La chute du gouvernement de Michel Barnier, consécutive à une motion de censure inédite, marque un tournant politique majeur pour la France. Si cet événement reflète des fractures profondes au niveau national, il aggrave un peu plus la résolution des enjeux cruciaux pour les territoires ultramarins, notamment la Martinique.
Malgré les blocages nationaux, les priorités économiques et sociales de la Martinique demeurent d’actualité brûlante. C’est pourquoi la 2ème édition de « La Rencontre du Monde Économique, by Medef Martinique », jeudi 12 décembre 2024, de 8h30 à 13h à Madiana, Schœlcher, près de Fort-de-France en Martinique, se tiendra à point nommé.
Pour Catherine Rodap [notre photo], présidente de l’organisation patronale, « le MEDEF Martinique réaffirme son engagement total pour défendre les intérêts des entreprises et de l’économie de notre territoire. Nous sommes prêts à collaborer avec les nouvelles autorités, dans un esprit de dialogue constructif, pour traverser cette période d’incertitude et bâtir une Martinique plus résiliente, dynamique et prospère. »
Les services du MEDEF dressent un inventaire des incertitudes qui planent sur l’économie locale.
-
Incertitudes pour les entreprises : dans un contexte où nos entreprises se remettent difficilement des crises successives – sanitaire, inflationnaire et sociale -, l’instabilité politique pourrait entraîner un gel des réformes indispensables à leur compétitivité. Il est impératif de préserver un cadre législatif et fiscal stable, garant de la confiance des investisseurs et des entrepreneurs.
-
Projets stratégiques menacés : les retards ou interruptions dans les projets structurants pour la Martinique, notamment en matière d’infrastructures et de développement des filières locales, seraient désastreux. La continuité de ces initiatives est essentielle pour renforcer notre autonomie économique et stimuler l’attractivité de notre territoire.
-
Protocole transactionnel à honorer : le protocole signé le 16 octobre 2024 a représenté une avancée significative pour l’apaisement social et économique. Ce protocole doit être scrupuleusement respecté par les futures autorités, sans quoi les entreprises martiniquaises, déjà fragilisées, risqueraient de se retrouver en première ligne de nouvelles tensions sociales. Il est vital que cet acquis ne soit pas remis en cause.
-
La continuité territoriale, un enjeu vital : pour la Martinique, la continuité territoriale est bien plus qu’un concept administratif, c’est une condition essentielle à notre survie économique. Elle garantit l’accès aux marchés nationaux et internationaux, la sécurisation de nos approvisionnements, et la protection de nos filières locales face à la concurrence. Nous appelons le futur gouvernement à placer cet enjeu au cœur de ses priorités stratégiques.
-
Une nécessité de pragmatisme et de stabilité : cette crise politique rappelle que nos entreprises ont besoin de visibilité et de prévisibilité pour innover, investir et créer des emplois. Le futur gouvernement devra adopter une approche pragmatique, en soutenant les initiatives locales, en accélérant la relance économique et en priorisant les filières stratégiques pour les territoires ultramarins.
Ce constat prolonge les mesures de soutien demandées par l’ensemble des acteurs économiques dans un courrier adressé dès le 9 novembre 2024 au ministre des Outre-mer suite aux dégâts occasionnés par les violences de septembre et octobre derniers.
Dans un courrier adressé hier aux acteurs économiques et politiques locaux, le préfet Jean-Christophe Bouvier confirme ce que tout le monde sait depuis le vote de la censure, concernant les engagements de l’Etat visant à obtenir une baisse moyenne des prix de 20% sur près de 6000 produits : « la mise en place des moyens pour y parvenir est différée. » Ce courrier confirme les annonces du ministre démissionnaire des Outre-mer François-Noël Buffet qui avait lui-même annoncé que le protocole pour lutter contre la vie chère en Martinique était «suspendu» du fait de la censure du gouvernement Barnier. «Le protocole vie chère est suspendu. Nous ne serons jamais en capacité d’avoir effectivement -20 %, au 1er janvier 2025, sur les 6 000 produits qui étaient prévus». La diminution voire la suppression de la TVA est également remise en cause, avait ajouté le ministre, soulignant: «Puisque ce n’est pas voté, cela ne s’applique pas». «Cette suspension va ajouter de l’angoisse et du stress sur ce territoire qui n’en a pas besoin et qui aspire surtout au calme et à la sérénité», a-t-il poursuivi.
Ce protocole avait été signé le 16 octobre après six semaines d’une mobilisation lancée début septembre par un mouvement contre la vie chère qui a dégénéré en violences.
Selon les organisations consulaires, patronales, sociales, publiques et privées, près de 150 entreprises ont été pillées, incendiées ou volées. Les dégâts sont évalués à plus de 80 M €. Près de 750 salariés sont touchés et des licenciements sont en vue. Plus de 250 demandes d’activité partielle pour plus de 2 100 salariés ont été déposées aux services de l’Etat.
L’annonce depuis quinze jours du retrait des assurances sur certaines garanties indispensables aux investissements et de très fortes augmentations des primes pour 2025 fragilisent les entreprises martiniquaises.
Un nouveau premier ministre va être nommé dans quelques jours. Peut-être que le ministre démissionnaire François-Noël Buffet restera en place, ce qui faciliterait la continuité de l’action de l’Etat initiée par Michel Barnier et surtout la préparation qui, nous l’espérons, sera confirmée par son successeur, de la tenue du comité interministériel des Outre-mer en mars 2025.
De quoi nourrir les discussions des Rencontres du Medef jeudi 12 décembre en Martinique.