Opinion Eco & Entrepreneurs
04H37 - samedi 20 avril 2024

Libérons (enfin) l’économie française ! La tribune de Michel Taube et François Perret

 

« Cessons d’emmerder les Français ! » avait lancé Georges Pompidou à Jacques Chirac.

Cinquante ans après, Emmanuel Macron, qui est rodé en matière de petites phrases, pourrait ouvrir le Conseil des ministres de ce jour de la même façon, en préambule de l’adoption par le gouvernement du projet de loi Simplification présenté aujourd’hui même par Bruno Le Maire.

Cette énième tentative pour simplifier le paysage normatif pour les entreprises ne suffira malheureusement pas à sortir d’une spirale infernale.

Car, autant le dire, les Français doivent vraiment être formidables pour maintenir, en son état bureaucratique actuel, la France parmi les plus grandes puissances économiques mondiales. Un pays dans lequel les normes et les prélèvements obligatoires déferlent de toutes parts au point d’étouffer l’économie française et rendre la vie impossible à de nombreux chefs d’entreprises, aux agriculteurs, aux usagers des services publics et, au final, à tous les Français.

Certes, on assiste à un début de réindustrialisation, à la libéralisation partielle du marché du travail, à la remise en cause – enfin – des trappes d’assistanat.

Mais cela ne suffit pas ! L’explosion de la dette publique, le déficit de la balance commerciale, le poids (de nouveau à la hausse) des impôts et des prélèvements sociaux, l’effondrement du niveau scolaire de nos enfants, le désespoir des agriculteurs, le manque d’autorité et les violences urbaines, la fuite des cerveaux, surtout chez les jeunes et les chercheurs, la montée du sentiment anti-Français en Afrique et ailleurs, sont autant d’indicateurs stratégiques ayant viré au rouge et qui font craindre pour l’avenir de la France et des Français.

Les faits sont têtus : la production française décroche et est passée de la 4ème place en 2000 au 7ème rang mondial en 2024, et même au 23ème rang si l’on prend le PIB par habitant, dans un contexte de concurrence économique mondiale impitoyable et de rivalités géopolitiques explosives.

Allons-nous baisser les bras ? Nous refusons et refuserons toujours le déclinisme et tout autant l’aventure !

Mais il faut frapper fort et vite !

A-t-on d’ailleurs mesuré l’ampleur de ce mal qui ronge la France ?

A-t-on évalué pourquoi la France, malgré la qualité de ses chercheurs, n’a pas eu son vaccin anti-Covid ? Pourquoi, malgré la force de ses entrepreneurs et de ses entreprises, elle ne relève toujours pas de manière satisfaisante le défi de l’innovation et de la compétitivité ? Pourquoi, malgré des moyens considérables injectés, l’Éducation Nationale et le dispositif de formation professionnelle ne parviennent pas à offrir à nos petites et moyennes entreprises les compétences dont elles ont besoin pour grandir et se battre à armes égales avec leurs concurrentes sur les marchés étrangers ? Pourquoi enfin l’Europe fait l’objet d’une telle défiance à quelques semaines des élections européennes alors  qu’elle protège nos concitoyens dans chaque crise traversée depuis 2009 ?

Nous appelons à une évaluation approfondie de ce mal français, notamment pour sauver notre modèle social si précieux mais si fragilisé.

Passons donc à l’action et aux solutions fortes, ambitieuses, visionnaires dont les Français ont le secret. Il faut un remède de choc et non un simple cautère – un de plus – sur une jambe de bois.

Bref il est l’heure de libérer massivement l’économie et la société françaises et d’appeler nos dirigeants politiques à adopter des mesures radicales pour relancer le moteur France.

Pour refaire de la France la championne des économies libres et responsables, il faut (1) libérer massivement le travail, (2) dégrossir le mammouth public et réinvestir sur un État stratège et régalien, (3) soutenir des entrepreneurs innovants responsables et mettre les chefs d’entreprises au centre de toutes les mobilisations, tant de la puissance publique que de toute la société. Seules ces trois ambitions combinées remettront la France en ordre de bataille pour que nous retrouvions notre leadership mondial.

Nous proposons ici quelques premières pistes qui permettent de mesurer l’ampleur du chantier qui est devant nous mais en posant dès le départ le principe qu’une mise en œuvre seulement partielle de ces ambitions empêchera ou retardera la relance du moteur France.

 

Libérer le travail ! Ambition n°1 !

Le travail doit payer mieux plutôt que de servir seulement à payer pour les autres !

