Monsieur Le Ministre, le Maire est-il le premier flic de France ?
Monsieur le président, cher David Lisnard,
Mesdames et Messieurs les maires et élus,
Monsieur le préfet de police de Paris,
Monsieur le directeur général de la police nationale,
Monsieur le directeur général de la gendarmerie nationale,
Madame la cheffe de l’Inspection générale de la police nationale,
Mesdames et Messieurs les directeurs d’administration centrale,
Mesdames et Messieurs les directeurs et agents de police municipale,
Mesdames et Messieurs membres des organisations représentatives du personnel,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,
Je suis particulièrement heureux d’être ici, avec vous, pour relancer officiellement cet indispensable « Beauvau des polices municipales ».
Dans la phrase que je viens de prononcer, croyez‑bien que chaque mot est pesé et a son importance.
Je suis d’abord heureux d’être ici. Quel meilleur lieu que le congrès des maires de France pour relancer un cycle de concertations sur les polices municipales ?
Merci, Monsieur le président de l’Association des maires de France, cher David, de l’avoir rendu possible.
C’est un symbole fort. Mais ce n’est pas qu’un symbole. J’entends ainsi rappeler une évidence qui n’a pas toujours été reconnue comme telle ces dernières années : c’est aux maires de décider pour ce qui concerne la création, les effectifs, les prérogatives, ou encore l’équipement de leurs polices municipales et de leurs gardes champêtres. L’État ne doit rien imposer d’en haut, unilatéralement, contre les ressentis et les besoins du terrain.
Vous serez d’ailleurs pleinement impliqués dans la réalisation des plans d’action départementaux de restauration de la sécurité du quotidien qui ont été demandés aux préfets dans une circulaire que j’ai cosignée, aux côtés du ministre de l’intérieur, ce mardi 19 novembre.
Je suis, ensuite, heureux d’être AVEC VOUS. C’est‑à‑dire avec l’ensemble des parties prenantes : municipalités, État, représentants du personnel, représentants de l’autorité judiciaire, ou encore centre national de la fonction publique territoriale.
C’est très important pour moi. Parce que si ce sont bien les maires qui décident, avancer ne peut se faire que dans la concertation et dans le cadre d’une construction commune.
Les constats sont souvent communs. Il nous revient de travailler dans les prochains mois à des solutions partagées, dans le cadre du continuum de sécurité dont j’ai la charge, sous l’autorité du Premier ministre, Michel Barnier.
Je suis heureux de vous voir nombreux et représentatifs de toutes les parties prenantes donc, mais aussi de toutes les sensibilités politiques, de toutes les tailles de communes, de tous les niveaux d’engagement sur le sujet.
Je suis, enfin, heureux de rouvrir cet INDISPENSABLE Beauvau.
Indispensable, parce que la dernière grande loi qui a régi les polices municipales date du 15 avril 1999. Elle a plus de 25 ans !
Pour des élus ou des acteurs de terrain comme vous, nul besoin de grandes statistiques pour savoir qu’en 25 ans les enjeux de sécurité et de tranquillité publiques auxquels nous sommes confrontés ont beaucoup évolué. Hélas, pas dans le sens d’une amélioration.
Avant de revenir, de façon plus informelle, sur les précédentes étapes du Beauvau des polices municipales ; puis, surtout, de partager avec vous le programme de travail que nous vous proposons pour les mois qui viennent ; je veux présenter le cadre de nos discussions et la méthode qui sera la mienne.
Pour ce faire, je veux commencer par vous dire le plus clairement possible que :
« Vous avez devant vous un allié. »
Maires et élus, vous avez devant vous un allié, quelqu’un qui est élu local depuis 30 ans, qui sait quelles sont vos attentes, vos contraintes, vos exigences de simplification ; vos limites aussi.
Je connais la réalité des élus de terrain. Je préside, depuis plusieurs années, l’association des maires de la Drôme, un département en grande majorité rural.
Je sais que les sujets de sécurité et d’incivilités sont des préoccupations majeures pour l’ensemble des maires, que ce soit dans les grandes communes urbaines, mais aussi dans nos communes rurales.
Dans ces dernières, souvent, les élus n’ont pas à leur disposition de service pour exercer les prérogatives de police dévolues au maire. Des outils existent. Nous discuterons dans le cadre du Beauvau des moyens de les améliorer.
Policiers municipaux, gardes champêtres, vous avez devant vous un allié, un maire qui a plus que doublé les effectifs de sa police municipale, qui fait en sorte de leur garantir la sécurité, les meilleurs équipements possibles et les prérogatives qui permettent tout à la fois de les rendre efficaces et de maintenir leur présence sur le terrain. J’en profite pour saluer mon directeur de police municipale, Xavier Dussel.
Représentants de l’État et de la justice, vous avez devant vous un allié, un ministre attaché à une coordination réelle, efficace et équitable entre forces de sécurité intérieure, policiers municipaux et justice, comme il y travaille déjà quotidiennement, en tant que maire.
Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, m’a confié la relance de ce Beauvau avec une ligne de conduite : une porte toujours ouverte pour la discussion. Cela tombe bien, c’est mon A.D.N.
Car ma méthode, c’est celle d’un maire. Parce que vous la pratiquez au quotidien, vous la connaissez bien : l’écoute et le terrain.
