Edito
12H39 - vendredi 15 novembre 2024

Le maire est le second flic de France et la police municipale son bras armé : tribune de Gerlove Yokota et Marc Hermandesse, policiers municipaux et dirigeants de l’ANCTS, et Michel Taube

 

De gauche à droite, Gerlove Yokota et Marc Hermandesse, directeurs de la Police municipale et dirigeants de l’ANCTS, Michel Taube, éditorialiste.

Le 22 juillet 1917, Georges Clémenceau se désigna comme le « premier flic de France ». Les ministres de l’Intérieur successifs ont hérité de ce beau surnom que nul ne leur conteste. Osons affirmer alors que le maire est le second flic de France et la police municipale son bras armé !

La sécurité du quotidien est une valeur qui revient en force avec un ministre pleinement engagé dont nous saluons la nomination. Tous les maires attachés à exercer pleinement leurs pouvoirs de police municipale, tous les professionnels de la sécurité, et notamment les 200 directeurs de police municipale en France, attendent beaucoup de Nicolas Daragon et du Beauvau des polices municipales qui se tiendra en plein Congrès des maires de France, le 21 novembre prochain à Paris.

 

Face à l’explosion des violences urbaines, des incivilités, du trafic de drogue, la menace terroriste et aux pressions migratoires illégales, la police nationale ne peut plus répondre seule à cette demande exponentielle de sécurité.

La réponse collective qu’il convient d’apporter exige une mise en musique subtile et ambitieuse des différentes forces de sécurité : gendarmerie, police nationale, polices municipales, sociétés privées sont les acteurs d’un continuum de sécurité seul à même de répondre à l’explosion, à la professionnalisation, à l’ubérisation des violences dans notre société.

Avec 2,2 milliards d’euros de budget annuel, 27 000 policiers municipaux dont 200 directeurs de police municipale, la police municipale constitue un appui décisif, complémentaire et synergique de la police et de la gendarmerie nationales.

 

Dans les communes et les territoires où les directeurs des polices nationale et municipale, le maire, le préfet et le procureur de la République travaillent main dans la main, mettant à plus rude épreuve la tranquillité et le sentiment d’impunité des délinquants et des criminels.

Or, nous ne le savons que trop, en France, l’État et les collectivités locales se disputent trop souvent les partages de compétences et nourrissent, aidés par une inflation législative et réglementaire, une bureaucratisation étouffante, une dilution des responsabilités et des coûts exorbitants.

En matière de sécurité, ce millefeuille administratif et corporatiste doit être dépassé, dans l’intérêt de la protection de nos concitoyens. Interdépendance et approche partenariale : la simplification promise depuis des années doit permettre de faire enfin vivre ces règles de conduite mises en œuvre sur le terrain entre collègues de police, quel que soit l’uniforme.

C’est un des enjeux clés du Beauvau des polices municipales : lever les dizaines d’obstacles administratifs et légaux à cette coordination vitale du terrain pour favoriser les échanges et permettre aux policiers nationaux et municipaux d’agir de concert.

Le Beauvau des polices municipales doit déboucher sur des décisions concrètes et des modifications législatives qui faciliteront le travail des policiers municipaux avec leurs collègues nationaux.

Permettre aux policiers municipaux d’intervenir plus rapidement et en toute sécurité, c’est permettre aux Français et à leurs maires de compter sur une police de proximité plus réactive et plus adaptée aux besoins des citoyens.

 

Il est donc temps de lever certaines aberrations

Le saviez-vous ? Les policiers municipaux ne peuvent pas dresser d’amendes forfaitaires pour conduite sans permis ou sans assurance, squat de hall d’immeubles, entraves à la circulation routière, tags, ni même saisir des matériels en cas d’usages de stupéfiants, … Autant de faits de violences qui nuisent pourtant gravement au quotidien de nos concitoyens et de leurs maires.

Le saviez-vous ? La police municipale ne peut contrôler un véhicule qu’en présence d’une infraction préalable, se coupant de toute possibilité d’action préventive, même lors d’évènement pouvant nuire à la sécurité publique.

Le saviez-vous aussi ? Sauf dans de rares cas, les policiers municipaux ne sont pas habilités à relever l’identité lors d’un délit ou d’un crime. Ils ne peuvent pas non plus, sauf dans des cas très rares ou sur autorisation expresse d’un officier de police judiciaire, participer au dépistage de stupéfiants ou soumettre un conducteur au dépistage de l’imprégnation alcoolique.

Saviez-vous aussi que les policiers municipaux ne peuvent pas consulter les fichiers relatifs aux antécédents, ni accéder à de nombreux fichiers de renseignements, tels que le fichier des personnes recherchées, le fichier des véhicules assurés ou le fichier des objets et véhicules signalés, qui leur permettraient pourtant de mieux anticiper leur travail de terrain, d’aider la police nationale à repérer les délinquants les plus violents qui sèment souvent la terreur dans un quartier, une rue, un immeuble.

Le saviez-vous enfin ? Le Conseil constitutionnel a interdit aux polices municipales l’usage des drones pour lesquels de nombreuses collectivités territoriales avaient pourtant investi et alors même que l’État en manque cruellement. Dans la préparation de certaines festivités (14 juillet, 31 décembre, 21 juin…) ou lors des émeutes urbaines, la surveillance des toits d’immeuble et des rues des quartiers populaires via un drone serait pourtant fort utile.

 

Mieux encore, tous les jours, des dizaines de policiers risquent leur vie dans des contrôles routiers qui peuvent se transformer en refus d’obtempérer. Le jour où ces délinquants, souvent multirécidivistes, sauront que des drones municipaux peuvent les surveiller et permettent à la police nationale ou municipale de les traquer, la force dissuasive de la police et de la justice reprendront de la vigueur.

Le Beauvau des polices municipales doit lancer le chantier législatif de la simplification administrative des procédures pour donner enfin de telles facultés d’action aux policiers municipaux de France.

 

Pouvoirs de police judiciaire

Mais, disons-le clairement, la petite révolution actuellement à l’œuvre dans l’esprit de tous les spécialistes et partisans d’un grand sursaut régalien de sécurité, est de donner aux policiers municipaux, sous le contrôle du procureur de la République et du maire, et en lien étroit avec la police nationale et la gendarmerie, de véritables pouvoirs de police judiciaire.

Mieux, pour assurer le succès du Beauvau des polices municipales, les cadres de police municipale de l’ANCTS adressent 10 propositions concrètes au gouvernement et au président de l’Association des Maires de France, dont deux soulignent l’ambition de réussir cette révolution culturelle et administrative de la sécurité :

– La création d’un Observatoire des polices municipales placé sous la responsabilité de l’État et des collectivités locales, véritable outil de pilotage pour les maires,

– L’incitation politique et financière des maires qui ne disposent pas de service ou de direction de police municipale à pouvoir en créer, et pour ceux qui en disposent, les aider par le biais de subventions à sanctuariser les dépenses de fonctionnement.

 

Espérons que le vote de la loi de finances 2025 viendra confirmer les bonnes intentions du Beauvau des polices municipales.

 

Gerlove YOKOTA, président de l’ANCTS (Association Nationale des Cadres Territoriaux de la Sécurité), Marc HERMANDESSE, vice-président de l’ANCTS

Michel Taube, éditorialiste politique

 

Directeur de la publication

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