Outre-Mer
08H33 - jeudi 24 octobre 2024

Marcellin Nadeau à Bakou pour décoloniser la Martinique : trahison d’État ? L’édito de Michel Taube

 

Un député peut-il impunément agir contre la France sur le sol d’une puissance étrangère ?

Les 17 et 18 juillet derniers, en plein cœur de l’été et dix jours seulement après leur élection à l’Assemblée nationale, le député martiniquais Marcellin Nadeau et le député guyanais Jean-Victor Castor (qui avait accueilli début 2024 l’influent et dangereux Kémi Séba, déchu de sa nationalité française quelques semaines plus tard et aujourd’hui conseiller spécial du président – putschiste du Niger) se seraient rendus à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, et ce pour la troisième fois en dix-huit mois. Voyages effectués certainement pas à bas coût.

Pourquoi ces voyages d’élus ultramarins à Bakou ? Il s’y tenait le « Congrès des colonies françaises », une conférence financée et organisée par une puissance étrangère hostile à la France, portant sur la décolonisation des territoires d’Outre-mer.

Cette réunion s’inscrivait à la fois dans le cadre de la présidence azerbaïdjanaise du mouvement des non-alignés et celle du Groupe d’Initiative de Bakou (le BIG), une ONG azerbaïdjanaise fondée en juillet 2023, à la suite d’une première conférence organisée la même année par les autorités azerbaïdjanaises et à laquelle étaient invités des leaders de mouvements indépendantistes martiniquais, guyanais, polynésiens ou encore calédoniens.

Cette première conférence avait été le point de départ d’une série de rapprochements entre l’Azerbaïdjan et ces différents mouvements des Outre-mer ainsi que plus marginalement la Corse. Une déclaration visant à « l’élimination totale du colonialisme » associait des responsables du Front de libération nationale kanak et socialiste, du parti indépendantiste guyanais Mouvement de décolonisation et d’émancipation sociale, du parti pour la libération de la Martinique, du Mouvement des démocrates et des écologistes pour une Martinique souveraine et du parti polynésien Tāvini huiraatira.

L’objectif affiché du fameux BIG, le Groupe d’Initiative de Bakou, est clair : lutter « contre le colonialisme français ».

Le Président Ilham Aliyev n’a pas hésité à endosser la paternité́ du BIG et affirmé que « [nous] contribuerons à la dénonciation du néocolonialisme français ainsi qu’au processus de libération des colonies françaises du joug colonial français ».

La seconde conférence du BIG s’est donc tenue cet été à Bakou.

Deux mois avant ce voyage, la Nouvelle-Calédonie flambait. Un mois et demi plus tard, c’était au tour de la Martinique de subir une insurrection d’une violence inouïe que les revendications contre la vie chère ne pouvaient en rien justifier. Entre ces deux territoires éloignés par plus de 15 000 kilomètres, les observateurs attentifs ont été étonnés par les similitudes dans le processus de déclenchement de ces insurrections.

Or en Martinique comme ailleurs, la stratégie du Groupe d’Initiative de Bakou est opportuniste : le groupe exploite les évènements d’actualité́ pour générer du contenu et tenter de toucher une audience élargie afin de s’immiscer dans le débat public et amplifier les discours indépendantistes et anti-France.

La main de l’Azerbaïdjan est dénoncée derrière ces flambées de violence. En janvier 2024, comme le rappelle Pascal Airault, « le Parlement azerbaïdjanais avait appelé à la reconnaissance par la France de l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de la Corse. » Selon la même source, « Viginum, le service de l’État français chargé de la protection contre les ingérences numériques étrangères relève des dizaines de manœuvres informationnelles visant à dénigrer la France auprès de son opinion publique ; elles sont particulièrement soutenues dans les territoires d’Outre-mer ».

Comme l’explique également un excellent article de la non moins excellente revue « Marine et Océans », déjà « en mars 2023, le président de l’Azerbaïdjan, Ilham Alyev, dénonçait lors d’un sommet du Mouvement des non-alignés (MNA), les « sanglants crimes coloniaux et actes de génocide » de la France « contre les pays membres du MNA en Afrique, en Asie du Sud-Est et ailleurs ».

