Edito
05H27 - lundi 9 décembre 2024

Damas aujourd’hui, Téhéran demain ? L’édito de Michel Taube

 

La France a mis plus d’un siècle pour achever sa révolution. Le soulèvement, à tort appelé « Printemps arabe » alors que la dimension islamique s’est largement imposée, a débuté en Tunisie à Sidi Bouzid en décembre 2010 avec l’immolation d’un jeune vendeur ambulant, Mohamed Bouazizi, et a déclenché des bouleversements successifs dans le monde musulman.

Tunisie, Egypte, Algérie, Libye, Irak, Liban… les révolutions « arabes » contre l’oppression des peuples par des régimes autoritaires souvent hostiles autant à l’expression de l’islamisme qu’à la modernité libérale, suivies de contre-révolutions ou de phases d’anarchie totale, sont loin d’être terminées et de nos jours bien de ces révolutions prennent le chemin de l’obscurantisme.

Voici le tour de la Syrie : la chute stupéfiante de la dynastie Assad et d’un régime tyrannique, vieux de 54 ans, après treize ans de guerre civile sanglante, est une véritable révolution, non seulement en Syrie, mais également dans l’ensemble du Moyen-Orient.

Même si elle est lourde de menaces et d’incertitudes, elle constitue une défaite cinglante pour « l’axe du mal » constitué par la stratégie internationaliste des mollahs qui allait de Téhéran au Hamas à Gaza en passant par le sud Liban et le Hezbollah. En effet, Téhéran était le principal soutien militaire du régime alaouite de la famille Assad, avec la Russie de Poutine où Bachar el Assad s’est réfugié.

Comme l’a souligné Antoine Basbous, directeur associé chez Forward Global et fondateur de l’Observatoire des pays arabes, sur France Info, la chute d’Assad est un des ricochets du 7 octobre : la route qui permettait d’acheminer de Téhéran au sud Liban et à Gaza, des milliers d’armes et de munitions, mais également toute l’idéologie des mollahs dans la région, est coupée.

Alors certes, les nouveaux hommes forts de Damas, à commencer par le leader des rebelles islamistes du Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), ne sont pas des démocrates, mais il faut espérer que non seulement ils laisseront libres les minorités culturelles et cultuelles en Syrie comme ils s’y sont engagés, qu’ils garantiront la liberté d’entreprendre et de créer pour les Syriens sur les plans économique, artistique et culturel mais aussi que leur conception de l’islam n’imposera pas aux femmes leur soumission théocratique. Rien n’est moins sûr…

Tout est à reconstruire en Syrie. Damas, surnommée dans le passé la perle de l’Orient, peut désormais renaître de ses cendres assadiennes. Le retour de millions de réfugiés syriens, installés au Liban, en Turquie, en Europe, aux États-Unis sera une des conséquences majeures de cette révolution. Mais en retour combien de Syriens fuiront le nouveau pouvoir si celui-ci se radicalise très vite.

Car les principaux dangers sont aussi les risques de fuite vers l’Europe de djihadistes dissidents du nouveau régime, le sort du peuple kurde, pris en tenaille entre la Turquie et la Syrie, et enfin, le risque de rivalité et de guerre intestines incessantes entre factions islamistes qui pourraient empêcher la Syrie de se reconstruire dans une société totalement exsangue.

Qui est le nouveau maître de la Syrie ? Abou Mohammad al-Jolani, de son vrai nom Ahmed al-Chareh, régnait depuis trois ans sur la province d’Idlib. Sa doctrine serait celle de l’islamisme nationaliste mais l’ancien fondateur du funeste Front al-Nosra, devenu en 2017 HTS, a déjà suffisamment de sang sur les mains pour que l’on ne prenne pas pour argent comptant ses propos rassurants du moment. Si la Cour pénale Internationale devait traîner devant son tribunal tous les djihadistes reconvertis, elle croulerait sous les audiences.

D’un point de vue doctrinal, il semblerait que Ahmed al-Chareh soit partisan d’un islamisme cantonné à son propre pays et non d’une conquête mondiale, notamment en Occident, comme le prônent les internationalistes chiites de Téhéran et leurs affidés d’un côté et Al-Qaïda de l’autre.

On verra très vite si les nouveaux pouvoirs qui vont émerger en Syrie sont une constellation de petites factions rivales ou un ordre public autour d’un nouvel homme fort.

On le saura très vite car souvent, dans ces pays, la reprise d’attentats terroristes sauvages qui meurtrissent les populations civiles et les centres-villes, commis par des groupuscules islamistes, sont le meilleur baromètre du niveau de gouvernance du pays.

Pour l’heure, comme le disent tous nos amis syriens en liesse, le 8 décembre 2024 restera la date de la libération de la Syrie : c’en est fini de ces 55 ans de régime oppressif des Assad. La paix et la liberté seront-elles au bout du chemin de la révolution syrienne ou un islamisme dur et rigoriste ?

Et à Téhéran, le régime des mollahs finira-t-il par tomber sous les coups de boutoir de la révolution « Femme Vie Liberté » et surtout de l’échec cuisant à Gaza, au sud Liban et aujourd’hui à Damas de sa doctrine de conquête du monde ?

Une fois de plus, l’histoire est en marche.

Michel Taube

Directeur de la publication

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