Opinion
08H38 - mercredi 27 novembre 2024

Hidalgo, au revoir : Paris ne pleurera pas votre départ. Tribune de Sofiane Dahmani

 

Il fallait bien que cela arrive : après douze années à la tête de la capitale, Anne Hidalgo a finalement jeté l’éponge. Elle ne briguerait pas un troisième mandat, annonçant ainsi sa sortie discrète mais pleine de symboles. Une décision mûrement réfléchie, probablement dictée par la lassitude d’une fonction devenue trop lourde ou tout simplement par l’ombre d’un échec politique grandissant, comme une brume épaisse venant envahir le ciel parisien.

Au terme de deux mandats qui ont fait d’elle une figure centrale de la gauche parisienne, Hidalgo ne laissera, paradoxalement, qu’un souvenir ambigu. Paris, cette ville éternelle, redevenue, par son intermédiaire, un laboratoire d’idées radicales et de transformations souvent incomprises. Il faut dire que, sous sa direction, la capitale a vécu une révolution silencieuse mais profonde : la piétonnisation des berges, un projet qui, en creusant un fossé entre les partisans de l’écologie urbaine et les opposants à toute forme de radicalité, a exaspéré nombre de Parisiens. La ville s’est métamorphosée sous le prisme d’un agenda militant que beaucoup considèrent comme excessivement idéologique et déconnecté des réalités quotidiennes.

Derrière cette figure de la maire en guerre contre la pollution et la voiture, il y avait aussi un échec à tenir la barre face aux réalités sociales, une déconnexion manifeste avec les attentes des Parisiens. Le centre-ville, défiguré par la pression immobilière et la gentrification, semble de plus en plus inaccessible à ceux qui n’ont pas les moyens d’y vivre. Le logement social, pilier de son discours, n’a pas suffi à endiguer une crise du logement qui ne cesse de s’aggraver.

Les Jeux olympiques de 2024, emblématiques d’un pouvoir qui rêve de grandeur, sont venus marquer une dernière tentative d’affirmer un certain héritage. Pourtant, pour une grande majorité des habitants, ces Jeux symbolisent plus une manœuvre pour masquer les carences structurelles de la ville que le sommet d’une vision politique réussie. Anne Hidalgo partira donc avec un goût de mission inachevée. Le projet Paris 2024, censé transcender son mandat, aura laissé derrière lui des traces profondes de tensions politiques, de fragilités sociales et d’une opposition sans équivoque à ses choix.

Mais le départ de Hidalgo ne marquera pas seulement la fin d’un chapitre, il ouvre une guerre interne dans le camp de la gauche. L’annonce de sa non-candidature fait naître de nouvelles rivalités, et Paris, cette capitale de l’affrontement politique, verra la gauche s’entre-déchirer pour sa succession. La liste des prétendants est longue, comme une procession macabre où chacun tente de revendiquer la place de l’héritier. Rémi Féraud, soutenu par Hidalgo, est perçu par certains comme le dernier espoir d’une gauche moribonde ; Emmanuel Grégoire, ex-premier adjoint, et Ian Brossat, sénateur communiste, sont prêts à en découdre. Dans un contexte où les sondages montrent une gauche fracturée et une opposition de plus en plus forte, il est difficile d’imaginer qui pourrait incarner une alternative crédible.

Et pourtant, ces luttes internes semblent bien dérisoires face à la montée en puissance d’une droite qui, forte de ses victoires électorales et de ses figures nouvelles, pourrait bien prendre Paris d’assaut. À gauche, la division semble être l’unique certitude, et la capitale pourrait bien basculer dans les bras de cette droite qui, paradoxalement, a plus de chances d’unifier que la gauche elle-même. Si la gauche ne parvient pas à se renouveler, elle risque de perdre la guerre des idées et, avec elle, le contrôle de la ville.

À l’heure où Anne Hidalgo quitte le pouvoir, la question qui se pose n’est pas seulement celle de sa succession, mais aussi celle de la destinée de Paris. La ville, jadis phare de la gauche, se dirige-t-elle vers un destin conservateur, ou retrouvera-t-elle un jour une ligne politique capable de répondre aux attentes de ses habitants ? La fin de l’hégémonie socialiste sur Paris ne serait-elle pas le signe de la fin d’un cycle, celui d’une époque où l’utopie d’une ville totalement transformée par les idéaux écologiques et progressistes s’est heurtée aux réalités d’une capitale mondiale confrontée à la mondialisation et à ses contradictions ?

Au fond, ce n’est pas seulement Anne Hidalgo qui s’efface, mais une époque. Et, peut-être, une manière de penser la ville, qui laisse place à un questionnement plus profond : Paris pourra-t-elle se réinventer ? Et surtout, quelle sera la place des Parisiens dans cette grande transformation ?

 

Sofiane Dahmani, Chroniqueur