Chaque 9 décembre, nous célébrons la promulgation de la loi sur la séparation des Eglises et de l’Etat, la loi du 9 décembre 1905, la loi dite de la Laïcité, et l’an prochain nous fêterons ses 120 ans. Depuis 119 ans, cette loi est la pierre angulaire du Vivre Ensemble, la clé de voûte de notre modèle de société, de notre façon de faire Nation, le pilier le plus solide de notre République, avec Liberté, Egalité, Fraternité.
Pourtant, la laïcité est plus attaquée que jamais. Nous sentons chacun comment les plaques tectoniques de notre République sont en train de bouger. Et ce mouvement peut tous nous faire vaciller !
Chaque jour, nous constatons des atteintes et des attaques contre le principe de laïcité, mais l’Etat n’est pas exempt de tout reproche. Nous manquons souvent de cohérence dans nos règlements. Je discutais ce week-end avec un professeur d’éducation sportive.
Lorsqu’il donne ses cours au collège, aucune fille ne peut porter de voile. Entre midi et deux heures, lorsqu’il entraîne l’équipe féminine de basket, sous le giron de la fédération française de basket, hors cadre scolaire, dans le gymnase de ce même collège, ses joueuses peuvent porter le voile, et lorsqu’il y a match, par contre ces mêmes joueuses, des adolescentes dont la pensée est en pleine formation, ne peuvent plus porter le voile. Dans le football, sur le terrain en dehors du collège, par contre, à l’avant-garde du combat pour la laïcité dans le sport grâce à Frédéric Thiriez, la FFP et la LFP ont tranché, pas de voile, à juste titre, même dans les entraînements.
Renforçons notre cohérence. Nos adversaires profitent de nos incohérences et cherchent à s’engouffrer dans le moindre interstice pour poser leur levier et nous faire vaciller.
Car la République n’a pas que des partisans, elle a aussi de nombreux adversaires, voire des ennemis, qui cherchent comment saper notre Nation, comment mettre à terre notre construction du Vivre Ensemble.
La meilleure cible pour ébranler notre édifice, c’est bien sûr notre Ecole. C’est à l’école que les défis que nous avons à relever sont les plus nombreux, c’est là où les atteintes à la laïcité sont les plus fréquentes. C’est à l’école que nos combattants des premières lignes, nos enseignants, nos directeurs et nos proviseurs, sont pris pour cibles.
Comment ne pas avoir, en ce jour de célébration, une pensée émue pour Samuel Paty et pour Dominique Bernard ?
Nos enseignants témoignent tous les jours des difficultés à faire vivre ce principe, à expliquer aux élèves comme à leurs parents que la laïcité n’est pas leur ennemi, qu’elle n’est pas contre eux mais qu’au contraire la laïcité les protège tous. Et tous les jours, nos enseignants sont, au mieux, chahutés, au pire, attaqués.
Beaucoup n’osent plus tout enseigner, voire n’enseignent plus du tout. Lorsqu’ils sont lâchement menacés ou frappés, ils ont peur, ils n’osent plus parler à visage découvert devant les médias ou dans les tribunaux. Quand ils le peuvent, ils prennent leur retraite, une manière comme une autre de battre en retraite…
Que ce soit par le port d’un bout de tissu devenu étendard d’un islamisme politique, en s’opposant à l’enseignement de la sexualité, du big bang, ou de la Shoah, en empêchant la nécessaire critique historique des religions ou la publication de caricatures, tout est utilisé, et pensé, pour planter le drapeau de la conquête de l’islamisme toujours un peu plus loin.
Il n’y a pas que les religions comme dogmes qui s’attaquent à la laïcité. Il y a aussi le wokisme, et la laïcité doit également être un bouclier contre l’influence de ce dogme sur notre société, et surtout sur notre école.
Souvent, nous pouvons être amenés à désespérer, à penser que la guerre est perdue, que l’obscurantisme a triomphé, que les ténèbres se sont installées. Rassurons-nous, quand la nuit s’installe, c’est le meilleur moment pour rêver.
En cette journée de célébration de la laïcité, faisons un rêve, à la façon du pasteur Martin Luther King, « I have a dream », un grand défenseur des droits, faisons un rêve de combat.