Ce n’est donc pas anodin si en juillet dernier, cette conférence de décolonisation a été organisée par le BIG, association satellite de l’État d’Azerbaïdjan.

Est-ce pour déstabiliser encore plus la France dans le contexte critique de guerre hybride entre le Sud global et l’Occident et structurer davantage les mouvements indépendantistes ? La vingtaine de partis politiques et de mouvements indépendantistes des territoires d’Outre-mer, certes plus ou moins groupusculaires mais venus, tout de même des Antilles, du Pacifique, de l’Océan Indien mais aussi de Corse, ont créé à Bakou « le Front International de Décolonisation ».

Ce Front a commis le 15 octobre un communiqué de presse, en azéri et en français, sur la situation en Martinique dont les termes sont sans équivoque : il qualifie la vie chère en Martinique « d’expression insupportable du système colonial ». Cette organisation exige une solution politique, « véritable étape vers l’autodétermination et l’indépendance ».

L’Azerbaïdjan n’agit pas seule. La Russie de Vladimir Poutine est à la manœuvre. Lors d’une conférence de presse le 2 octobre dernier, Maria Zakharova, porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, déclarait, dès le déclenchement de l’insurrection en Martinique et avant même que Paris ne réagisse : « il est important de noter que ce n’est pas la première fois que Paris se montre incapable d’engager un dialogue respectueux avec les populations autochtones de ses territoires d’Outre-mer, privilégiant l’usage de la force ».

Certes l’Azerbaïdjan n’est pas officiellement en guerre contre la France et inversement. Mais, sur fond à la fois de guerre en Ukraine où la Russie et la France s’affrontent, et de lutte implacable contre l’Arménie, pour laquelle Paris est accusé par Bakou de trop protéger ce pays au passé chrétien millénaire, le pouvoir d’Ilham Aliyev est engagé, avec l’aide active de la Russie de Vladimir Poutine, dans une guerre hybride visant à déstabiliser notre pays en mettant le feu à ses territoires fragiles d’Outre-mer.

 

Les députés martiniquais indépendantistes Marcellin Nadeau et Jean-Philippe Nilor.

Questions à Messieurs les députés Nadeau et Castor… et à la représentation nationale

Cette ingérence dans les affaires intérieures de la France peut-elle nous laisser longtemps indifférents ? En juin dernier, interrogé par France 2 sur les violences qui secouaient la Nouvelle-Calédonie, Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, avait accusé directement l’Azerbaïdjan de participer à la déstabilisation de la Nouvelle Calédonien, et donc de la France.

Dès le 24 septembre dernier, nous avions alerté l’opinion publique et plus particulièrement le nouveau Premier ministre Michel Barnier sur la tenue de cette conférence décoloniale anti-Française dans la capitale de l’Azerbaïdjan.

Revenons à nos chers députés martiniquais et guyanais, Marcellin Nadeau et Jean-Victor Castor.

Dans cette guerre hybride menée par l’Azerbaïdjan contre la France, de quel côté sont ces deux députés français ?

La question est simple : si un député de la nation a le droit d’être favorable à l’indépendance des territoires ultramarins, c’est-à-dire de nous tirer une balle dans le pied, Messieurs Nadeau et Castor pouvaient-ils en revanche participer à une conférence organisée et financée par une puissance étrangère hostile à la France, visant ouvertement à démembrer notre pays et à l’affaiblir sur la scène internationale ?

Messieurs Nadeau et Castor pouvaient-ils effectuer de tels déplacements tout en se conformant aux règles de déontologie auxquelles le règlement intérieur de l’Assemblée nationale les soumet ? Ont-ils seulement consulté le déontologue du Palais Bourbon ? D’ailleurs, ces mêmes règlements intérieurs de l’Assemblée nationale et du Sénat sont-ils assez clairs sur les limites à la libre circulation des députés en ces temps de soft – guerre qui fragilisent la France ?

Qui a financé les voyages de Messieurs Nadeau et Castor en terre quasi – ennemie ? Les cotisations du parti martiniquais indépendantiste Péyi-A que Monsieur Nadeau a fondé avec son collègue Jean-Philippe Nilor ? Les budgets que l’Assemblée nationale leur alloue avec nos impôts ?  Une officine de l’État d’Azebaïdjan ?

