Aujourd’hui à Budapest Viktor Orbán accueille un Sommet de la pseudo Communauté politique européenne*, machin créé par Emmanuel Macron il y a deux ans lors de la présidence française du Conseil de l’UE, et qui regroupe un ensemble de pays européens (dont la Turquie) qui n’ont aucun point en commun pour adopter une vision commune de notre avenir.
Le président hongrois aura beau jeu de sabrer le champagne à la victoire de Donald Trump, défiant ses partenaires européens, alors que la victoire du magnat américain ne devrait susciter ni satisfaction excessive ni trop grande inquiétude.
À vouloir trop vivre à l’aune confortable du parapluie américain, nos dirigeants européens se sont endormis au fil des décennies alors qu’ils avaient tous les atouts pour construire une puissance européenne capable de s’autonomiser par rapport à l’Amérique en cas de vague isolationniste outre-Atlantique.
Ainsi aujourd’hui, alors que l’Ukraine a du mal à résister à la pression militaire du dictateur Poutine, nous voici, nous Européens, sous la menace du changement stratégique du partenaire américain dans la défense de notre propre sol européen. Par nos petites lâchetés, par un pacifisme mal placé, par des compromissions idéologiques avec le tyran de Moscou, pour un mélange de toutes ces raisons, les Européens se sont remis dans la situation qui était la leur pendant les deux guerres mondiales : devoir appeler au secours nos amis américains pour sauver l’Ukraine ! Décidément, qu’il est difficile de tirer les bonnes leçons de l’histoire.
Plutôt que de nous lamenter, la victoire écrasante de Donald Trump aux États-Unis devrait être un bon prétexte pour nous donner un bon coup de pied au cul, à nous Français et Européens.
Certes les États-Unis sont la première puissance mondiale sur les plans économique, financier, militaire, certainement aussi culturel. Mais l’Europe est le premier marché économique au monde. Et de loin. Notre rayonnement culturel dans le monde est également considérable.
Le Vieux continent a les ressources nécessaires pour se renouveler pour autant que ses élites le veuillent bien et s’en donnent les moyens et l’ambition.
Plutôt que de se lamenter sur les risques d’isolationnisme américain et de guerre commerciale que les Etats-Unis ne vont pas manquer de nous infliger dans les prochains mois, l’Europe, et plus particulièrement la France, ont deux mois pour s’organiser et préparer leur riposte économique, géostratégique et politique pour tenir tête, tout en entretenant l’amitié indéfectible qui nous lie, à l’Amérique version Donald Trump 2.0 (au sens de son second mandat) et 4.0 (si l’on y ajoute la patte d’Elon Musk).
Un bon coup de pied au cul, cela veut dire que les 27 chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne, mais aussi avec le Royaume Uni et la Norvège – et s’il le faut un cercle restreint d’entre eux qui seraient plus déterminés que les autres – devraient convoquer un Sommet européen extraordinaire pour saluer la victoire de Donald Trump, l’inviter à venir les rencontrer dans les prochaines semaines et en même temps affirmer 2 ou 3 ambitions fortes :
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l’autonomisation stratégique du versant européen de l’OTAN avec la décision d’investir massivement dans le pilier européen de l’OTAN,
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la réalisation d’un emprunt massif européen de 1 000 milliards d’euros destiné à relancer l’économie européenne dans les domaines stratégiques comme la défense, l’intelligence artificielle, la santé, l’alimentation, l’agriculture et l’enseignement,
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l’engagement des pays membres de cette alliance de réduire à la hache (le président argentin Milei, qui est en train de réussir son pari fou de relancer l’économie de son pays, avec le soutien toujours intact de son peuple) de 10% l’ensemble de leurs dépenses publiques inutiles, économies qui serviront à financer les intérêts de cet emprunt massif,
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Une grande politique d’immigration, 100 % choisie, avec d’une part le déploiement de forces policières et militaires navales et terrestres pour endiguer les flux migratoires illégaux venant d’Asie et d’Afrique, et d’autre part, dans des dispositifs de régularisation sélective et de recrutement à distance d’immigrés africains, asiatiques et américains dont l’économie européenne a cruellement besoin dans ses secteurs stratégiques.
Trump aime les rapports de force et respecte ses interlocuteurs lorsqu’ils font preuve d’autorité et d’ambition. L’Europe pourrait en avoir les moyens. En manquer autant est presque criminel au regard de nos capacités.
L’Europe a les moyens de faire du Trump avec bien plus d’élégance et autant d’efficacité. Dont acte ?
Michel Taube
*Communauté politique européenne : ce beau nom aurait encore un sens s’il avait été employé pour créer une véritable Confédération d’Etats décidés à partager des objectifs communs stratégiques. Mais cette belle idée, proposée en 1954 par les Allemands et les Français, mais écartée à la dernière minute par Pierre Mendes-France, est morte depuis au moins trente ans : l’on ne vit pas avec des nostalgies intellectuelles mais avec des projets d’avenir efficaces pour le bien commun.