Transférons le financement de la protection sociale, aujourd’hui principalement assis sur la production et les revenus du travail, vers une fiscalité moins pénalisante pour l’emploi, reposant sur d’autres ressources (consommation, épargne, retraite…). Ce que d’aucuns appellent la TVA sociale.

Investissons encore plus massivement dans l’apprentissage, les cursus technologiques. En matière de formation, les compétences doivent primer sur les diplômes et pour tout dire il faut en finir avec le dogme du collège unique et de 80% d’une classe d’âge au Bac général. Dès la 4ème, les meilleurs élèves doivent être encouragés à aller vers un Bac pro, tout en continuant à acquérir les savoirs de base que sont le français, l’histoire–géographie, l’instruction civique et les maths, et les décrocheurs bien mieux encadrés de l’école primaire jusqu’au lycée.

Renforçons les mesures d’incitation au retour à l’emploi ou à la formation des jeunes qui en sont le plus éloignés, en leur offrant un parcours permettant de faire éclore le talent de chacun.

Facilitons la continuité d’activité des seniors qui ont la chance de pouvoir vivre longtemps en bonne santé. Dans un esprit de solidarité, recrutons et rémunérons massivement des femmes et des hommes de plus de 50 ans, chargés de parrainer tout jeune des ruralités et des quartiers politique de la ville dans leur parcours de recherche d’emploi ou de création d’entreprise.

 

Dégrossir le mammouth ! Ambition n°2 !

La priorité des priorités est que l’État investisse massivement dans la remise à niveau des enfants et des jeunes dans les savoirs fondamentaux (mathématiques, français…) et la transmission des valeurs de respect et d’autorité.

Pour cela, il faut interrompre l’interminable dégradation de la qualité de tous les services publics alors que les charges publiques et le nombre de fonctionnaires de l’État et des collectivités locales continue d’augmenter de façon abusive.

Il faut oser révolutionner la Fonction publique en cassant le dogme d’un autre temps du fonctionnaire tout au long de sa vie, en adoptant un plan massif de mobilité et de reconversion professionnelle des fonctionnaires de catégorie A et B vers les métiers d’avenir et en tension dans le privé, en mettant en œuvre de façon effective le non-remplacement d’un fonctionnaire de l’État et des collectivités locales sur deux partant à la retraite.

Réorganisons ensuite les prestations sociales autour d’une allocation sociale unique plafonnée, destinée à remplacer toutes les aides sociales actuelles pour mettre fin à la gabegie et aux complexités administratives.

Engageons enfin un nouveau chapitre de la décentralisation en confiant aux collectivités locales la gestion des ressources humaines et l’administration des services publics qui concernent les besoins quotidiens des Français, notamment dans l’hôpital et l’école, institutions au bord de la rupture et nécessitant un pilotage de proximité et une coordination sans faille entre les acteurs publics et privés des territoires.

 

Soutenir des entrepreneurs innovants et responsables ! Ambition n°3 !

Changeons de paradigme : l’État et la puissance publique doivent se mettre au service des entreprises !Pour permettre à leurs dirigeants la conquête de nouveaux marchés dans une Europe protectrice et souveraine, où l’innovation, la productivité, la responsabilité, l’adaptation aux nouveaux mondes que sont la transition écologique et le numérique, doivent être les maîtres mots.

Dotons les chefs d’entreprise d’un régime de santé et de protection patrimoniale et juridique renforcé et aligné sur le régime des salariés.

Il faut révolutionner la justice commerciale et ne plus confier les procédures collectives à des juges consulaires élus dans des conditions discutables alors qu’il serait préférable de professionnaliser de
nouveau les tribunaux de commerce.

Défendons nos agriculteurs dans la tourmente ! Compte tenu du caractère vital et stratégique de leur activité, les entrepreneurs agricoles doivent bénéficier d’un régime de garantie de leurs revenus. Il faut remplacer les lois EGALIM, véritables usines à gaz, par un dispositif imposé aux acteurs des filières agro-alimentaires de prix plancher pour les producteurs de la matière première, garantissant 2 SMIC à tout acteur de la filière bio et 1,5 aux autres, et ce uniquement pour les petites et moyennes exploitations.

Déployons un vaste plan de communication auprès des PME et TPE pour faire profiter leurs dirigeants et collaborateurs des dispositifs de partage de la valeur, avec un objectif de 10% de capital détenu par les salariés en 2030 et d’extension des dispositifs d’intéressement à tous les salariés au même horizon. Pour mettre en œuvre ce plan, recrutons des Ambassadeurs au partage de la valeur parmi les employeurs et les salariés engagés dans un accord d’épargne salariale (intéressement, participation).

