Edito
10H40 - lundi 28 octobre 2024

Le choix du Maroc. Pourquoi Emmanuel Macron va enfin à Rabat à l’invitation de Mohammed VI ? L’édito de Michel Taube

 

Macron à Rabat : le choix du Maroc. L'édito de Michel Taube

Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron effectue une volte-face à 360°. Mais pour une fois qu’elle se fait dans le bon sens, il faut s’en féliciter ! Mené en bateau pendant des années par le pouvoir algérien d’Abdelmadjid Tebboune, le président français a enfin choisi de soutenir le Maroc sur une des questions stratégiques de la région : l’avenir du Sahara occidental marocain. La réconciliation entre Rabat et Paris est donc ponctuée par une visite d’Etat de trois jours qu’effectue le couple présidentiel français à Rabat.

Il était temps, tant les tensions étaient fortes entre les deux capitales. Crise ponctuée notamment par le refus des autorités marocaines d’accepter l’aide de la France (tout en acceptant celle de l’Espagne) lors du terrible tremblement de terre qui a secoué la région de Marrakech en septembre 2023.

Pour des raisons de fond qui mêlent géopolitique, stabilité régionale, lutte contre le terrorisme et les narcomafias, maîtrise des flux migratoires, promotion d’un Islam modéré et d’une réconciliation indispensable entre l’Occident et l’Orient sur des bases de modernité et dans la foulée des Accords d’Abraham [nous y revinedrons demain], notre choix du Maroc a toujours été une constante de notre vision des intérêts de la France et du monde.

Seul le couple franco-marocain peut jouer ce point d’équilibre entre des plaques tectoniques qui secouent les équilibres du monde. Enjeux et perspectives d’une rencontre au sommet entre Mohammed VI et Emmanuel Macron.

 

La visite d’État du président français pendant trois jours (même durée que lors de sa visite en Algérie en 2022) à Rabat témoigne d’une volonté d’apaisement et probablement d’un choix géopolitique et régional. Depuis l’accession de Macron à la présidence en 2017, la France a parfois semblé hésiter entre ses relations avec le Maroc et l’Algérie, une tension accentuée par des querelles diplomatiques, notamment sur la gestion des visas et des OQTF.

En optant pour le Maroc sur la question du Sahara, Emmanuel Macron marque un virage stratégique et montre qu’il est prêt à aligner les intérêts français à ceux du royaume chérifien sur un sujet sensible et crucial pour Rabat. En effet, cette région n’est pas seulement une revendication territoriale : pour le Maroc, il s’agit d’une question de souveraineté nationale et de stabilité régionale, deux valeurs que la France s’engage enfin à défendre de façon explicite.

La visite d’État vient couronner des mois de négociations et de déplacements ministériels de part et d’autre de la Méditerranée. La France cherche désormais à stabiliser son positionnement en Afrique du Nord, mais également à renforcer des liens géopolitiques qui, au-delà de l’économie, s’appuient sur des valeurs communes de modernité et de tolérance.

De nombreuses attentes accompagnent ce déplacement : renforcement des partenariats économiques, reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, coopération en matière de sécurité, mais aussi soutien aux jeunes générations et promotion d’une francophonie de valeurs partagées. Les enjeux sont nombreux, et il est grand temps de renouer les liens avec ce pays ami.

Dans ce contexte, le Maroc représente pour la France une porte d’entrée stratégique vers le continent africain, un pont entre l’Europe et l’Afrique. En tant que premier partenaire économique au Maroc, la France a tout intérêt à consolider ses alliances et à capitaliser sur cette dynamique positive, tant pour des raisons commerciales que pour l’influence politique que cela lui confère dans la région.

 

Enjeux économiques

Les enjeux économiques de cette visite sont colossaux. Avec près de 1 000 entreprises françaises présentes sur le sol marocain, créant quelque 150 000 emplois directs, la France reste l’un des principaux acteurs étrangers au Maroc mais elle s’est fait dépasser sur bien des plans par l’Espagne.

Ces liens économiques vont bien au-delà de l’automobile ou de l’industrie traditionnelle. Ainsi les entreprises françaises par exemple soutiennent depuis des années le développement de la région du Sahara. La transition énergétique et l’adaptation au changement climatique sont au cœur des discussions, alors que le Maroc subit de plein fouet un stress hydrique sévère. L’ambition de Paris est claire : renforcer la coopération sur des projets communs, notamment en matière de développement durable, de décarbonation et d’énergies renouvelables. En favorisant l’émergence de nouvelles industries et en soutenant le développement d’infrastructures écologiques, la France espère également contribuer à l’essor d’un modèle marocain de développement durable qui pourrait inspirer d’autres nations africaines.

