Que représente la France pour les Américains en 2024 ? Si les liens historiques sont très forts entre nos deux pays, – on se souvient de La Fayette, de la statue de la Liberté de Bartholdi, de la libération de la France en 14-18 et en 39-45, si les échanges commerciaux sont plutôt au beau fixe*, les liens se sont largement distendus depuis la fin du 20ème siècle et l’entrée dans le 21ème.
Au fond, pour qui les Français auraient-ils intérêt à voter le 5 novembre ? Pour le nationaliste et isolationniste Donald Trump qui voit la France et l’Europe comme un concurrent commercial à affaiblir au maximum et dont on se demande s’il ne déteste pas fondamentalement ses origines allemandes. Ou pour Kamala Harris, beaucoup plus multilatéraliste et ouverte à des compromis avec ses partenaires.
On se souvient des années où Trump était au pouvoir. Les relations entre la magnat des affaires et Emmanuel Macron ont été marquées par des hauts et des bas. Au début de leurs mandats respectifs, les deux dirigeants ont affiché une certaine complicité, notamment lors de la visite de Donald Trump à Paris pour le défilé du 14 juillet 2017. Cependant, des divergences sur des sujets tels que l’accord de Paris sur le climat, le commerce international et la défense européenne ont rapidement émergé, entraînant de fortes tensions. Par exemple, en novembre 2018, Donald Trump a critiqué Emmanuel Macron sur Twitter après que ce dernier a suggéré la création d’une armée européenne indépendante.
Autre style, autre son de cloche avec Kamala Harris. Depuis sa prise de fonction en tant que vice-présidente des États-Unis, l’ancienne procureure de Californie a exprimé à plusieurs reprises son engagement envers la France. En novembre 2021, elle a effectué une visite officielle de cinq jours en France, visant à renforcer les relations bilatérales après des tensions liées à l’affaire des sous-marins australiens. Au cours de cette visite, elle a rencontré le président Macron et participé à des événements comme le Forum de Paris sur la Paix… dont la prochaine édition aura lieu le 11 novembre prochain.
Concernant les intentions de vote des Français, les sondages indiquent une préférence pour Kamala Harris dans l’élection présidentielle américaine de 2024. Selon une enquête récente, 65 % des Français soutiendraient la candidate démocrate, tandis que 25 % préféreraient Donald Trump, reflétant une tendance similaire à celle observée lors des élections précédentes.
Rien d’étonnant dans un pays qui ne comprend pas Trump. Il est vrai que ses obscénités et la violence de ses propos, que nous avons dénoncées, font un peu vite oublier les succès qu’a rencontré l’homme d’affaires, notamment avec les Accords d’Abraham.
Un sujet permet peut-être de trancher la question du choix : l’Ukraine. La France est engagée à ses côtés comme l’est l’administration Biden qui vient encore de voter 450 millions de dollars de crédits pour aider à l’effort militaire ukrainien. Donald Trump, lui, a promis de régler le conflit en 24h. C’est-à-dire bien entendu de peser de tout son poids s’il est élu président des États-Unis pour imposer à Zelensky un compromis territorial qui serait plus favorable à Poutine qu’à l’Ukraine.
En revanche, sur le conflit entre Israël et le Hamas, le Hezbollah et l’Iran, la victoire de Donald Trump inciterait peut-être la France à relancer son idée trop vite oubliée d’une coalition internationale contre le Hamas, pour affaiblir au maximum les mollahs et leurs affidés, source principale de l’islamisme mondial.
Donald Trump II, soyons clairs, sera un nationaliste beaucoup plus obtu s’il est élu que Trump I. America first se fera sans l’Europe fort probablement. C’est pourquoi les nationalistes français de droite qui espèrent tous la victoire de Donald Trump seront vite déçus lorsqu’ils verront comment Trump traite les Français et les Européens. C’est tout le problème des relations entre nationalistes de pays toujours concurrents voire adversaires et parfois ennemis.
Certes, pour la France, et au-delà pour l’Europe, Kamala Harris pourrait offrir une vision plus ouverte, pragmatique, et durable des relations internationales. En mettant en avant une approche de coopération et de dialogue, elle représenterait pour notre pays et ses partenaires une opportunité de renforcer les liens dans un monde de plus en plus incertain. Mais cèdera-t-elle à un wokisme qui emportera l’Amérique et l’Occident vers une autre civilisation dont nous ne voulons pas ?
Le 5 novembre, ce sont les Américains qui voteront et qui décideront du destin de l’Amérique et, première puissance mondiale oblige, du monde entier.
Michel Taube
*Les relations commerciales entre la France et les États-Unis sont solides et mutuellement bénéfiques. En 2022, les échanges bilatéraux de biens ont atteint un niveau record de 153 milliards de dollars, avec des exportations à leur plus haut niveau des deux côtés de l’Atlantique. La France est le troisième partenaire commercial des États-Unis au sein de l’Union européenne, et les investissements croisés entre les deux pays ont atteint 406 milliards de dollars en 2022.