Madame la Présidente de l’Assemblée nationale, ainsi que le déontologue du Palais Bourbon, seraient inspirés de se pencher sur ces questions. Et les présidents de groupe de l’Assemblée nationale de dire ce qu’ils pensent de la participation de deux de leurs homologues à des réunions du mouvement des non-alignés très hostiles à la France.

Plus précisément on peut s’étonner de la prise de conscience si récente par nos dirigeants politiques des actions d’ingérence de puissances étrangères contre la France. Ainsi, un excellent rapport du Sénat, fait au nom de la commission d’enquête sur les politiques publiques face aux opérations d’influence étrangères visant notre vie démocratique, notre économie et les intérêts de la France sur le territoire national et à l’étranger, commis par les sénateurs Dominique de Legge et Rachid Temal a été remis au président de Sénat… tenez-vous bien… le 23 juillet 2024.

On peut y lire ceci à la page 308 : « Le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, a ainsi déclaré : « j’ai eu la responsabilité de plusieurs services de renseignement, et il m’est arrivé de recevoir des notes détaillant des stratégies d’influence et d’entendre des questions parlementaires sur ces mêmes sujets trois semaines après dans les hémicycles… ». De même, le ministre des armées, Sébastien Lecornu, a également déclaré : « en matière de manipulation et d’ingérences étrangères les parlementaires sont des cibles de choix. À cet égard, certains débats parlementaires, voire certains amendements, peuvent surprendre, mais je n’en dirai pas plus ».

Les oreilles de quelques députés indépendantistes des Outre-mer ont dû siffler… surtout depuis l’adoption définitive de la loi visant à prévenir les ingérences étrangères qui elle aussi a été publiée au Journal officiel de la République… le 25 juillet 2024.

 

Des Antillais en tourisme politique à Bakou pendant que le tourisme aux Antilles est durement frappé par l’insurrection

Les citoyens de Martinique et de Guyane savent-ils seulement que leurs députés se sont rendus à plusieurs reprises dans la capitale d’une puissance hostile à la France pour comploter sur les voies et moyens de décoloniser leurs territoires ?

Et ils ne sont pas seuls à profiter de ce tourisme politique… Car le BIG s’est fait une spécialité de donner la parole et d’inviter de nombreux indépendantistes, relayés dans les médias azéris, notamment Francis Carole, le président du parti pour la Libération de la Martinique, Arnaud Maurice, membre du bureau du Kollèctif Jistiss Matinik (KJM). Jean-Jacob BICEP, le président guadeloupéen de l’UPLG, mais aussi des dirigeants du MODEMAS et du PKLS se sont rendus en Azerbaïdjan.

Mais revenons à nos chers députés : dans les négociations récentes contre la vie chère, les députés indépendantistes Marcellin Nadeau et Jean-Philippe Nilor ont toujours été présents aux côtés de Rodrigue Petitot, leader de l’insurrection en Martinique, proférant pendant les sept rounds de discussion des propos de haine contre la France et de diffamation assumée des représentants de l’État. Ces deux députés étaient allés soutenir Petitot dès ses premières actions violentes le 1er septembre 2024, donnant un crédit politique décisif à sa stratégie ultra-violente.

Or Rodrigue Petitot, alias « le R », ce général en chef de l’insurrection martiniquaise a été longuement interviewé en début d’année par une chaîne azérie dans un reportage au doux nom « Martinique, l’île aux fleurs dans l’esclavage français ». Pour ce caïd anti-Français, l’indépendance, qu’il appelle « autonomie totale », est une guerre sans merci.

« Le R » se réfugiera-t-il à Bakou lorsque la justice française décidera enfin de lui demander des comptes sur ses exactions de septembre et ses menaces de kidnapper des Martiniquais ?

Quant à Jean-Philippe Nilor, aidé par le globe-trotter Nadeau, on lui prête l’ambition de succéder un jour à Monsieur Serge Letchimy à la tête de la Collectivité de Martinique. Avec l’appui du « R » ?

Pour l’heure, on est en droit de se demander ceci : aller à Bakou tout en portant l’écharpe tricolore, c’est un peu trahir son pays, non ?

 

Michel Taube

 

Directeur de la publication