Edito
09H13 - dimanche 24 novembre 2024

CPI inutile. La tribune d’Harold Hyman

 

Le système de droit pénal international est né d’une bonne intention, mais se fracasse sur l’absurdité diplomatique et géopolitique de son mode de fonctionnement. Poutine et Netanyahou l’éludent aisément, et les peuples qui souffrent n’en ont point bénéficié.

Les gouvernements occidentaux les plus attachés à la légalité et le progrès savent que les poursuites judiciaires contre l’État d’Israël seront stériles mais espèrent obtenir un effet moral. Les deux tribunaux internationaux, la Cour Internationale de Justice et la Cour Pénale Internationale, ont lancé leurs enquêtes, et la CPI a lancé des mandats d’arrêt. L’opinion mondiale, quant à elle, se scinde en deux sur le cas israélien : le camp qui rejette ces accusations et ces mandats d’arrêt visant principalement Benjamin Netanyahu ; et le camp qui espère que la justice internationale contribuera à punir Israël au nom des Palestiniens. L’aspect partisan est clairement visible dans les deux camps. Mais est-ce que le système de justice internationale lui-même fait honneur à la justice ?

 

Les procès menés par les prédécesseurs du CPI, le Tribunal Spécial pour l’ex-Yougoslavie et celui du Rwanda, ont fonctionné seulement après que les armes se soient tues. Les politiques et membres d’ONG pensaient généralement que les génocidaires étaient influençables, que les inculpations et mandats d’arrêt les intimidaient et les poussaient à cesser leur génocide.

Force est de constater que tel ne fut pas, ou si peu, le cas. Aujourd’hui encore, cet état de faits persiste. L’ONU, comme entité supranationale, dispose seulement de la Cour Internationale de Justice, qui juge de plaintes civiles d’État à État, auquel tous les membres de l’ONU sont soumis, mais ne dispose d’aucun pouvoir contraignant sur les États. Utilisé contre Israël, il a été accepté par l’État d’Israël qui y a plaidé, via son avocat de nationalité britannique, en 2023. Maintenant Israël ne participe plus aux délibérations, mais n’a pas purement désavoué cette instance. Pour le moment.

 

En parallèle, la CPI a atteint un moment critique de son histoire : elle a lancé un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine, et certains de ses collaborateurs, et maintenant contre Benjamin Netanyahu, Yoav Gallant, et trois dirigeants du Hamas, dont Yahya Sinwar et Ismaïl Haniyeh, qui ont été tués, et Mohammed Deif dont la mort n’est pas certaine. Vladimir Poutine voyage quand même, en Corée du Nord, en Chine et en Mongolie. Cette dernière est pourtant membre de la CPI ! Et le Secrétaire Général de l’ONU Antonio Guterres, ainsi que Xi Jinping et Narendra Modi, sont allés rencontrer Vladimir Poutine à Kazan, sur le sol russe. La stigmatisation du chef d’État russe est quasi-nulle à ce stade.

Cette situation de banni se présente désormais pour Benjamin Netanyahu, qui peut encore se rendre aux États-Unis, mais qui ignore s’il jouit d’une invitation de la part des États qui reçoivent Vladimir Poutine ! Voici donc la confusion totale qui s’impose aux gouvernants inculpés, alors que deux cours internationales fonctionnent sans lien transverse aucun. Il n’en faut pas plus pour prouver que la diplomatie reste soumise à la politique étrangère, la géopolitique n’a que faire du droit, et que le droit international n’a rien à voir avec la logique de la crise qu’il prétend éviter.

 

Le système de la primauté du droit international pénale étant sérieusement affaibli, bancal, voire ridicule, faut-il s’obstiner à le garder ? Les tenants d’une justice internationale capable d’arrêter les guerres en cours commettent une erreur d’appréciation issue d’un tropisme issu de la Deuxième Guerre mondiale : reddition inconditionnelle, suivi d’un procès de Nuremberg. Cet enchaînement triomphal ne peut cependant plus se reproduire. Les guerres actuelles n’ont pas la netteté de cette ère de clash des mondes et destruction du projet national-socialiste.

Aujourd’hui la question importante est celle-ci : les États vertueux vont-ils arrêter Poutine ou Netanyahou, tandis que les mêmes États souhaitent les amener à négocier des cessez-le-feu ? Cette perspective est d’un irréalisme confondant. Il aura fallu que les diplomaties se concentrent sur les moyens d’être plus efficaces dans les négociations de paix, et dans le choix de leurs buts : la justice pure, ou la fin des hostilités par des moyens classiques de pressions, de tractations, de menaces, de compromis. C’est ainsi qu’a fini la guerre de Bosnie. L’on pourrait étudier ce cas au lieu de faire du freestyle judiciaire.

 

Harold Hyman, journaliste spécialisé en questions internationales sur CNEWS