Opinion Eco & Entrepreneurs
17H33 - lundi 28 octobre 2024

« Notre ambition : devenir la référence du cocktail prêt-à-boire en France », Thomas Guglielmetti, fondateur-associé d’Argotier

 

Quand vous pensez « cocktail », quelle image vous vient immédiatement à l’esprit ? Un joli verre, une couleur chatoyante, quelques glaçons et fruits en décoration, un nom qui vous embarque à l’autre du bout du monde, un goût inoubliable pour un moment magique entre amis et surtout Brian agitant son shaker (pour ceux qui n’ont pas la référence… Tom Cruise dans Cocktail, film de Roger Donaldson – 1988).

Bien que la consommation d’alcool ait diminué, notamment depuis la crise sanitaire, les attentes des consommateurs de boissons alcoolisées continuent d’évoluer. Comme nous l’expliquait dans un précédent article Sandrine Chanéac (Le Grappin sur la Quille), « les Français, et notamment les jeunes, consomment moins, mais mieux ».

Alors que 83 % de la population adulte française déclare consommer des cocktails alcoolisés*, 75 % se sont déjà essayés au rôle d’apprenti-mixologue le temps d’une soirée. À l’instar de Dua Lipa qui a fait plus de 8 millions de vues sur les réseaux sociaux avec la recette de son cocktail sans alcool préféré mêlant des composants plutôt inattendus : Coca light, jus de cornichons et enfin sauce de jalapeños. Convenons que les goûts et les couleurs… ne se discutent pas.

Mais c’est sans doute suite à ce type de mélange, que la majorité des consommateurs de cocktails devient plus encline à confier son plaisir à des professionnels, que ce soit au restaurant, dans des cafés, des hôtels, des pubs et des discothèques, cœurs de cible du concept innovant développé par Argotier.

Argotier est une manufacture créée par trois amis, aux profils complémentaires, ayant « la ferme volonté de faire découvrir la mixologie au plus grand nombre, de manière ludique et intelligente », comme nous le confie Thomas Guglielmetti, le chef de projet du trio.

Thomas est celui qui a commencé sa carrière dans de grands groupes comme ingénieur et qui s’est découvert une appétence pour la gestion de projet et le management d’équipe. Covid faisant, son quotidien professionnel perd de son sens et comme beaucoup d’autres, dans cette période troublée, Thomas recherche plus d’impact sur son travail. Il décide alors, avec ses amis d’enfance, Luca Pandolfo et Denis Lefranc, de créer Argotier, un concept innovant de cocktails prêts-à-boire destinés aux professionnels.

Les fondateurs de Argotier : Denis Lefranc, Thomas Guglielmetti et Luca Pandolfo

 

On a mis l’expérience et le talent de Luca en bouteille

Luca est l’expert de la mixologie. Après un parcours en restauration, il part cinq ans en Australie, pays où existe une véritable culture du cocktail. Parti pour accroître ses compétences dans la restauration et le bar, il revient en France avec une expertise dans ses bagages, celle de la mixologie. Luca ne se contente plus de suivre une recette, il crée désormais ses propres cocktails. Il gagnera d’ailleurs plusieurs concours à l’international. Belle reconnaissance pour celui qui devient directeur du bar d’une institution parisienne où il crée une nouvelle carte de cocktails. Les commandes des clients explosent. Mais faute de moyens techniques et humains, les équipes n’arrivent plus à suivre. Luca a alors une idée de génie : préparer des cocktails à l’avance, pour n’avoir plus qu’à les servir.  « Ça a tout de suite cartonné » sourit son associé « la consommation de cocktails a été multipliée par dix en deux mois dans nos restaurants-clients ».

Les trois amis cherchent alors à développer leur concept en mettant à disposition des restaurateurs une offre de cocktails de qualité, mais surtout très simple et efficace à utiliser. « On a mis l’expérience de Luca en bouteille » triomphe Thomas. Argotier était né.

 

Charger, bourlinguer, tasser et enjoliver

« Une méthodologie simple et efficace pour faire jaser vos clients », peut-on lire sur le site internet d’Argotier. Un site au look très soigné créé par Denis. Ce scénographe, designer intérieur et architecte, est à l’origine de toute l’identité visuelle et de marque de la jeune start-up à l’origine du premier cocktail prêt-à-boire ou plutôt prêt à servir. « Nous avons développé un produit de très haute qualité pour ne pas tomber dans les clichés du produit trop sucré, bourré de produits chimiques qui au final n’est pas bon », raconte Thomas, « d’où notre positionnement actuel exclusivement auprès des professionnels. » Marché immature qui n’est d’ailleurs pas vraiment investi dans l’hexagone, y compris par la concurrence composée d’une vingtaine d’acteurs. « Le cocktail prêt-à-boire a une mauvaise image auprès du particulier en France », nous raconte Thomas. « Alors au lieu de nous y casser les dents, on préfère le faire découvrir via des professionnels qui nous font confiance. Certains n’hésitent pas d’ailleurs à faire figurer notre marque sur leur carte. Une belle reconnaissance ».

 

Nous ne cherchons pas à remplacer les barmen

« Nous nous sommes aussi écartés des traditionnels Mojito et Margarita pour développer notre propre gamme de cocktails avec ou sans alcool. Nous avons souhaité laisser aux barmen les cocktails qu’ils maîtrisent et leur proposer des créations singulières leur permettant de monter en gamme et de se démarquer du bar voisin ».

