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08H57 - jeudi 31 octobre 2024

Sonia Dahmani : La liberté d’expression muselée en Tunisie

 

La Tunisie, berceau du Printemps arabe, est-elle en train de trahir ses promesses démocratiques ? Derrière les murs d’une cellule, une voix courageuse tente de se faire entendre. Sonia Dahmani, avocate et chroniqueuse, a été condamnée à deux ans de prison pour avoir osé critiquer le régime en place et dénoncer les travers d’une société en crise. Sa condamnation, symptôme d’un autoritarisme rampant, pose une question cruciale : la Tunisie est-elle en train de renoncer à ses idéaux de liberté ?

 

Le cas Sonia Dahmani : la chute d’une voix dissidente

Sonia Dahmani, avocate de renom et figure médiatique, a toujours défendu la liberté d’expression, quitte à s’opposer frontalement au pouvoir. Ses propos, tenus lors d’une émission de radio où elle qualifiait la Tunisie de « pays raciste », ont suffi pour lui valoir une condamnation à deux ans de prison. Dans un contexte de tensions croissantes entre les résidents locaux et les migrants subsahariens, ses critiques dérangeaient le gouvernement de Kaïs Saïed, déjà accusé de dérive autoritaire depuis la dissolution du Parlement en 2021.

Cette décision judiciaire marque une étape supplémentaire dans la répression des voix dissidentes. Déjà, en mai dernier, Sonia Dahmani avait été arrêtée et condamnée à huit mois de prison pour avoir déclaré que la Tunisie n’était plus un bon endroit pour vivre. Des propos que l’on pourrait juger sévères, mais qui reflètent une réalité partagée par de nombreux Tunisiens désabusés par la gestion du pays. Pourtant, plutôt que d’accepter la critique, le pouvoir en place choisit de la réprimer, comme en témoigne l’emprisonnement d’autres opposants politiques avant les élections truquées qui ont reconduit Saïed au pouvoir avec 90 % des voix, un chiffre plus digne d’une parodie de démocratie que d’un processus électoral transparent.

 

Kaïs Saïed : l’illusion du pouvoir fort

Kaïs Saïed s’est emparé du pouvoir en promettant de lutter contre la corruption et de réformer un système jugé sclérosé. Mais la réalité est tout autre : en concentrant entre ses mains tous les pouvoirs, en dissolvant le Parlement, en muselant la presse et en emprisonnant ses opposants, il a fait de la Tunisie une démocratie de façade. Sa réélection récente, largement contestée, illustre bien la dérive autoritaire de son régime. Sous couvert de défendre l’unité nationale et de combattre des « éléments corrompus et traîtres », il a instauré un climat de peur et de censure.

Dahmani, par ses déclarations, ne faisait que refléter la frustration et l’amertume d’une partie de la population. En réponse, elle est devenue une cible pour un pouvoir obsédé par le contrôle de son image. Ce qui devait être le renouveau démocratique de la Tunisie est en train de se transformer en une chasse aux sorcières où les voix critiques sont réduites au silence, un par un.

La fin de l’exception tunisienne ? Il est ironique de voir la Tunisie, autrefois saluée comme le seul succès du Printemps arabe, s’enfoncer dans un autoritarisme répressif. Ce pays qui, en 2011, a inspiré le monde par sa révolution pacifique, semble aujourd’hui revenir à ses vieux démons. L’emprisonnement de Sonia Dahmani rappelle tristement les heures sombres d’un régime policier, et pose une question plus large sur l’avenir de la liberté d’expression en Tunisie. Que reste-t-il de cette révolution si ce n’est l’ombre d’une démocratie dévoyée par le pouvoir personnel de Saïed ?

 

Pour Sonia Dahmani et pour la liberté

Sonia Dahmani paie aujourd’hui le prix fort pour avoir osé dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Son courage face à la machine répressive du régime doit être salué et soutenu. Car au-delà de son cas, c’est la liberté d’expression et l’avenir démocratique de la Tunisie qui sont en jeu. Les Tunisiens méritent mieux qu’un simulacre de démocratie ; ils méritent une vraie pluralité d’opinions, où la critique est non seulement tolérée mais nécessaire pour avancer. La communauté internationale doit prendre conscience de cette dérive et faire pression pour que ces voix ne soient pas étouffées, mais entendues. Car, comme le disait Voltaire, « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous ayez le droit de le dire ».

 

Sofiane Dahmani, Chroniqueur

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