! ».

« Plutôt que de réinventer maladroitement le fameux « Je vous demande de vous taire » balladurien, n’oubliez jamais, que nous sommes en France et que nous sommes en démocratie. En attendant qu’il vous vienne à l’idée, Monsieur le président, de nous interdire de vous critiquer et pourquoi pas de vous caricaturer (vous finirez par penser que nous vous blasphémons), sachez que la France restera la France et que nous resterons des femmes et des hommes libres. »

 

Michel Taube

Directeur de la publication