Argotier n’investit pas non plus les concepts spécialisés comme les bars à cocktails. Ces lieux « avec une expérience client inégalable lorsque le barman créé votre cocktail, vous explique ce qu’il met dans sa recette et que sous vos yeux il agite son shaker. Ça, c’est quelque chose qu’on n’égalera jamais. Il faut absolument que ça perdure autant que possible » nous confie Thomas.

« Notre cible est clairement les restaurants, les bars, ces lieux où 95 % des personnes sont à table ou en terrasse, et ne se préoccupe pas de ce qui se passe derrière le bar. Idem pour les discothèques et les festivals où la principale difficulté est la gestion de la file d’attente au bar. Dans ces cas précis, les personnes ne sont pas venues pour voir le show cocktail. Du moment que le cocktail est bon, bien présenté et qu’il arrive vite, c’est le principal », continue Thomas. « Notre produit peut pallier un manque de personnel parce que la demande de cocktail est trop petite et que ça ne justifie pas de prendre un barman à temps plein ou que la demande est tellement importante que nos produits permettent aux établissements de servir et de satisfaire rapidement leur clientèle ».

 

Service feu BEGUIN
Service ALF
Glaçons TOMBEUR
Bouteille + verre TOMBEUR_2
Bouteille + verre BEGUIN
Bouteille + verre COUCOU
Décoration VELOURS
Bouteille + verre VELOURS_2
Bouteille + verre LE FLAMBEUR
Bouteille + verre LA PEPITE
Bouteille + verre ALF_2 (1)
Bouteille + verre TOMBEUR_1
Bouteille + verre FRIPON
Bouteille + verre BRINGUE

 

Une aventure d’entrepreneuriat 100% made in France

Tout a commencé en 2021 dans des cuves de 60 litres dans lesquelles ils mélangeaient à la cuillère en bois leurs matières premières déjà issues de producteurs locaux : spiritueux haut de gamme, liqueurs françaises, jus de fruits pressés, sirops préparés maison et quelques autres subtilités imaginées par le très inspiré Luca. Jamais de colorant ni de conservateur. Avant le remplissage manuel de chacune des bouteilles de leur production, qu’ils réalisaient eux-mêmes avec des entonnoirs. L’étape suivante de « l’industrialisation » a été l’installation d’embouteilleuse et d’étiqueteuse semi-automatiques.

« Avant la dernière étape », comme nous l’explique Thomas remettant sa blouse d’ingénieur pour l’occasion « c’est encore en cours, mais ça va très rapidement se mettre en route : une ligne de production automatisée. Nous allons passer sur des cuves de 500 litres ». Par contre, le trio a tenu à conserver l’assemblage des mixtures à la main, gage de leur maîtrise de la qualité, leur permettant ainsi de se démarquer de la concurrence. Les associés ont souhaité aussi, contrairement à certains de leurs confrères, ne rien sous-traiter. Ils maîtrisent leur outil de production de A à Z. 

Ces importants investissements devraient permettre à Argotier de dépasser dès l’année prochaine les deux millions d’euros de chiffre d’affaires et d’envisager sereinement les années à venir.

 

Un beau potentiel de développement

Cette augmentation de capacité, jusqu’à 800 000 litres par an— ils en produisent 45 000 actuellement — doit permettre à la petite start-up devenue grande en seulement trois ans, d’aller conquérir des marchés au-delà de la couronne parisienne, 80% de leur clientèle actuelle. Dans un premier temps, les quatre coins de la France : les stations balnéaires, celles de ski, les organisateurs d’évènements… avant de concrétiser les démarches entreprises en Amérique du Nord, au Canada ou encore à Séoul, pays où la culture du cocktail prêt-à-boire est mature.

Mais des questions se posent à notre trio soucieux que « le monde puisse faire la fête sans abîmer la planète ». Leur empreinte écologique est une de leur valeur prioritaire. Ils la travaillent depuis le début en achetant local et en limitant leur circuit de distribution. Se développer à l’international pourrait les obliger aussi à abandonner leurs emblématiques bouteilles en verre, symbole de qualité à la française, pour se contenir dans des canettes. Franchiront-ils le pas ? En tout cas le dilemme est posé à cette pépite française qui n’hésite pas à collaborer avec un fournisseur de jus pressés qui travaille uniquement avec des producteurs basés en région parisienne pour trouver ses matières premières au plus près de son site de production à Carrières-sur-Seine.

Thomas développe pleinement sa culture entrepreneuriale, allant au devant de ses confrères patrons de TPE et de PME. Il les rencontre notamment dans des afterwork organisés par la CPME Ile de France. « Un réseau essentiel lorsque l’on est une petite marque, méconnue. C’est précieux pour de jeunes entrepreneurs » livre Thomas. « On a nos compétences, notre expertise mais il y a des sujets que l’on ne maîtrise pas du tout, et ce type d’organisations nous donne accès à un réseau de professionnels pouvant nous aider. Bénéficier des avantages de la CPME est une véritable richesse qui nous fait gagner énormément de temps et nous évite de nombreux tracas », conclut Thomas.

 

* l’abus d’alcool est dangereux pour la santé à consommer avec modération

 Propos recueillis par Géorgia Sarre Hector