Comme le révélait la Voix du Jura, repris par Le Figaro, une professeure du lycée Pré Saint-Sauveur de Saint-Claude a été placée sous protection après avoir reçu des menaces de parents d’une élève, suite à une visite d’exposition de dessins de presse avec sa classe.
Menacée par la mère d’une élève de seconde qui lui reprochait d’avoir montré à ses élèves une caricature du président turc ; l’enseignante a porté plainte. Elle bénéficie d’une protection fonctionnelle du Rectorat.
Cette affaire, bien qu’elle puisse être considérée comme banale en termes de fréquence de ce type d’actes d’intimidation, est profondément bouleversante de par sa nature et les implications qu’elle soulève en termes de valeurs et de sécurité quotidienne pour l’ensemble de nos concitoyens.
Les faits sont suffisamment graves pour que la plainte ait été déposée « à titre individuel et au nom de l’institution par la Direction de services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN) », a expliqué le rectorat de la région académique Bourgogne-Franche-Comté et de l’académie de Besançon.
Ceci dit, selon Le Figaro, « d’après la plainte, ce parent d’élève a appelé l’établissement en tenant des propos «outrageants, politiques et vindicatifs», mais sans dimension religieuse, dans un contexte de conflit préexistant entre la famille et l’enseignante sur ses méthodes pédagogiques. » Et le quotidien d’ajouter : « Cette enseignante est remise en cause dans sa pratique pédagogique par une famille de manière générale », selon le rectorat. « La caricature est un élément de reproches parmi d’autres ».
Ces précisions factuelles sont d’autant plus dramatiques qu’elles montrent ô combien ce ne sont pas que des propos religieux qui sont aujourd’hui en cause dans la société française mais des pratiques culturelles. Une incompréhension culturelle entre certains Français d’origine étrangère ou des étrangers qui ne comprennent pas le vivre-ensemble et l’art de vivre à la française.
Si seuls des islamistes réagissaient aussi violemment contre les usages de l’enseignement et de la vie en France, dont le professeur est un des piliers, ce problème sociétal pourrait éventuellement être géré. Mais là, ce sont des cultures, des influences culturelles étrangères qui s’entrechoquent avec la culture française.
Combien de Turcs de France, ou de Français d’origine turque en France pensent comme cette famille ? Ils sont majoritaires malheureusement.
Ne pas céder
L’affaire de cette enseignante du Jura menacée après avoir montré à ses élèves une caricature de Recep Tayyip Erdogan n’est donc pas un simple fait divers. Elle est un symptôme, un énième coup porté à notre modèle républicain, à la liberté d’expression, et à l’idéal même de la laïcité. Oui, caricaturer est un droit. Mieux encore : dans une démocratie, c’est un devoir lorsque les puissants, qu’ils soient religieux ou politiques, tentent de museler la critique et d’étouffer le rire.
Que l’on ne s’y trompe pas : ce n’est pas uniquement une question d’éducation ou de pédagogie. Ce qui est en jeu ici, c’est une tentative insidieuse d’imposer un ordre moral venu d’ailleurs, étranger aux valeurs des Lumières et aux principes de la République.
Déjà, il est devenu périlleux de représenter Mahomet, même pour défendre les musulmans eux-mêmes contre l’oppression islamiste. Aujourd’hui, on voudrait interdire toute critique, même satirique, à l’encontre des figures politiques issues des puissances théocratiques musulmanes.
Erdogan, caricaturé en dictateur ? Quelle surprise, quand il fait enfermer ses opposants, écrase la presse libre, et instrumentalise la religion pour asseoir son pouvoir.
Le message de cette menace est clair : on ne peut plus rire de tout. Mais nous répondrons encore plus fermement : nous rirons, nous dessinerons, nous critiquerons. Car il s’agit là d’un combat pour la liberté de penser, pour la possibilité d’enseigner à nos enfants que la satire est un contre-pouvoir salutaire, et que personne, pas même un président, n’est au-dessus de la critique.
Que cette intimidation survienne alors que le procès de l’assassinat de Samuel Paty, notre martyr de la liberté d’enseigner avec Dominique Bernard, se déroule actuellement, n’est pas anodin. Samuel Paty est mort parce qu’il a montré des caricatures. Et cette professeure du Jura est aujourd’hui menacée pour avoir fait exactement ce que la République lui demande : enseigner l’esprit critique.
Alors oui, Erdogan, comme d’autres figures autoritaires ou théocratiques, sera caricaturé. Et nous le ferons publiquement, haut et fort.
Le dessin de presse est une plume que l’on adore dans Opinion internationale. Hector en est l’artisan quotidien !
À cette enseignante menacée, nous exprimons donc notre soutien indéfectible et invitons tous les enseignants du Jura à aller visiter cette exposition de dessin de presse.
À ceux qui l’attaquent, nous opposons notre détermination inébranlable. Et à Erdogan, s’il espère que ses méthodes de répression trouveront écho jusque dans les classes de nos lycées, nous disons : non, Monsieur le Président, vous ne ferez pas taire la République française.