Edito
08H36 - jeudi 24 octobre 2024

Philippe Jock, président de la CCI de Martinique : « nous devons tous nous retrousser les manches pour remettre la Martinique sur le bon cap ».

 

Pierre Jock revient sur l'accord sur la vie chère signé le 16 octobre dernier ayant permis de sortir de la crise qui secoue la Martinique.Opinion Internationale : Philippe Jock, bonjour, merci de répondre à Opinion Internationale. Vous êtes le Président de la CCI de Martinique depuis 2021. Vous faites partie des signataires du protocole d’accord sur la vie chère qui a permis, le 16 octobre dernier, de sortir de la crise qui secoue la Martinique depuis plus d’un mois. En quelques mots, quels sont les principaux termes de cet accord ?

Philippe Jock : Après une longue séance de discussions, nous sommes arrivés à un accord. Cet accord va permettre une baisse des prix d’environ 20 % dans les hypermarchés, ce qui contribuera à répondre, en partie, à la problématique de la vie chère que nous subissons tous. Il faut bien comprendre en effet que la vie est trop chère ici. Les écarts de prix entre les produits alimentaires de l’Hexagone et ceux de la Martinique atteignent souvent 40 %, ce qui est insoutenable sur un territoire où 30 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Nous avons donc réussi à mettre en place trois grandes mesures : la première concerne l’octroi de mer, une taxe locale qui sera transférée sur des produits à faible valeur ajoutée, notamment liés à l’électricité, pour cibler des produits plus essentiels. Ensuite, l’État s’engage à ramener la TVA à 0 % sur les produits alimentaires, même si cela n’aura qu’un impact limité puisque la TVA était déjà très faible, à 2,1 %. Enfin, une troisième mesure introduit un fonds de compensation pour les coûts de transport, car une des principales raisons de la vie chère en Outre-mer est l’éloignement.

Nous avons également un quatrième volet, qui voit à plus long terme, et qui vise à accompagner la Martinique vers une plus grande autonomie alimentaire, avec des réformes dans le secteur agricole.

 

Tout le monde a signé cet accord, sauf une personne, Rodrigue Petitot, instigateur de l’insurrection et des violences qui ont mis le feu à la Martinique. Cela ne prouve-t-il pas que cette personne est isolée et qu’elle ne représente pas les forces vives de la Martinique ?

Je n’irais pas jusque-là. Je dirais simplement que l’objectif initial de ce mouvement n’était pas vraiment de résoudre le problème de la vie chère. Il s’agissait d’abord et avant tout de créer un certain chaos. Les propositions et les avancées obtenues lors des discussions auraient dû suffire pour que tout le monde signe. À mon avis, il n’y avait pas de volonté de la part de ce mouvement d’aboutir à une solution apaisée.

 

Pensez-vous que ce mouvement insurrectionnel par la forme qu’il a immédiatement prise soit légitime ?

Non, je ne le pense pas et pour une raison simple. Nous avons des élus qui ont été démocratiquement désignés, ainsi que des corps constitués, comme les chambres consulaires. Il existe aussi des syndicats représentatifs. Ce mouvement, qui semble spontané, a certes attiré l’attention des Martiniquais en brandissant le slogan de la lutte contre la vie chère, mais qui, aujourd’hui, ne serait pas contre la vie chère ?

 

Quel est le bilan économique de ce mois et demi d’émeutes pour le territoire ?

Il y a deux volets. Le premier concerne les entreprises directement touchées par les pillages et les incendies. Nous avons recensé 135 entreprises impactées, certaines ayant vu leur outil de travail totalement détruit. Le bilan économique est encore en cours de finalisation, mais il se situera entre 60 et 75 millions d’euros de pertes, avec près de 300 emplois menacés. Certains bâtiments ne pourront peut-être pas être reconstruits.

Ensuite, pour les entreprises non détruites, nous avons constaté une baisse significative du chiffre d’affaires et une chute de la fréquentation. Un autre danger qui se profile est l’impact sur la saison touristique. Les images de violence et de troubles ont ébranlé les compagnies de croisières, qui s’interrogent sur le maintien de leurs escales en Martinique pour la saison à venir. Nous risquons de subir des répercussions sur plusieurs années, comme cela avait été le cas en 2009, où il nous avait fallu dix ans pour retrouver le niveau d’activité d’avant la crise.

 

Un dernier mot, Monsieur le Président. Avez-vous un message à adresser à Michel Barnier et au nouveau ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet ?

Nous comptons beaucoup sur le soutien de l’État pour mettre en œuvre ce protocole et garantir la continuité territoriale. Le fonds de compensation, en particulier, devra être activé rapidement avec l’ensemble des acteurs concernés. Nous avons également apprécié les efforts déployés par l’État pour rétablir la sécurité. Nous restons attentifs à la suite des événements et nous devons tous nous retrousser les manches pour remettre la Martinique sur le bon cap.

 

Propos recueillis par Michel Taube

Directeur de la publication

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