Macron à Rabat : le choix du Maroc. L'édito de Michel Taube

Lors de sa dernière visite au Maroc en 2018 [notre photo], Emmanuel Macron avait notamment inauguré la ligne de train LGV Tanger – Casablanca, construite en partenariat avec la SNCF et financée en partie sur des fonds français.

 

Immigration et sécurité

Cette visite est aussi une façon de saluer le rôle tampon que joue le Maroc sur les flux migratoires, Rabat freinant fortement les tentatives de passage en Europe par l’Espagne de dizaines de milliers de migrants venant d’Afrique subsaharienne.

Le volet sécuritaire est tout aussi stratégique. La France et le Maroc partagent des intérêts communs en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Dans un contexte où la stabilité régionale est constamment mise à l’épreuve par des réseaux criminels et terroristes transnationaux, une collaboration étroite est essentielle. Les discussions porteront probablement sur des initiatives de coopération militaire, de partage de renseignements et de formation des forces de sécurité. Paris, en apportant son soutien au Maroc, espère ainsi renforcer la stabilité dans toute la région du Maghreb, un objectif d’autant plus important que l’Algérie voisine reste un foyer de tensions potentielles.

 

Présence culturelle française

La jeunesse et la francophonie occupent également une place de choix dans les priorités de cette nouvelle visite. La France et le Maroc partagent des liens linguistiques et culturels puissants, consolidés par la présence de 42 établissements scolaires français accueillant 43 000 élèves, dont une grande majorité de Marocains. Emmanuel Macron prévoit de mettre en avant les échanges universitaires et d’augmenter les bourses pour les étudiants marocains souhaitant étudier en France, avec l’ambition de former les élites francophones de demain. En s’assurant que la francophonie continue de prospérer au Maroc, la France cherche à projeter une image de modernité et d’ouverture, mais aussi à renforcer un outil diplomatique qui reste essentiel dans un monde où l’influence culturelle compte autant que la puissance militaire.

L’éducation et la culture, quant à elles, constituent un autre pilier de cette visite, marqué par une volonté de promouvoir un islam modéré et tolérant. En appuyant les réformes éducatives du Maroc, la France aspire à contribuer à la formation d’une génération de jeunes marocains ouverts au monde, formés dans une culture francophone et des valeurs de respect mutuel. Les initiatives franco-marocaines dans l’enseignement supérieur et la recherche ouvrent la voie à une francophonie modernisée, prête à relever les défis globaux.

 

Sens historique

Macron à Rabat : le choix du Maroc. L'édito de Michel TaubeCette visite d’Etat permet aussi de rappeler les perspectives historiques dans lesquelles se situe la relation entre la France et le Maroc. On l’oublie trop souvent mais nos deux pays, si proches culturellement (nos deux gastronomies excellent et se marient parfois si bien), ont connu des moments de vérité dont un des plus grands symboles fut certainement l’appel du sultan Mohammed V à sauver la France lorsque celle-ci est entrée en guerre contre l’Allemagne nazie en 1939.

Dans les grands moments de notre histoire, le Maroc sait être à notre côté. Sachons l’être aux côtés du Maroc, nous aussi les Français.

Au-delà des accords qui seront signés et des discussions qui auront lieu, cette visite d’Etat adresse un message clair : le partenariat franco-marocain est vital, tant pour la France que pour le Maroc, dans une région traversée par des mutations profondes. En se tournant résolument vers le Maroc, Emmanuel Macron confirme l’importance de cette relation d’exception, bâtie sur une histoire commune et une vision partagée de l’avenir.

La stabilité régionale, la transition énergétique, la lutte contre le terrorisme et le soutien à la jeunesse ne sont pas de simples slogans ; ce sont les fondations d’une alliance durable, fondée sur des intérêts stratégiques et des valeurs partagées.

En conclusion (provisoire), la visite de Macron au Maroc n’est pas seulement un geste diplomatique. C’est la confirmation que la France et le Maroc, ensemble, peuvent jouer un rôle de stabilisateur au sein d’une région complexe et d’une communauté internationale en mutation. Pour Emanuel Macron, c’est aussi l’occasion de prouver que la France, malgré les pressions et les crises, peut maintenir des alliances solides et se projeter vers l’avenir avec des partenaires de confiance. Cette visite pourrait bien marquer le début d’un nouvel élan pour le partenariat franco-marocain, un modèle de coopération pour une époque qui appelle des alliances basées sur la confiance et la réciprocité.

 

Demain : des accords d’Abraham au Royaume de l’islam modéré : l’autre face de la visite d’Etat d’Emmanuel Macron au Maroc.

 

Michel Taube

 

Directeur de la publication