– L’écoute : j’ai déjà reçu et discuté avec de nombreux maires, de toutes sensibilités politiques confondues.
– Le terrain : j’ai déjà réalisé de nombreux déplacements à travers la France.
Je vous annonce d’ailleurs que nous lancerons, dans les prochaines semaines deux questionnaires en ligne, l’un à destination des maires qui ont une police municipale, l’autre à destination du public.
Cela permettra de mieux analyser les attentes des maires et de nos citoyens.
Fort de cette méthode, je veux finalement vous faire part de trois exigences et d’une conviction.
- La première exigence, c’est la libre administration des collectivités territoriales. Nous n’imposerons rien aux maires. Il n’y aura pas, à l’issue du Beauvau, d’obligation de prendre des prérogatives de police judiciaire ou d’armer sa police municipale.
Nous étendrons probablement, et même certainement, les compétences possibles des policiers municipaux. Mais dès lors que nous dépasserons la simple « facilitation » ou « simplification », ce sera au maire de choisir s’il souhaite se saisir d’une nouvelle compétence, d’un nouvel équipement, d’une nouvelle faculté.
Mais je veux aussi le dire clairement : la libre administration des collectivités ne concerne pas que les relations entre l’État et les communes, mais aussi les relations entre communes. Aussi, à partir du moment où les compétences que nous rendrons possibles seront optionnelles, il ne faudra pas s’y opposer par principe, mais laisser les maires qui souhaitent s’en saisir pouvoir le faire.
- La deuxième exigence, c’est que la police municipale doit demeurer une police de terrain, une police de proximité et de tranquillité.
Comme ministre en charge de la sécurité du quotidien, comme maire, je suis très attaché à ce que les policiers municipaux conservent leur spécificité et leur cœur de métier : la lutte contre les incivilités.
Ainsi, s’il devait y avoir extension des compétences de police judiciaire des policiers municipaux, toujours évidemment à la main du maire, ces compétences ne pourraient qu’être cantonnées à des actions simples, facilitantes, ne nécessitant pas d’actes d’enquête.
Je le dis sans détour : si le cadre constitutionnel oblige à un contrôle du parquet sur les actes judiciaires que pourront réaliser certains policiers municipaux, ces prérogatives seront limitées, aussi bien en termes de temps, de missions et d’agents qui pourront en disposer. Il n’y aura donc pas de double commandement général.
Nous travaillerons, sur ce sujet, main dans la main avec le ministre de la justice, Didier Migaud.
- La troisième et dernière exigence, c’est que nous n’éludions aucun sujet.
Je le disais, la dernière grande loi structurante date de 1999, mais depuis, des lois sont venues faire évoluer tantôt les prérogatives, tantôt la doctrine d’emploi, tantôt les niveaux de décision ou de coordination… sans aucune vision globale.
Nous ne tomberons pas dans cet écueil. Nous traiterons de tous les sujets, sans tabou, dans l’écoute et la concertation.
Le programme que je vous présenterai tout à l’heure n’élude aucune thématique, des prérogatives à la déontologie, en passant par la formation, le volet social ou la protection des agents, sujets sur lesquels nous travaillerons en commun avec ma collègue Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation en France.
Mais je veux aussi le dire clairement : n’éluder aucune thématique ne veut pas dire que nous aboutirons sur tous les sujets. Il faudra sans cesser chercher des accords et des compromis.
Le Beauvau des polices municipales est aussi celui des 900 gardes champêtres que compte notre pays. Même s’ils sont évidemment moins nombreux que les policiers municipaux, ils n’en sont pas moins fondamentaux et incontournables dans certains territoires.
Avant d’en venir au rappel des étapes précédentes et à la présentation des prochaines, je veux terminer par une conviction personnelle.
Il nous faut, selon moi, renforcer les prérogatives des policiers municipaux. Je pense que nous devons aller le plus loin possible.
Il le faut d’autant plus que, je le répète, il reviendra ensuite aux maires de choisir de s’en saisir ou non. Ma logique est celle d’une « boite à outils ».
Mais, parce qu’ils sont confrontés à une nouvelle forme de délinquance qui les nargue, il nous faut donner aux policiers municipaux de nouveaux moyens d’agir.
Il nous faut réfléchir à donner aux maires la possibilité de permettre à leurs agents de :
– relever l’identité d’un auteur d’un crime ou d’un délit ;
– constater, par procès-verbal, certains délits simples ;
– inspecter visuellement des bagages dans les transports en commun ;
– fouiller les coffres ;
– accéder plus facilement et à davantage de fichiers nationaux ;
– être dispensé de tenue dans les transports en commun pour constater les outrages sexistes ou sexuels ;
– ou encore être équipés de drones ou de moyens de désencerclement.
En somme, mon objectif, avec ce Beauvau, est triple :
- Faire que plus jamais un policier municipal ne se sente démuni, défié, nargué par un délinquant ;
- Faire qu’il y ait 27 000 – et demain 40 000 – gardiens de la sécurité du quotidien dans nos villes et nos villages ;
- Faire que les trafiquants, vendeurs à la sauvette et autres squatteurs d’immeubles n’aient plus une minute de répit dans nos villes.
Vous le voyez, nous avons beaucoup à faire dans les prochains mois.
Nicolas Daragon
Ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien