Edito
08H42 - mardi 22 octobre 2024

Budget 2025 : Pourquoi le RN et LFI pourraient s’allier pour censurer le gouvernement Barnier sur la loi de finances ? L’édito de Michel Taube

 

Budget 2025 - Alliance RN LFILa cacophonie parlementaire sur les votes de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ne fait que commencer.

Alors que les discussions débutent à peine à l’Assemblée nationale, l’impasse dans laquelle est englué Michel Barnier apparaît difficilement surmontable. Il faut dire que la détermination courageuse du premier ministre à imposer un régime sec à l’Etat, à la Sécurité sociale et aux collectivités locales est déjà entachée par des mesures contradictoires, multiples et au final peu cohérentes proposées pour arriver à ses fins. Les tribunes de François Perret et de Patrick Pilcer, à la une d’Opinion Internationale, détaillent ces incohérences.

Le concours Lépine des mesures fiscales aura bien lieu sur les bancs du Palais Bourbon.

Pire, il apparaît que le Rassemblement national, que l’on donnait comme un allié passif et complaisant de Michel Barnier, n’a pas autant d’intérêt que cela à le maintenir en survie politique.

En effet le vote du budget de la nation apparaît de jour en jour pour ce qu’il est véritablement : l’un des moments décisifs dans la vie politique, avec l’élection présidentielle, où s’affrontent les idéologies et les choix politiques majeurs.

Le Rassemblement national comme LFI n’ont-ils pas intérêt à provoquer la chute du gouvernement Barnier sur des mesures fiscales et financières qui leur permettraient de répéter à l’envi la fermeté de leurs choix idéologiques les plus forts ?

Comme nous le révélions hier, après une réunion de son groupe parlementaire au Palais Bourbon, la France Insoumise (LFI) discute de l’opportunité d’opérer un changement de stratégie et de joindre ses voix au Rassemblement national pour rejeter des pans entiers voire la totalité du budget de la nation. C’est ce que proposent plusieurs parlementaires au sein du groupe d’extrême-gauche.

C’est ainsi que ce parti est tenté d’annoncer qu’il votera en faveur de la proposition d’abrogation de la réforme des retraites que le Rassemblement National (RN) soumettra au vote de l’Assemblée lors de sa niche parlementaire du 31 octobre. Les paris sont ouverts.

Cette alliance de circonstance entre LFI et le RN, jusque-là adversaires farouches, pourrait être renforcée par les voix du Parti socialiste, des écologistes et du groupe LIOT. Si ces partis unissent leurs forces sur ce sujet, la réforme des retraites, pierre angulaire du quinquennat Macron, pourrait être abrogée en un vote historique… et fort coûteux pour la nation.

 

Au fond, l’équation est rude, autant pour le RN que pour LFI : « tolérer » Barnier ou privilégier leurs convictions ? LFI, en se joignant à cette initiative, ne voudrait pas laisser au RN le quasi-monopole des voix de l’électorat populaire, la réforme des retraites menée par Emmanuel Macron étant devenue le symbole de son injustice sociale.

Mais cet épisode ne pourrait-il pas être un prélude à une crise plus grave encore ? Car si une telle alliance venait à renverser la réforme des retraites, d’autres fronts pourraient rapidement s’ouvrir. Le budget des recettes du gouvernement Barnier, déjà sous pression, pourrait être la prochaine cible d’une motion de censure réunissant cette même coalition hétéroclite. Si LFI et RN parviennent à s’entendre, avec l’appui probable d’autres partis de gauche, le gouvernement pourrait bien vaciller sous les coups conjugués de ces forces antagonistes.

Cette alliance des contraires soulignerait aussi ô combien les extrêmes se rejoignent souvent, surtout en temps de crise, et ont en commun et en l’espèce un programme socialiste tous deux. LFI et RN, même combat, mêmes solutions populistes ?

Les députés éprouvent d’autant plus la tentation de se lâcher et d’aller au clash que la Constitution a prévu l’hypothèse d’une impasse politique sur le vote du budget d’ici le 21 décembre. Avec l’article 47 alinéa 4 de la Constitution, les salaires des fonctionnaires et les dépenses courantes de l’État seraient payés par le système des 12e provisoires, applicable par décret du Premier Ministre. Quant aux recettes, certes il faudra un aval ultime du Parlement, mais qui osera ruiner l’État ?

Dans cette configuration, la « majorité » de Barnier risque de connaître des semaines agitées, avec des batailles au Parlement qui pourraient remettre en question la stabilité même du gouvernement.

 

Michel Taube

Directeur de la publication