La chronique de Patrick Pilcer
13H12 - lundi 6 janvier 2025

Mayotte, Bayrou/Le Pen : mêmes erreurs – courte vue et absence totale d’une réflexion long terme ! – La chronique de Patrick Pilcer

 

Chacun avec leurs mots, François Bayrou et Marine Le Pen disent la même chose : le retour au plus vite à la situation d’avant cyclone pour l’un, retour aux propositions et solutions court-termistes d’avant cyclone pour l’autre. Bayrou ajoute un objectif temporel : rebâtir l’archipel en deux ans.

Bayrou a voulu imiter Macron qui après l’incendie de Notre Dame avait fixé un calendrier de 5 ans. Macron cherchait quant à lui à imiter l’empereur Justinien, qui, après l’embrasement de Constantinople lors d’émeutes, et la destruction de Sainte Sophie, avait rebâti l’édifice en 5 ans. Mais ce qui est réalisable pour la reconstruction à l’identique d’un bâtiment est-il vraiment souhaitable pour un territoire en crise profonde depuis qu’il est devenu un département français, en 2011 ?

Justinien comme Macron disposaient des plans. Pour Notre Dame, les plans de l’Architecte étaient connus et disponibles. L’œuvre majestueuse de restauration d’Eugène Viollet-le-Duc pouvait être à nouveau elle-même restaurée ; le temps des travaux ne dépendait que des pouvoirs publics qui pouvaient accélérer ou non les procédures administratives. Le challenge était technique et non humain.

 

Ce n’est pas du tout le cas de Mayotte !

À Mayotte, département français, la loi de la République ne s’applique pas partout, voire pas du tout. Il ne s’agit pas seulement de remettre en état l’approvisionnement en eau et en électricité, même si la pleine satisfaction des besoins primaires est un préalable indispensable, ou de dire qu’on va stopper l’immigration, comme si l’on pouvait entourer cet archipel avec un mur.

Il faut surtout « penser » ce territoire.
Comment faire en sorte que ce département puisse bénéficier de tous les atouts possibles qu’offre l’appartenance à la République Française ? En droits comme en devoirs.

Voilà un territoire où l’insécurité est récurrente, où nous avons perdu tout contrôle de l’immigration comme d’une très grande partie du champ régalien, où,  face au désarroi des élus locaux comme de la population, l’Etat s’en remet depuis des années aux religieux musulmans. Des cadis, c’est-à-dire des juges religieux musulmans ont été faits fonctionnaires du conseil départemental et mis au service des communes, en contradiction avec les lois françaises, la Constitution de la République, et notre principe de laïcité, principe fondateur de ce qui nous fait Nation.

La population de Mayotte a été abandonnée par la République, laissée aux mains de juges religieux, pire, livrée aux salafistes et aux wahhabites, qui, arrivés clandestinement, déstabilisent depuis des années ce territoire français.

Plutôt que de dire trop vite comme Bayrou, « reconstruisons en deux ans » ou comme Le Pen « tout est lié à l’immigration clandestine », il faut profiter de ce que cet archipel soit totalement à reconstruire pour penser ensemble un plan sur le long terme.

Pour cela, il  faut se poser des questions sans aucun tabou.

Ce territoire doit-il être français ou non ? Sa population veut-elle être française, et respecter toutes nos lois, disposer de tous les droits et accepter tous les devoirs ? Si non, que souhaite-t-elle devenir ? Si oui, comment faire à présent véritablement respecter tous nos principes républicains partout dans l’archipel, y compris laïcité et interdiction de la polygamie ?

Peut-on empêcher les Comoriens d’arriver à Mayotte, qui auparavant faisait pleinement partie des Comores ? Quel avenir commun peut-on écrire entre Mayotte et ses voisins comoriens ? Le droit du sol a-t-il un sens réel dans ce territoire ? La nationalité française a-t-elle une signification lorsqu’on ne cherche que les droits et qu’on fait fi des devoirs ? Comment instaurer la laïcité partout sur l’archipel (il faudra se poser en même temps cette question cruciale pour la Guyane, pour St Pierre et Miquelon et bien sûr pour l’Alsace-Moselle) ?

Quel modèle de société insulaire, quelle organisation sociale mettre en place, à dix mille kilomètres de Paris ? Quels sont les atouts et les faiblesses sur le plan économique ? Peut-on transformer ces quelque 376 km2 en hub économique incontournable entre la France et l’Europe, et l’Afrique et l’Océan Indien ? Comment maximiser la création de richesse sur ce territoire ? Comment faire de Mayotte un nouveau Singapour ou un prochain Dubaï ? Comment transformer cette catastrophe naturelle en opportunité historique ?

Voilà une liste non exhaustive des questions à se poser avant de rebâtir Mayotte !

Si nous ne nous posons pas, collectivement, ces questions fondamentales, nous recréerons Mayotte quasi à l’identique.

Ce qui a parfaitement fonctionné pour Notre Dame, ne peut en rien marcher à Mayotte. Un territoire vivant n’est pas un édifice de pierres, un monument, un musée. Sa clé de voûte est autrement plus difficile à tailler et à insérer.

Nous créerons surtout les conditions du même échec que Mayotte vit depuis tant d’années. Mayotte n’est ni Pau ni un yakafocon. Bayrou et Le Pen partagent la même folie, penser qu’en refaisant les mêmes erreurs, le résultat sera différent.

 

Par chance, la France dispose d’un Ministre des Outre Mers d’une grande expérience. Manuel Valls sait ce qu’est la République, l’état de droit et la laïcité. Plutôt que de dire benoîtement « deux ans », ou « yaka », laissons Manuel Valls penser Mayotte avec les Mahorais et proposer à la Nation entière un véritable plan d’avenir pour le siècle qui vient !

À vous de jouer Monsieur le Ministre…

 

Patrick Pilcer
Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers