Edito
18H06 - jeudi 5 décembre 2024

« Pourquoi je démissionne » : le discours qu’aurait pu prononcer Emmanuel Macron au lendemain de la chute du gouvernement Barnier. L’édito de Michel Taube

 

Françaises, Français, Mes chers compatriotes,

Nous vivons tous, la France vit, des heures graves.

La division, les partis, les minorités, les intérêts particuliers sont en train de tuer le bien commun et l’intérêt général qui fondent la République et une certaine idée de la France.

La vertu est le principe de la République, écrivait le grand Montesquieu. Cette vertu a quitté la scène de ce théâtre d’ombres et de marionnettes à la solde de leurs chefs de partis qu’est devenue l’Assemblée nationale, et ce depuis l’investiture de la nouvelle législature sortie des urnes le 7 juillet dernier.

Les partis sont de retour, comme aux pires heures de la IVème République, et les voilà qui plongent le pays, comme à leur habitude, dans la paralysie.

La France et les Français ont pourtant besoin de réponses à leurs préoccupations les plus urgentes.

Ce soir, je pense aux paysans qui n’auront pas leurs 400 millions d’€ d’aides financières attendues et encore moins la reconnaissance que leur doit la nation sur le caractère d’« intérêt général majeur » de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture, indispensables pour assurer la souveraineté agricole et alimentaire de la France.

Je pense à ces milliers de jeunes Français qui attendaient l’extension à tout le territoire national du prêt à taux 0 pour acquérir leur premier bien immobilier et devenir propriétaires de leur résidence principale.

Je pense aux Martiniquais qui attendaient de l’État une contribution financière décisive pour faire baisser les prix de 20% sur les denrées alimentaires et les biens de première nécessité dès le 1er janvier prochain.

Je pense à tous les Français qui voient comme moi les leaders de l’extrême-droite et de l’extrême-gauche, nationalistes et gauchistes, s’entendre cyniquement pour affaiblir un peu plus la France et sa capacité à se réformer.

Mais, mes chers compatriotes, si la France ne se réforme pas pour sauver son modèle social si généreux, la France ne restera pas la France. La France ne restera plus longtemps un des phares de ce nouveau monde qui n’attend pas sur elle pour émerger.

Le temps des tempêtes est-il arrivé ? En fait, nous y sommes depuis le mouvement des gilets jaunes en 2018, depuis la crise Covid en 2020, depuis la guerre en Ukraine et ses conséquences énergétiques depuis 2022. A chaque crise, je me suis tenu à vos côtés.

En 2017, j’ai porté avec vous l’espoir de deux promesses : tout d’abord réformer la France. Je m’y suis employé corps et âme, jour et nuit. Souvent je n’ai pas été compris et j’ai été entravé par des corps constitués plus attachés à protéger leur pré carré et leurs petits avantages qu’à servir l’intérêt de leurs mandants ou de la nation.

La seconde promesse était d’autant plus dangereuse pour les forces conservatrices qui minent notre pays : dépasser les oppositions idéologiques et partisanes entre la droite et la gauche pour construire un grand centre réformiste européen libéral et social. C’est le seul cap qui nous permettrait de rester la France dont je vous parlais à l’instant.

Malheureusement les partis ont eu raison de ma vision et le régime des partis est de retour, plus puissant que jamais. Manifestement la réussite universelle des Jeux olympiques et paralympiques de Paris comme la résurrection de la Cathédrale Notre-Dame de Paris n’ont pas accordé cette grâce française à notre personnel politique.

Mes chers compatriotes, c’est en conscience et en responsabilité que le 7 juin dernier, au lendemain des élections européennes, j’ai souhaité créer un électrochoc démocratique, nous encourager à nous ressaisir tous ensemble pour redonner une chance à une France centrale de continuer à réformer notre pays tel que je l’avais initié depuis mon élection en 2017.

Je serais tenté de vous dire, droit dans les yeux : « mes chers compatriotes, nous ne nous sommes pas compris ».

Mais je me dois de m’incliner et de me rendre à la sagesse du peuple français, plus subtile que les plus illustres de nos gouvernants, plus politique que tous les peuples de la planète, plus insondable aussi dans les injonctions paradoxales qui la travaillent en profondeur et qui ont fait parfois la grandeur, parfois la tragédie de son histoire.

En ces heures d’impasse politique, convaincu que, quel que soit le Premier ministre que je puisse choisir pour succéder à Michel Barnier (que je tiens ici à remercier pour son dévouement en cette période de tempête), qu’il vienne des rangs de la droite républicaine (ou de ce qu’il en reste) ou du parti socialiste qui a tourné le dos à son histoire, l’Assemblée nationale introuvable que nous nous sommes donnés le 7 juillet dernier ne manquera pas de renverser les prochains gouvernements qui pourraient être nommés.

En ces heures graves que traverse la nation, je rappelle qu’en vertu de l’article 5 de la Constitution, le Président de la République « assure, par son arbitrage, [j’insiste, son arbitrage], le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. »

Alors, il est vrai : je pourrais être tenté, comme le suggèrent certains intrigants ou courtisans, de recourir à l’article 16 de la Constitution et de prendre en main la plénitude de la destinée de notre pays dans les sept mois qui viennent jusqu’à une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale et l’élection, enfin, d’une majorité claire et stable pour gouverner la France.

Mais, n’en déplaise à mes détracteurs je ne suis pas un tyran. Pourquoi voudriez-vous qu’à 46 ans je commence une carrière de dictateur ?

C’est pourquoi en mon âme et conscience, conscient que la France ne se relèverait pas de trop longs mois d’impasse et d’instabilité dans lesquels elle est enfermée, je me retire.

Au nom de la France, au nom d’une certaine idée de la France.

 

Pourquoi je démissionne

Mes chers compatriotes, à la mi-journée, j’ai rencontré le Président du Sénat. Au titre de l’article 7 de la Constitution, Monsieur Gérard Larcher assurera l’intérim de la présidence de la République. Dans un délai de vingt à trente-cinq jours, de nouvelles élections présidentielles auront lieu et c’est vous qui aurez le dernier mot.

Comme toujours et c’est la grandeur de la République et de la France, les Français auront le dernier mot !

Mais permettez-moi de vous dire ces derniers mots que j’ai adressés avec force au président du Sénat comme à Madame Gaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, que j’ai reçue cet après-midi : je vous invite, mes chers compatriotes, à profiter de cette période de crise pour lancer les travaux préliminaires d’une refondation complète de la République française et de son modèle politique et social, tel que je l’avais déjà proposé dans plusieurs moments décisifs de ces sept années passées à la tête de l’État [voir ci-dessous].

Il faut refonder la République française, c’est une question de survie de notre nation.

Françaises, Français, mes chers compatriotes, je vous remercie de m’avoir fait confiance en 2017 puis en 2022. L’histoire dira si mon passage à la tête de la France aura servi notre belle nation ou si elle aura été le crépuscule d’un régime en perdition.

Je crois en la force de l’esprit français et je vous dis : au revoir.

Vive la République et vive la France !

 

Emmanuel Macron

 

Discours (fictif ?) rédigé par Michel Taube dans le prolongement des sept précédents discours fiction ici regroupés :  https://www.opinion-internationale.com/2020/12/31/les-voeux-reves-demmanuel-macron-ledito-de-michel-taube_83762.html

 

 

Directeur de la publication

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