Historien spécialisé dans la politique étrangère américaine, Justin Vaïsse a construit un parcours riche et éclectique, où la rigueur académique s’allie à une profonde expérience en diplomatie et en analyse stratégique. Normalien diplômé en histoire contemporaine, il concentre ses recherches sur les États-Unis et la guerre froide, une expertise qu’il développe au travers de sa thèse et de son habilitation à diriger des recherches. Il se spécialise sur les relations internationales et la politique étrangère américaine, s’intéressant tout autant à l’histoire politique intérieure des États-Unis qu’aux stratégies de Washington sur la scène mondiale.
Finalement, Justin Vaïsse ne sera pas professeur des universités à Sciences Po : pour la petite histoire, c’est un certain Pap Ndiaye qui décrochera le poste. Mais son livre « Histoire du néoconservatisme aux Etats-Unis » (éd. Odile Jacob) et sa biographie de Zbigniew Brzezinski (éd. Odile Jacob), publiés dans plusieurs langues, font encore date.
Après un premier passage au Quai d’Orsay, Justin Vaïsse rejoint des institutions américaines prestigieuses où s’ouvre à lui une perspective nouvelle sur les relations internationales. Au fil des années, il s’impose dans ce milieu en devenant une figure influente à la Brookings Institution de Washington, le plus important laboratoire d’idées en politique étrangère. Lors de ce séjour de six ans aux États-Unis, il cultive une compréhension intime des enjeux stratégiques américains et du fonctionnement des think-tanks, ce qui l’aidera à orienter plus tard ses propres projets pour la France.
En 2013, Laurent Fabius appelle Justin Vaïsse à revenir en France pour prendre la direction du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) au ministère des Affaires étrangères. Dans ce rôle, il devient une figure clé de la diplomatie française, contribuant à façonner les réponses diplomatiques du pays dans un contexte marqué par de profondes turbulences.
Avec les ministres Laurent Fabius, Jean-Marc Ayrault puis Jean-Yves Le Drian, il est aux premières loges de plusieurs crises : la longue crise syrienne, l’ascension de Daech, les débuts de la guerre en Ukraine, la relation tendue avec la Russie, et la question sensible de la vente des navires Mistral. Cette période, marquée par de nombreux défis internationaux, renforce sa conviction que la France doit redéfinir son influence mondiale au travers de nouveaux instruments de coopération et de dialogue.
Sous la présidence d’Emmanuel Macron, Justin Vaïsse commence à explorer la piste d’une diplomatie plus inclusive et multi-acteurs. Avec le soutien de personnalités influentes comme Philippe Étienne, alors conseiller diplomatique d’Emmanuel Macron, il propose en 2017 la création d’un événement annuel de portée internationale, qui réunirait États, organisations internationales, ONG, entreprises et acteurs de la société civile autour de la gouvernance globale. Son objectif est d’aborder les défis communs à l’humanité – climat, technologie, paix et sécurité – dans une perspective collaborative et innovante, inspirée de la COP21 et du succès de la France en matière de diplomatie climatique.
C’est ainsi que naît, le 11 novembre 2018, le Forum de Paris sur la Paix dont la septième édition se tient à Paris les 11 et 12 novembre 2024 et pour lequel Justin Vaïsse nous a accordé un entretien exclusif. Cette plateforme ambitieuse, dont Vaïsse est l’initiateur et le Directeur général, se donne pour mission de répondre aux défis mondiaux de manière concertée. Lors de son lancement, le forum bénéficie du centenaire de la Première Guerre mondiale, un événement planétaire qui attire des chefs d’État et de gouvernement du monde entier, renforçant l’impact de cette première édition.
Chaque année depuis, le Forum de Paris sur la Paix attire des acteurs de tous horizons, y compris des représentants du Sud global, ces anciens non-alignés supposés contre-balancer le Nord, pour aborder des problématiques essentielles comme la gouvernance de l’intelligence artificielle, la sécurité des réseaux numériques, la résilience face aux crises humanitaires, et la gestion des biens communs mondiaux.
Justin Vaïsse, dans sa vision du Forum, défend une approche accessible et inclusive, contrastant avec la nature souvent exclusive des grandes conférences internationales.
Une vision vaÏssienne de la diplomatie française et, au fond, une certaine idée de la France.
Géorgia Sarre-Hector,
Chroniqueuse