C’est quoi être Européen ? Ça sert à quoi ? Lorsque nos amis italiens ont été frappés début 2020, deux semaines avant les autres, par la première vague épidémique de COVID et que des centaines d’Italiens mourraient dans des hôpitaux submergés et débordés, nous nous sommes sentis profondément européens parce que solidaires de nos amis d’outre-Alpes.
Dans un contexte évidemment totalement différent, le même sentiment nous étreint, celui de la compassion et de la solidarité avec les habitants de la province de Valence face à la furie des éléments naturels qui frappent toute une population.
Les trois jours de deuil décrétés par les autorités espagnoles soulignent ô combien c’est un véritable séisme qui frappe la société d’outre-Pyrénées.
Car l’Espagne est dans l’épreuve. Les inondations cataclysmiques qui ont dévasté la région de Valence ont emporté plus de 150 vies (le bilan final sera certainement bien plus lourd) et plongé des milliers de personnes dans le chaos. Les rues, transformées en torrents, racontent une histoire de désespoir et de destruction.
Ce désastre révèle la brutalité de ces phénomènes climatiques qui se multiplient et prennent des proportions toujours plus brutales. La France il y a quelques jours à peine, le sud des Etats-Unis il y a quelques semaines, le centre de l’Europe il y a quelques mois, nous vivons un dérèglement climatique, plus qu’un réchauffement, aux proportions de plus en plus violentes et qui vient nous rappeler la force de la nature.
En Espagne, plus de 200 opérations de sauvetage ont été menées, reliant espoir et résilience dans un contexte de chaos. Les critiques fusent déjà sur le retard dans la mobilisation et l’alerte générales de la protection civile de la Generalidad Valenciana, l’institution du gouvernement autonome de la Communauté valencianne, compétente en la matière.
La région de Valence a-t-elle vu venir l’ampleur de cette « Dana » (en espagnol) ou « goutte froide » ?
C’est à la suite des inondations de 1951 que le tracé du fleuve le Turia avait été dévié via le sud de l’agglomération, soit-disant pour épargner le centre-ville de Valence en cas de crue importante.
La déviation a bien fonctionné pour limiter les dégâts au centre ville de Valence lors de cet épisode climatique récent. Cependant, en déviant le Turia, sans tenir compte de l’urbanisation excessive dans le sud du territoire (bétonnage intensif avec une zone commerciale de plus de dix kilomètres de long et la création de nombreux lotissements), tous les villages du sud de l’agglomération de Valence ont été dévastés.
L’aménagement du territoire ne doit pas être un simple concept mais une véritable planification menée sur le long terme, bien au-delà des intérêts économiques et politiques locaux.
Réponse européenne
La solidarité européenne s’est immédiatement manifestée et s’organise, témoignant d’une prise de conscience collective de notre interdépendance. Loin d’être un simple geste symbolique, cette aide doit nous inciter à réfléchir à des solutions durables et concertées au niveau du continent.
Certes, depuis fin 2001, l’Union européenne a mis en place le Mécanisme de protection civile de l’UE. Il vise à renforcer la coopération en matière de protection civile entre les pays de l’UE et 10 autres États membres participant au mécanisme, en vue d’améliorer la prévention, la préparation et la réaction aux catastrophes. Doté d’un centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC), espérons qu’il interviendra rapidement à Valence.
Mais c’est une véritable Force d’intervention rapide civile européenne qui devrait se mettre en place, capable d’intervenir en 24h, pour apporter le soutien de l’Europe aux habitants frappés par une catastrophe naturelle.
Sur le moyen terme, la transition de nos modèles de vie économique et quotidienne devient un impératif de survie.
En France, pas plus tard qu’il y a une semaine, et après les crues dévastatrices qui ont touché le Rhône le 17 octobre dernier, le Premier ministre Michel Barnier s’était rendu à L’Arbresle et Givors pour lancer le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, annonçant que le fonds Barnier augmentera de « 75 millions d’euros en 2025 pour arriver à 300 millions d’euros d’engagement. » Ce fonds public permet aux collectivités territoriales, aux petites entreprises et aux particuliers de financer des travaux pour réduire la vulnérabilité de bâtiments exposés aux catastrophes naturelles.
Car, comme l’a souligné le chef du gouvernement français, « la prévention coûte toujours moins chère que la réparation. […] »
Certes, mais l’observation des catastrophes naturelles qui frappent l’Europe plusieurs fois par an nous incite à proposer que la réponse humaine s’élabore aussi au niveau européen : faut-il un fonds Barnier européen et un grand plan européen d’adaptation au dérèglement climatique ?
Alors que l’Espagne panse ses plaies, c’est dans ces tempêtes et ces crises que se forgera une Europe utile.
Michel Taube