Michel Barnier est tombé. Le Premier ministre, choisi par Emmanuel Macron pour donner une apparence d’unité au gouvernement, a été renversé par la motion de censure du Nouveau Front Populaire, soutenue par la gauche et le Rassemblement National. Ce vote, provoqué par l’utilisation répétée du 49.3 pour imposer le budget de la Sécurité sociale, marque l’échec politique d’une alliance qui, dès le départ, n’avait aucune chance de succès. Mais comment expliquer ce naufrage ? Retour sur un échec inéluctable.
Un choix illégitime dès le départ
L’erreur fondamentale d’Emmanuel Macron a été de choisir Michel Barnier. Dans un pari risqué, le président de la République pensait pouvoir surfer sur l’expérience européenne et la réputation du Savoyard pour apaiser à la fois les modérés et la droite. Mais en nommant un homme issu d’une droite qui n’a pas pris part au Front Républicain lors des législatives et qui ne dispose que de 39 élus à l’Assemblée, Macron a fait un choix qui portait en lui son propre poison.
Là où un Premier ministre doit incarner l’unité nationale, Barnier n’a pas su imposer la légitimité politique nécessaire. Au contraire, son arrivée à Matignon a été perçue comme un affront, notamment par la gauche, qui y voyait une tentative d’imposition d’un homme sans véritable légitimité populaire, et par la droite, qui n’a jamais accepté la main tendue de Macron.
Les concessions incessantes au Rassemblement National : un pari mortel
Barnier s’est retrouvé pris en étau. Cherchant coûte que coûte à éviter la censure sur le budget, il a voulu séduire le Rassemblement National, au détriment de l’unité de son propre camp. Il a cru que, en donnant assez au RN, Marine Le Pen et ses troupes se contenteraient d’une position d’appoint. Une illusion fatale. Le Rassemblement National, animé par une haine viscérale du macronisme, n’a jamais eu l’intention de jouer le rôle d’un allié fidèle.
Dès le mois de septembre, le RN a clairement fait savoir que le sort de Barnier était entre ses mains. À partir de ce moment-là, le Premier ministre a dû multiplier les gestes vers l’extrême droite, allant jusqu’à nommer Bruno Retailleau, un personnage dont les positions sur l’immigration et la sécurité frôlent le discours lepéniste, au ministère de l’Intérieur. Ce geste a définitivement exclu toute possibilité de dialogue avec la gauche républicaine et a profondément divisé les rangs macronistes.
Une coalition fragile et disloquée
Le calcul de Barnier était simple : en concédant à l’extrême droite, il espérait pouvoir éviter la motion de censure. Mais, loin de répondre à ses attentes, ce rapprochement a exacerbé la division. Le Rassemblement National, de par sa nature populiste, n’a que faire des accords raisonnables ou des compromis. Ce qui l’intéresse, c’est la destruction de l’ordre établi, pas la gestion pragmatique du pouvoir.
Ce calcul erroné a été aggravé par le calendrier judiciaire du RN et les réquisitions lourdes qui ne pouvaient que nuire à Barnier. En se plaçant dans la position d’un arbitre dépendant des voix lepénistes, il a offert à Marine Le Pen un rôle central qu’elle n’a cessé de gonfler, lui rappelant qu’il ne détenait qu’une fraction du pouvoir confiée par Emmanuel Macron.
L’ultime humiliation : la défaite inéluctable
Au final, Barnier a été victime de ses propres erreurs stratégiques. En tendant le bâton pour se faire battre, il a été pris en tenaille par l’extrême droite qui, sans le moindre scrupule, a multiplié les exigences sans jamais lui accorder la stabilité qu’il espérait. Le Premier ministre a rampé devant un RN en quête de respectabilité, mais ce dernier, loin de l’apprécier, a vu en lui une occasion de faire tomber un gouvernement fragilisé.
La défaite de Michel Barnier est le résultat d’une série de compromis douteux, d’une lecture erronée des rapports de force et d’une naïveté politique qui n’a pas considéré la réalité du RN : un mouvement anti-macroniste de fond, incapable de jouer le jeu des alliances temporaires. Barnier pensait pouvoir rallier le RN par la flatterie ; il n’a récolté que l’humiliation. Le verdict est sans appel : en cherchant à éviter la censure à tout prix, il a perdu son honneur, sa crédibilité et son poste.
La France, une fois de plus, est témoin de la fragilité d’un pouvoir qui se pense invincible mais qui, au fond, n’a de légitimité que celle qu’il réussit à convaincre. Et Michel Barnier, malgré ses prétentions de rassembleur, n’aura été qu’un épouvantail politique, balayé par la tempête de ses propres contradictions.