La chronique de Patrick Pilcer
18H12 - jeudi 21 novembre 2024

Nos salariés et nos entreprises ne peuvent porter tout le poids de l’équilibre de nos comptes publics et du coût de notre modèle social. La chronique de Patrick Pilcer

 

La France a pris depuis trop longtemps la mauvaise habitude de punir ses bons élèves. Plutôt que d’améliorer le niveau des « cancres », toujours plus nombreux, on nivelle par le bas.

Je ne parle pas là de notre Ecole mais bien de notre Economie en général, et cette proposition de budget, en examen actuellement au Parlement, illustre parfaitement ce constat.

Ajoutons à cela la schizophrénie inquiétante de nos ministres. Par exemple, notre jeune ministre de l’Economie qui s’épanche dans les colonnes du Parisien contre « l’impôt de trop » mais propose, dans ses choix budgétaires, toujours plus de taxes !

Ou tel ou telle ministre qui, avant de réaliser son rêve, d’atteindre son graal de la voiture avec chauffeur, gyrophare et titre, prônait une nouvelle politique agricole au service du renforcement et du développement de nos agriculteurs ; ou une politique pro-active vers le plein emploi ; ou le renforcement de la Laïcité à l’Ecole ; ou la fin de l’entrisme de l’islamisme ou des théories du genre ; ou le redémarrage de la construction et du logement ; et qui, une fois dans sa tour d’ivoire ministérielle, propose l’éducation sexuelle dès 4 ans, l’alourdissement du coût du travail, aucune réelle politique agricole cohérente, aucune politique du logement structurante ! A bien analyser les paroles et actes des ministres, est-il admissible qu’il n’y ait que Bruno Retailleau pour faire aujourd’hui ce qu’il disait la veille ?

A se demander si, une fois ministres, ces élus, même talentueux, ne deviennent pas complètement hors sol ! Ne faudrait-il pas imposer un psychiatre dans chaque cabinet ministériel, ou un miroir, ce qui aurait l’avantage de ne pas augmenter les dépenses publiques ? Notre pire ennemi, après tout, c’est souvent nous-même !

 

Pourtant deux constats assez simples émergent depuis plusieurs mois ; deux constats largement partagés par la classe politique et surtout par les Français.

Premier constat : on ne rétablira nos comptes publics comme la confiance envers nos gouvernants qu’en baissant fortement la dépense publique. Une baisse dans nos administrations nationales comme territoriales.

Chacun fait la même analyse dans nos hôpitaux, dans notre éducation nationale, dans la justice, dans les départements, dans les collectivités territoriales, en fait dans tous les ministères, dans toutes les administrations, dans tous nos territoires. Prenons l’exemple de la santé : l’hôpital ne soigne pas correctement ses patients en passant de 20 à 50% de personnels administratifs. Le contraire est même malheureusement criant.

Nous avons laissé le bateau France dériver depuis des années, peut-être depuis les grandes grèves contre le plan Juppé qui ont incité Chirac à l’inaction la plus complète. Il est temps de reprendre le gouvernail ! Il nous faut prendre ce chantier à bras-le-corps, redéfinir les objectifs de chaque administration, de chaque direction, supprimer ce qui est inutile ou redondant, moderniser, optimiser nos politiques publiques comme les outils que nous mettons en œuvre pour réaliser ces dites politiques. Plutôt que d’entendre nos ministres évoquer les augmentations de taxes, nous aimerions les voir dégrossir le mammouth !

Deuxième constat : on ne peut, année après année, déficit record après déficit record, alourdir à chaque fois les taxes reposant sur les salariés, les retraités et les entreprises.

Les entreprises françaises et nos entrepreneurs jouent le jeu. Ils cherchent à créer de la richesse, des emplois, ils cherchent à innover, en France. Plutôt que de les récompenser, les applaudir, les aider, vraiment, le réflexe pavlovien de nos gouvernants est d’alourdir toujours plus leur fiscalité, les frapper, durement, sur leurs profits d’aujourd’hui, qui pourtant servent aux investissements de demain, aux emplois d’après-demain, et aux recettes fiscales à venir.

Si nous souhaitions les inciter à délocaliser, à se faire coter à Amsterdam, Londres ou New York, à investir dans leurs unités de recherche Outre-Atlantique, nous ne y prendrions pas autrement ! 

 

Nos étudiants aussi jouent le jeu. Ils pourraient s’expatrier très facilement. Un chercheur en IA, un médecin, un dentiste sont payés 3 à 10 fois plus à Genève, à Londres, à Singapour ou à New York. Les habituer à être la vache à lait du système, rogner leur pouvoir d’achat, plutôt que de faciliter leur cursus et leur entrée dans la vie active, c’est la meilleure façon de les pousser à aller voir si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. D’autant que faute d’investissement suffisant dans l’enseignement supérieur, nous incitons nos étudiants à aller se former ailleurs… Plutôt que d’assujettir les apprentis à la CSG-CRDS, ce budget devrait supprimer cette taxe pour les stagiaires aussi ! L’aberration n’est pas que les apprentis n’y soient pas assujettis, mais que les stagiaires y soient !

 

Evitons les éléments de langage qui ne cherchent qu’à duper nos parlementaires, heureusement habitués à décoder les paroles ministérielles.

Prenons l’exemple des charges sur les salaires. Quand on fait supporter des charges de 100 aux salariés quand elles ne devraient être que de 20, puis quand on les baisse à 50, il est trop facile de dire que l’exonération de 50 fait peser un poids fort sur l’équilibre des comptes et alourdit d’autant notre dette. Les 30, encore en trop, pénalisent notre emploi ! La bonne politique devrait être de poursuivre la baisse des charges et les réduire à 20 !

Pour être juste, Sarkozy/Fillon comme Macron/Le Maire avaient commencé à diminuer le coût du travail. Il est suicidaire de mettre en place avec ce budget 2025 une politique à 180°, à rebours de la logique économique, d’augmenter le coût du travail et les impôts sur les entreprises…

Bien sûr, il faut compenser ces baisses de recettes pour ne pas mettre en péril la Sécurité Sociale ou l’Assurance Chômage. Mais pourquoi par d’autres charges sur les salaires ou des taxes sur les entreprises ?

 

La véritable question devrait être : pourquoi a-t-on accepté, ces dernières décennies, de faire porter l’essentiel du poids de notre modèle de protection sociale sur les salariés, les retraités et les entreprises.

Exonérer de CSG-CRDS une partie des salaires et des retraites en augmentant la TVA participerait pleinement de cet effort, de ce meilleur équilibre des ressources, tout en redonnant du pouvoir d’achat aux bas salaires, mais il y a certainement d’autres bonnes idées pour accompagner ce changement de paradigme et placer le mieux possible les différents curseurs.

Si nous voulons conserver, renforcer, développer nos fleurons industriels comme l’essentiel de nos TPME, si nous voulons vraiment que le travail paie plus, que nos salariés gagnent en pouvoir d’achat, qu’il y ait plus de jeunes et plus de seniors en emploi, il nous faut absolument ouvrir ce chantier et repenser entièrement le financement de notre modèle de protection sociale.

 

Alors Mesdames Messieurs les Ministres, l’urgence n’est pas à augmenter les taxes ou à créer toujours plus d’impôts, mais à réduire les dépenses et penser la France de demain !

A Michel Barnier et son équipe actuelle de s’atteler à cette noble tâche, et redonner confiance en la parole publique. Sinon, revoyons le casting et passons à l’équipe suivante…

 

Patrick Pilcer
Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers