La chronique de Patrick Pilcer
10H46 - lundi 21 octobre 2024

Loi de finances 2025 : un budget en contresens économique qui, s’il est voté, débouchera sur une impasse ! La chronique de Patrick Pilcer

 

La plupart des Français n’ont qu’une envie : que le Premier Ministre Michel Barnier réussisse à redresser notre pays. Son succès sera notre réussite. Nos concitoyens attendent que Michel Barnier et son gouvernement prennent en main trois grands chantiers : refaire Nation, restaurer sécurité et autorité, rehausser le pouvoir d’achat.

Que le Budget 2025 soit dûment amendé par les parlementaires ou qu’il ne soit pas voté ne concerne finalement que très peu nos concitoyens. Ce qu’ils souhaitent vraiment, c’est que nous retrouvions le chemin de la création de richesses, de la croissance économique, de la lutte contre l’inflation et la vie chère tout en optimisant nos services publics, en diminuant nos dépenses publiques, en réduisant nos dettes et nos déficits.

Force est donc de constater que ce Budget 2025, en l’état, ne va pas vraiment dans ce sens, qu’il prend même le chemin à l’envers.

Prenons par exemple la lutte contre le chômage et la trajectoire vers le plein-emploi, deux rares points de satisfaction des sept dernières années du président Macron.

Moins de chômage et plus de plein-emploi, cela permet de diminuer nos dépenses sociales, cela génère plus de recettes fiscales, plus de cotisations salariales et patronales, quand ces emplois ne sont pas dans la fonction publique bien sûr. Et bien, les fonctionnaires de Bercy ont réussi à faire avaler des couleuvres aux ministres. Le budget, tel qu’il est présenté, augmente le coût du travail. Déjà le coût du travail sur les apprentis, en les assujettissant à la CSG et à la CRDS, une erreur qui rappelle celle sur les APL il y a quelques années. Ensuite une hausse des charges sur les salariés rémunérés au niveau du SMIC. Là, cette mesure risque de freiner la création d’emplois voire surtout de détruire des emplois, augmentant alors nos dépenses sociales. Un non-sens économique ! Bien sûr il faut tout faire pour permettre aux entreprises de pouvoir augmenter leurs salariés et éviter les « trappes à bas salaires », mais ne créons pas de trappes à emplois pour autant !

 

Nous souhaitons tous redresser les comptes de la Nation et permettre à la France d’éviter le mur, droit devant. Il faut donc aider le gouvernement à modifier fortement la loi de finances et les mesures budgétaires qu’il a dû écrire en deux semaines.

Michel Barnier n’avait pas d’autres choix que de reprendre ce que les équipes précédentes avaient concocté. On retrouve dans ce budget tout ce que les hauts fonctionnaires de Bercy savent faire : augmenter les impôts, déshabiller Paul pour habiller Pierre ! Mais absolument rien sur la création de richesse, rien sur la recherche, rien sur l’innovation, rien sur comment faciliter la croissance économique.

Pourtant, le véritable problème de la France aujourd’hui n’est pas de créer plus d’impôts mais bien plus de richesses. Or, ce budget va, nous l’avons dit, alourdir le coût du travail, freiner la croissance, peser sur la consommation, rogner le pouvoir d’achat des apprentis comme des retraités… Un contresens économique qui débouche sur une impasse !

Ne recommençons pas les lourdes erreurs d’Edouard Philippe sur les APL et sur les 80km/h !

Macron et son ancien Premier ministre, l’alors fidèle Edouard Philippe, étaient responsables de l’explosion sociale des « gilets jaunes ». Edouard Philippe avait rempli le bidon d’essence, allumé la mèche et jeté l’allumette. Ensemble, ils ont mis des millions de gens dans les rues qui se sont sentis méprisés, humiliés, invisibilisés. Espérons que le gouvernement Barnier ne soit pas l’apprenti-pyromane de 2025 !

Les mesures budgétaires, proposées cet automne et conçues par l’ancienne administration (l’actuel directeur de cabinet de Barnier est l’ancien « DirCab » de Le Maire, et Macron a placé ses troupes un peu partout dans tous les cabinets), si elles ne sont pas repoussées et fortement amendées par Michel Barnier et les parlementaires, risquent de rallumer les feux, embraser nos ronds-points, et pousser encore plus d’électeurs dans les chimères du RN. Quand le contresens économique mène à l’impasse politique !

Il est donc vital pour notre pays de réorienter les choix budgétaires et nous disposons encore de marges de manœuvre importantes pour le faire.

Même les marchés financiers acceptent de nous donner l’oxygène nécessaire pour le faire, contrairement à ce que disent certains politiques : la France emprunte actuellement sur des échéances à 10 ans sous les 3%. Le 18 octobre, l’Etat Français empruntait exactement à 2,90%, soit près de 65 points de base moins cher qu’il y a un an. L’écart de taux entre la France et l’Allemagne n’a augmenté que de 10 points de base en un an, et ce surcoût est essentiellement dû à l’incertitude politique issue de la dissolution. D’ailleurs cet écart a très peu bougé depuis juillet.

Les « marchés » gardent encore l’espoir que la France se redresse et maîtrise, enfin, sa dépense publique ! Encore faudrait-il leur prouver à présent que nous utilisons cet oxygène pour sortir par le haut de la crise actuelle. Il faut pour cela concentrer nos efforts sur la création de richesses, sur le maintien de la trajectoire vers le plein-emploi, et sur l’optimisation de nos services publics. Or c’est bien là que ce budget nous amène en pleine impasse !

Si les mesures proposées sont votées, rien ne permettra de repenser véritablement nos écoles, nos universités, notre recherche, notre innovation, nos hôpitaux. Rien ne permettra de réduire drastiquement le « mille feuilles » administratif de nos collectivités territoriales. Rien ne permettra d’améliorer l’efficacité de la dépense publique, et donc son coût !

Au contraire, diminuer le nombre d’enseignants, et non de personnels administratifs au sein de l’Education ne contribuera pas, loin s’en faut, à améliorer la qualité de nos outils d’enseignement. Le niveau de nos collégiens, de nos lycéens, de nos étudiants, va sombrer à nouveau. Attal un peu, et surtout Blanquer, avaient entamé une inflexion. Ils avaient mis en place les conditions du sursaut de la communauté éducative. C’est fini, le déclin s’annonce à nouveau. De même dans la santé, dans nos hôpitaux, dans nos services d’urgence.

Il est encore temps d’amender ce budget et le réorienter. Cela va dépendre de la bonne volonté des principaux groupes parlementaires.

Sinon, l’autre option à la disposition de Michel Barnier, peut-être la meilleure d’ailleurs, consiste à accepter que ce Budget ne soit pas voté, sans recourir au 49.3. Dans ce cas, les recettes seront celles votées en 2023, des recettes qui augmenteront avec l’inflation et la croissance économique. Et les dépenses seront celles également votées en 2023, gelées cette fois. Cela permettra de facto de réduire le déficit budgétaire. Et surtout de s’atteler aux trois véritables chantiers qui intéressent vraiment les Français : refaire Nation, restaurer sécurité et autorité, rehausser le pouvoir d’achat !

Au travail…

Patrick Pilcer
Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers