Opinion Territoires
09H37 - mardi 22 octobre 2024

Délinquance environnementale : l’impuissance d’un État face au saccage de la nature. La chronique de Sofiane Dahmani

 

Il fut un temps où l’on considérait la nature comme un bien sacré, intouchable. Aujourd’hui, elle est devenue le terrain de jeu des délinquants environnementaux, et notre État, pourtant armé de lois, reste impuissant face à cette hémorragie. Décharges sauvages, rivières empoisonnées, zones protégées violées sous couvert de « développement » : chaque jour, des crimes écologiques sont perpétrés sous nos yeux, et pourtant, la répression se fait attendre.

 

La complexité du cadre législatif à blâmer

En France, les infractions environnementales sont régies par des textes éparpillés entre divers codes : l’environnement, le pénal, ou encore le rural. Cette dispersion crée une véritable jungle juridique, où les responsables locaux – souvent des maires – peinent à naviguer. Selon la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement), en 2022, plus de 25 000 infractions environnementales ont été signalées, mais moins de 10 % ont abouti à des sanctions réelles. L’Association des Maires de France (AMF) a déjà sonné l’alarme : il faut donner aux élus locaux les moyens de lutter efficacement contre ces atteintes. Actuellement, les agents municipaux, les policiers et les gardes champêtres se retrouvent démunis face à des procédures trop complexes.

Et que dire des sanctions ? Elles sont dérisoires, à peine dissuasives. Qu’un industriel soit pris en flagrant délit de pollution, ou qu’un braconnier détruise une espèce protégée, les peines restent trop faibles. En 2021, une étude menée par le CNRS a révélé que les amendes pour pollution en France étaient en moyenne de 1 500 euros, alors que le coût pour l’environnement et la santé publique est évalué en milliards d’euros. Le pollueur paie, mais il paie peu. Comment espérer une prise de conscience dans ces conditions ? Il est urgent de renforcer les sanctions pour frapper là où ça fait mal : le portefeuille.

 

Des initiatives pour agir efficacement

Des applications smartphone, comme Sentinelles de la nature développée par l’association France nature environnement (FNE), proposent par exemple à chaque citoyen de se doter d’un moyen simple pour signaler des atteintes environnementales.

L'équipe de FNE enquête sur les cas de pollution ou d'autres atteintes à l'environnement signalés par les citoyens. • © FTV

L’équipe de FNE enquête sur les cas de pollution ou d’autres atteintes à l’environnement signalés par les citoyens. • © FTV

À Rennes, par exemple, des agents de l’État, en partenariat avec des associations locales, ont réussi à démanteler une décharge sauvage ayant duré près de deux ans en mettant en place un système de surveillance communautaire. Ce projet a permis non seulement de nettoyer le site, mais aussi d’engager les citoyens dans la protection de leur environnement. De même, à Strasbourg, des élus ont instauré un dispositif d’alerte rapide pour signaler les pollutions, ce qui a conduit à une augmentation de 40 % des interventions en cas d’infractions. Ces exemples illustrent que, même dans un cadre législatif complexe, des solutions existent si les élus sont soutenus et correctement formés.

Il est impératif de former et d’équiper nos forces locales pour qu’elles puissent intervenir rapidement et efficacement. Les maires, premiers témoins des infractions, sont souvent démunis. Ils doivent être soutenus par l’État et dotés d’outils juridiques et financiers adéquats. L’expérience de certaines collectivités montre que la collaboration entre élus, citoyens et autorités est essentielle. En effet, en 2020, la commune de Sorgue a instauré des réunions régulières entre les élus et les riverains pour identifier et résoudre les problèmes environnementaux, un modèle qui pourrait être généralisé.

Aujourd’hui, c’est une guerre que nous menons : une guerre contre ceux qui dégradent notre cadre de vie et compromettent notre avenir. Mais c’est une guerre que nous sommes en train de perdre faute de moyens, faute de courage politique. Chaque jour qui passe sans réagir, c’est une nouvelle atteinte à notre environnement, à notre santé et à celle des générations futures.

 

Sofiane Dahmani, Chroniqueur