La chute surprise de l’indéboulonnable Bachar el-Assad devrait avoir des conséquences jusqu’en France où trop de dignitaires du régime alaouite ont bénéficié pendant des décennies des grâces et des faveurs de la République française. On se souvient que Jacques Chirac avait décoré le dictateur Bachar el-Assad en 2001 et que Nicolas Sarkozy avait invité le dictateur en personne à parader lors du défilé militaire sur les Champs-Élysées le 14 juillet 2011. Petites et grandes complicités…
Une personnalité certes moins connue mais des plus influentes dans l’entourage de Bachar el-Assad a été fait Chevalier des Arts et des Lettres en 2018 : il s’agit de l’ancien photographe officiel de Bachar el-Assad, monsieur Ammar abd Rabbo. Il est vrai qu’une de ses photos avait séduit le président Emmanuel Macron, nouvellement élu, lors de sa descente des Champs-Elysées le jour de son intronisation en 2017 : un tableau avec les chevaux de la Garde républicaine, une nuée de drapeaux français et le président au milieu.
Mais le talent ne doit pas faire oublier la personne.
Ammar abd Rabbo été le photographe personnel de Bachar al Assad : il s’était fait une spécialité de photographier le couple présidentiel syrien, surtout en publiant des photos de la Première Dame syrienne qu’il a voulu ériger en icône de mode du gotha mondial. Paris Match, Times, Newsweek, Der Spiegel ont publié ses photos.
Ses nombreuses photos du père Hafez el-Assad et du fils Bachar ont contribué à forger un vernis de respectabilité pour un des pires régimes au Moyen-Orient. Et ce d’autant que Bachar el-Assad était photographe à ses heures perdues et donc très conscient du pouvoir d’influence de photos bien léchées et soignées… Ammar Abd Rabbo l’a bien compris !
Quand Emmanuel Macron récompense un ancien photographe du régime Assad
En 2018, à peine arrivé au pouvoir, le président Macron a fait d’Ammar Abd Rabbo Chevalier des Arts et des Lettres.
Rien que ça !
Rabbo n’est autre que l’ancien photographe personnel de Bachar el-Assad.En… pic.twitter.com/sioGLedLij
— F. Alexandre Rifai פ אלכסנדר ריפאי 🇫🇷 (@AlexandreRifai) December 17, 2024
Ammar Abd Rabbo, naturalisé français, réside en France. Il conteste qu’il soit considéré comme un photographe de la famille el-Assad. En 2013, il a couvert la révolution syrienne à Alep dont il a rapporté des centaines de photos de la ville martyr.
Son frère Wadah Abed Rabbo a été pendant toutes les années de règne de Bachar un des patrons de presse qui a servi le régime syrien. Il a été longtemps rédacteur en chef de al Watan, financé ouvertement par le cousin germain de Bachar, le milliardaire le plus riche de Syrie, Rami Makhlouf, actuellement en fuite pour avoir notamment fait exploser la diffusion au Moyen-Orient du captagon, psychotrope mortel.
Wadah Abed Rabbo avait eu ces mots amènes : « La Syrie est notre fierté et notre dignité. El Bachar en est le symbole tout comme il est le symbole du don et du sacrifice pour que la Syrie reste libre et fière ».
Retour à l’Elysée…
On sait Emmanuel Macron adepte de liaisons dangereuses : l’Élysée a récemment reçu le sulfureux Kalash, pourtant soutien inconditionnel du semeur de troubles et de haine Rodrigue Petitot en Martinique, à la demande de Brigitte Macron. Il se dit aussi que Kémi Seba, conseiller spécial du président du Niger et déchu de sa nationalité française par haine de la France a été récemment reçu en personne par le chef de l’Etat. Pire encore, Elie Hatem, ancien de l’Action Française, grand défenseur de l’antisémite Charles Maurras, avait été reçu à l’Élysée par Emmanuel Macron en 2019.
La rencontre entre Emmanuel Macron et le photographe Ammar Abd Rabbo, comme toutes ces fréquentations sulfureuses, nuit à l’image de la France : si ce dernier a tourné casaque ces dernières années, il n’en demeure pas moins qu’il a été un des relais en termes d’image et de communication d’un des pires régimes de l’histoire contemporaine.
Le temps est venu pour la France de retirer à ces nombreux Syriens longtemps hôtes de notre pays et complices de 54 années du régime el-Assad les honneurs que la France leur a trop rapidement accordés.
Michel Taube