Systématisons le soutien à l’internationalisation des entreprises françaises dès leur création en simplifiant notamment leur accès aux aides publiques dans le but de doubler le nombre d’entreprises exportatrices régulières d’ici 2030.

Pour optimiser le passage de la recherche fondamentale à l’industrialisation, les procédures de validation des études de recherche-développement doivent être allégées et inspirées des systèmes anglo-saxons qui ont fait leur preuve. Les chercheurs français doivent être motivés financièrement et
formés à être de vrais « chefs d’entreprise ».

Ayons le courage de réformer le Crédit d’impôt-recherche (CIR) dont l’effet d’entraînement reste encore limité, alors qu’il pourrait être nettement accru s’il était mieux ciblé sur les PME (effet d’entraînement estimé à 1,4 dans les entreprises de petite taille contre seulement 0,4 dans les grandes entreprises).

Accompagnons le virage numérique. D’abord en nous assurant que chaque PME disposera en 2027 d’un plan de prévention contre les cyberattaques en conditionnant certaines aides à l’atteinte de cet objectif. Ensuite en mettant en place un « prêt IA » garanti par l’État pour accompagner le développement de l’intelligence artificielle dans la moitié des PME industrielles d’ici trois ans et leur totalité en 2030.

Réussissons la transition écologique sans nous mettre les Français à dos et de façon pragmatique. En soutenant la mise en place d’un bilan et d’un plan d’action environnemental complet (décarbonation, économie circulaire, gestion des déchets, protection de la biodiversité…) des entreprises, notamment les PME et les TPE, pour accélérer la transition environnementale de notre tissu productif. En soutenant le développement des énergies renouvelables tout en consolidant le pilier nucléaire.

Favorisons, enfin, l’adoption par l’Union européenne d’une stratégie de conquête internationale en faisant éclore de nouveaux champions européens et en réorientant mieux le Fonds européen pour les investissements stratégiques vers les TPE et PME de croissance et les ETI continentales.

 

Au politique de répondre aux besoins des Français !

Faisons confiance aux Français et redonnons-leur la liberté d’entreprendre, d’innover, de travailler, de créer !

Ainsi, pour accélérer la mise en œuvre de toutes ces mesures de bon sens, nous demandons solennellement au Président de la République, au Premier ministre et aux Présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat, la convocation d’une session parlementaire extraordinaire « Liberté et responsabilité à tous les étages de la Maison France » qui sera chargée de :

– stopper l’inflation normative et administrative et prendre des mesures radicales de simplification des codes, – grande spécialité française – qui régissent la vie économique (codes du travail, commerce, rural, consommation, urbanisme, code général des impôts…) et qui sont devenus des pavés sur la route France !

– dresser l’inventaire et supprimer tous les comités « Théodule » inutiles en France,

– fusionner les services de l’Etat et des collectivités locales exerçant des doublons administratifs pour alléger le millefeuille administratif,

– faire adopter toutes les mesures législatives et réglementaires exigées par nos propositions.

A l’issue de cette session extraordinaire du Parlement, nous demandons au chef de l’État et au gouvernement de convoquer un référendum qui avalisera le fruit des travaux parlementaires. La “règle d’or du 0 déficit public” pour financer le fonctionnement de l’État (hors crises exceptionnelles) sera inscrite dans la Constitution et le président de la République en sera le garant.

Sans ce sursaut collectif, la France ira à l’aventure !

Avec ces réformes, la France retrouvera la clé de son destin et de sa souveraineté !

Pour notre part, nous appelons toutes les entreprises, des artisans, libéraux, commerçants, TPE, PME, ETI aux plus grands groupes, nous appelons les forces vives de la nation et toutes les bonnes volontés à nous rejoindre pour organiser des États généraux de l’entreprise libérée et responsable.

 

Michel Taube, fondateur d’Opinion Internationale, éditorialiste politique, chef d’entreprise

François Perret, Économiste, auteur de Non, votre salaire n’est pas l’ennemi de l’emploi ! (Dunod, 2022) et animateur en 2014 des Assises de l’entrepreneuriat

 

 

 

 

 

Si vous vous retrouvez ne serait-ce que dans l’esprit et les trois ambitions de cette tribune, si vous souhaitez nous rejoindre pour organiser des États généraux de l’entreprise libérée et responsable, merci de nous contacter : [email protected]

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