Un rêve de combat, dans une nuit profonde, c’est la confrontation de chacun d’entre nous avec son soi, c’est le chemin entre le moi et le soi, entre ce que nous croyons savoir de nous, et ce que nous sommes vraiment, c’est notre désir profond de transformation intérieure, d’amélioration de nous-même et de la société qui nous entoure.
Quand la nuit devient moins obscure, quand les ténèbres se dissipent, quand les étoiles palissent et l’horizon blanchit, nous nous réveillons plus forts, nous ne sortons pas indemnes de ce rêve, mais nous sommes mieux armés, prêts à relever tous les défis, et à les remporter, car nous avons imaginé et mûri, en nous, les réponses à ses défis. Nous pouvons nous améliorer, dépasser les dogmes, abattre les idoles, et participer à l’amélioration de l’Homme et de la société, nous pouvons ainsi réenchanter le monde.
Alors comment ?
Notre école est attaquée, c’est par l’école que nous devons répondre aux défis lancés.
Le Conseil des Sages de la Laïcité mis en place par Jean-Michel Blanquer et présidé par Dominique Schnapper fait un travail remarquable et indispensable. Je vous conseille la lecture du dernier livre de deux membres éminents de ce haut conseil, Alain Seksig et Iannis Roder, sur la Laïcité à l’Ecole, et sur la loi de 2004. Un ouvrage éclairant.
Notre combat doit d’abord être à l’école. Nous devons avant tout mieux former nos enseignants et tous nos personnels éducatifs afin qu’ils disposent des meilleurs outils pour enseigner tout en apaisant les tensions inévitables. Cela passe par plusieurs leviers, et en premier lieu par un travail éducatif approfondi dans toutes les disciplines et pas seulement en instruction civique.
Les attaques contre la laïcité sont partout, dans les écoles mais aussi dans les entreprises, les hôpitaux, les services publics, dans tous nos quartiers.
Notre réponse, notre combat, passe, en conséquence, nécessairement par des actions de terrain partout en France. Nous devons mettre en place un réseau d’ambassadeurs de la République, qui expliquent ce qu’est et n’est pas la laïcité, quelles sont les valeurs de la République et pourquoi la Liberté, l’Egalité, la Fraternité, la Laïcité sont une chance pour chacun d’entre nous, dans un monde où chacune de ses valeurs et principes manquent cruellement.
Nous avons déjà un peu partout des référents laïcité, et leur travail est essentiel. Mais il faut passer à présent de la notion de référent, de personne à qui on se réfère et qui permet un suivi, une transmission, à la notion d’ambassadeur, de personne qui nous seulement représente et transmet, mais aussi défend nos intérêts et développe notre influence. Grâce à ce travail de terrain, de chaque jour, grâce à ce réseau, grâce à ces ambassadeurs, nous pourrons regagner, enfin, les territoires perdus de la République.
Nous connaissons tous depuis longtemps les messages à faire passer. La laïcité repose sur trois grands principes : la liberté de conscience, la séparation entre toutes les Eglises et l’Etat, et l’égalité de tous devant la loi, quelles que soient les croyances, les dogmes ou les convictions.
La laïcité garantit aux croyants comme aux non-croyants les mêmes droits à la liberté d’expression, et assure aussi bien le droit d’avoir comme de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir.
La laïcité garantit le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de toutes les religions et de tous les dogmes. Personne ne peut être contraint par le droit au respect de dogmes.
La laïcité garantit la neutralité de l’Etat, des collectivités et des services publics, et la République indivisible laïque démocratique et sociale assure ainsi l’égalité de tous les citoyens face au service public, quelles que soient leurs convictions.
La laïcité n’est pas une opinion parmi d’autres mais la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l’ordre public.
C’est en affirmant haut et fort ce message, républicain, partout, dans tous les quartiers, que nous regagnerons les territoires perdus.
C’est en remportant cette lutte que nous permettrons à la nuit de devenir moins obscure, que nous ferons dissiper les ténèbres, et que nous ferons réapparaître la lumière du soleil…
Après tout, nous pouvons toujours rêver, mais c’est bien à chacun d’entre nous d’être les ambassadeurs de la laïcité et de réenchanter la France…
Vive la République, Vive la France !