Comme souvent avec nos amis marocains, les échanges de haut niveau sont placés sous le signe de la grande histoire perçue dans une approche positive et non culpabilisatrice, comme c’est trop souvent le cas avec le voisin algérien.
La visite d’Etat d’Emmanuel Macron auprès de Mohammed VI permet de rappeler un grand moment d’histoire trop souvent oublié, même par les dirigeants français et marocains, et pourtant inscrit dans le marbre de l’histoire en plein cœur de Paris, non loin de la place Vauban et de l’hôtel des Invalides.
Les deux guerres mondiales ont participé à créer entre les Français et les Marocains une sorte de « fraternité d’armes ». Spahis, Goumiers, Tabors, Tirailleurs marocains ont versé de leur sang dans le combat pour la liberté de l’Europe et en particulier pour celle de la France. La commémoration des 80 ans du débarquement de Provence l’a rappelé le 15 août dernier.
Cette histoire commune, il ne faut pas l’occulter, et ce d’autant plus qu’un nombre important de jeunes franco-marocains l’ignorent.
Ainsi, nombre de Français ignorent le rôle joué par S.M. Mohammed V en faveur de la France et sa confiance dans les « destinées de la France », même dans les moments les plus sombres de son histoire, alors même qu’il était un fervent partisan de l’indépendance marocaine.
Ainsi, il nous paraissait essentiel de rappeler l’un des actes forts de cette fraternité franco-marocaine : l’appel du 3 septembre 1939 du Sultan Mohammed ben Youssef dans les mosquées du Royaume. Lors de cet appel solennel en faveur de la France et de ses alliés, il déclarait : « C’est aujourd’hui que la France prend les armes pour défendre son sol, son honneur, sa dignité, son avenir, et les nôtres, que nous devons être nous-mêmes fidèles aux principes de l’honneur de notre race, de notre Histoire et de notre religion […] A partir de ce jour et jusqu’à ce que l’étendard de la France et de ses alliés soit couronné de gloire, nous lui devons un concours sans réserve, ne lui marchander aucune de nos ressources et ne reculer devant aucun sacrifice. »
Il convient de souligner cet autre appel du Sultan au lendemain de l’armistice du 22 juin 1940 : « Si la France était un petit pays, si l’histoire du peuple français ne datait que d’une cinquantaine d’années, nous aurions des craintes justifiées pour votre avenir, mais votre pays étant l’immense et riche France que je connais si bien et l’histoire du peuple français étant cette histoire qui force l’admiration, ce serait un crime que de douter des destinées de la France ».
Sous l’impulsion du Sultan, le Maroc a aidé la Résistance française et a participé à la lutte contre le nazisme. N’oublions pas que le Sultan s’opposa à la législation sur les Juifs du gouvernement de Vichy sur son territoire. Il refusa toute discrimination au motif qu’ils étaient « sujets du Roi », au même titre que les Marocains musulmans.
C’est ainsi que cette particulière relation franco-marocaine s’est traduite dans les échanges entre le Général de Gaulle et le souverain marocain. Ce dernier écrivait dans ses Mémoires de guerre : « je nouai, avec lui des liens d’amitié personnelle. Mais aussi, nous conclûmes une sorte de contrat d’entente et d’action commune, auquel nous ne manquâmes jamais, ni l’un ni l’autre, aussi longtemps que moi-même je pus lui parler au nom de la France. »
Cette confiance et cette amitié se manifestèrent alors par la reconnaissance de l’engagement du Sultan, distingué en qualité de Compagnon de la Libération.
De même que le Maroc a été le premier pays au monde à reconnaître de facto l’indépendance des États-Unis le 1er décembre 1777, le sultan Mohammed V est parmi les tous premiers hommes politiques au monde à avoir appelé à soutenir la future France libre. Le discours de Mohammed V, gravé dans le marbre de l’histoire, est une forme d’Appel du 18 juin avant l’heure. Respect et remerciements.
Aujourd’hui, nous sommes les héritiers de cette histoire. Nous pouvons être fiers que cette amitié et ce compagnonnage aient été préservés, quels que soient les aléas. Notre devoir est un devoir de mémoire et de fidélité. Car « celui qui ne sait pas d’où il vient ne peut savoir où il va. »
Michel Taube