Lors d’un sommet européen à Paris, Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, décide de passer la nuit dans un hôtel de luxe. Après une longue journée de débats politiques, il s’installe dans sa chambre et allume distraitement la télévision. Par pur hasard, il tombe sur un débat sur l’Ukraine auquel participe par Michel Taube.
Dès la première minute, Orbán est fasciné. Non pas par les arguments incisifs de Michel (qu’il ne comprend pas, son français se limitant à baguette et bonsoir), mais par la cravate orange éclatante que porte le fondateur d’Opinion Internationale. Une couleur si audacieuse, si assumée, si… vibrante !
— Micsoda nyakkendő! s’exclame-t-il. En hongrois, cela veut dire : “Quelle cravate incroyable !”
Le lendemain, Orbán ne pense qu’à ça. Lors du petit-déjeuner, il annonce :
— Gábor, kitalálni! (Trouve-moi cette cravate !) Elle est magnifique. Je veux la même. Pas une autre.
Gábor, son fidèle conseiller, est décontenancé :
— Monsieur le Premier ministre… Vous voulez dire exactement cette cravate ?
— Igen! (Oui !) répond Orbán avec une ferveur inhabituelle.
La quête de la cravate
Gábor écume les boutiques parisiennes, mais aucune trace de cette fameuse cravate orange. Désespéré, il se renseigne sur Michel Taube et découvre que ce dernier est un habitué des Halles, où il achète toutes ses cravates depuis des années dans une petite boutique discrète.
Orbán, désormais investi comme s’il s’agissait d’un sommet européen, se rend lui-même à la boutique. Le commerçant, un vieux monsieur au regard rusé, le reconnaît immédiatement.
— Ah, vous cherchez la fameuse cravate orange de Michel Taube ? Mais savez-vous pourquoi il la porte ?
Orbán lève un sourcil interrogateur. Le commerçant poursuit, avec emphase :
— C’est un hommage aux droits des femmes, monsieur. L’orange, c’est la couleur de la lutte contre les violences faites aux femmes. Michel porte cette cravate (mais aussi ses chaussettes) tous les jours depuis des années. Il dit qu’elle représente son engagement et son combat devenu celui pour le respect des femmes !
Orbán reste impassible, mais en hongrois, il marmonne à Gábor :
— Nem érdekel… (Je m’en fiche…) Je ne veux pas de son combat. Je veux la couleur, c’est tout. Az narancs… tökéletes. (Cet orange… est parfait.)
Le commerçant éclate de rire et ajoute :
— Ah, mais Michel est très exigeant ! Il refuse les cravates avec des défauts de teinture. Justement, j’ai un lot qu’il a rejeté. L’orange est un peu plus clair… Peut-être que cela vous conviendrait ?
Orbán, ravi, achète tout le stock des cravates “recalées”. Quelques jours plus tard, il apparaît à la télévision hongroise avec l’une d’elles. Les journalistes, intrigués, lui demandent d’où vient cette soudaine passion pour l’orange. Orbán, fidèle à lui-même, répond évasivement :
— Ez az én színem. (C’est ma couleur.) Elle m’inspire.
Le face-à-face avec Michel
Quelques semaines plus tard, Michel Taube apprend que le Premier ministre hongrois porte des cravates similaires aux siennes. Intrigué, il retourne à la boutique des Halles, où il tombe nez à nez avec Orbán.
— Alors, monsieur Orbán, c’est vous qui portez mes cravates refusées ? plaisante Michel.
— Pas refusées. Améliorées, rétorque Orbán avec un sourire satisfait.
Michel ne peut s’empêcher de le taquiner :
— Et donc, vous portez cette couleur pour défendre les droits des femmes, comme moi ?
Orbán, pris au dépourvu, bafouille un instant avant de répondre :
— Hát persze… (Mais bien sûr…) Les femmes… oui… mais aussi parce que l’orange est la couleur de la victoire. En Hongrie, nous aimons gagner.*
Et Michel d’ajouter : « Vous savez, Monsieur Orban, l’orange, c’est aussi la révolution orange en Ukraine. Cela devrait vous inspirer dans votre beau pays…
Michel, amusé, se tourne vers le commerçant :
— Vendez-lui donc toutes mes cravates refusées. Avec sa version de l’histoire, il pourrait finir par repeindre le Parlement hongrois en orange !
Depuis ce jour, le modèle de cravate “refusé” par Michel a été rebaptisé par le commerçant : “L’Orange Orbán”, et il fait un carton auprès des populistes en quête de charisme… même si personne ne sait vraiment pour quelles valeurs ils la portent.