François Bayrou a tranché. L’essentiel pour lui est à présent d’éviter la censure, quoi qu’il en coûte !
Devant les syndicats comme devant les représentants des groupes politiques, tous étonnés mais ravis, le message est passé 5 sur 5 : on peut rediscuter de tout, même de la réforme des retraites et des 64 ans. On conserve pour la façade et dans les éléments de langage la nécessaire préservation des équilibres financiers et la baisse du déficit, mais dans les faits, la boîte aux idées les plus saugrenues est ouverte.
Avec Bayrou, ce sera open bar ! Le guichet du « quoi qu’il en coûte » reprend force et vigueur ! Du moment que Bayrou reste à Matignon !
On cherchera bien sûr à endormir les citoyens. On ne parlera plus de baisser la dépense publique mais de baisser la hausse de cette dépense ! Déjà dans le budget qu’a dû assumer à contrecœur Michel Barnier, faute de temps, on ne parlait plus de baisser le coût du travail, de rendre notre économie plus compétitive, de réduire les normes excessives, de « dégraisser le mammouth », d’optimiser l’Etat… autant de points faibles depuis si longtemps de l’économie française. On évoquait une hausse des cotisations sur les salaires pour permettre des économies… Édifiant…
Le PS et les syndicats se frottent les mains : ils vont pouvoir tout changer dans le budget afin que rien ne change en France…
Le PS a en ligne de mire son prochain congrès, et les syndicats les élections professionnelles. Olivier Faure a choisi depuis longtemps de tout faire pour rester à la tête du PS, et être réélu député le moment venu, quoi qu’il en coûte, même en vendant dix fois son âme. Ses opposants veulent le déboulonner, et ont besoin d’une certaine stabilité politique en amont de ce congrès, en montrant qu’ils ont obtenu des concessions « remarquables ». Eux aussi ont préparé leurs éléments de langage. Ils mettent en avant la recherche d’une plus grande « justice fiscale », leitmotiv de leurs prises de parole depuis le début d’année.
Encore faudrait-il prouver que « l’injustice fiscale » règne en France ?
Car la réalité prouve le contraire. Il suffit de regarder les chiffres et tous les rapports de l’Insee.
Que nous dit l’Insee dans son étude sur la redistribution monétaire ? « Pour mesurer l’impact des prélèvements directs et des prestations sociales sur la répartition des richesses, le revenu des ménages est comparé avant et après redistribution monétaire. En 2023, le niveau de vie annuel moyen avant redistribution monétaire est de 72 250 euros pour les 20 % des personnes les plus aisées, contre 8 600 euros pour les 20 % les plus modestes, soit 8,4 fois moins. La redistribution atténue ces inégalités : elle augmente de 55 % le niveau de vie moyen des 20 % des personnes les plus modestes et diminue de 20 % celui des 20 % les plus aisées. Le rapport entre les deux est ainsi réduit à 4,3. La réduction des écarts est encore plus grande aux extrémités de la distribution des revenus : avant redistribution, les 10 % des personnes les plus pauvres disposent d’un niveau de vie annuel moyen de 4 280 euros, contre 95 240 euros pour les 10 % les plus aisées, soit 22,3 fois plus. Après redistribution, ce rapport est réduit à 6,5. »
Mieux encore, quand on comptabilise non seulement les redistributions monétaires (APL, allocations familiales, primes d’activité, allocations rentrée, …) mais aussi ce qui n’est pas monétaire (école, santé, gratuité des services publics, … ce que l’Insee appelle la redistribution élargie), le rapport tombe à 3 !
Où est l’injustice ? La France est au contraire l’un des pays où l’on redistribue le plus, où les écarts après redistribution sont les plus faibles. Il faut arrêter de mentir aux Français !
Le problème de la France n’est pas l’injustice fiscale mais peut-être le matraquage fiscal, surtout la faiblesse criante dans la création de richesse. Beaucoup de pays travaillent avec efficacité à la réduction des écarts de revenus, mais la plupart le font en améliorant les conditions de la création de richesse, en faisant de l’Etat à la fois un facilitateur et un garant. En France, la réduction des écarts se fait uniquement par la dépense publique ; l’Etat ne facilite pas, il bloque, il norme, il fige, et donc détruit de la valeur.
Mais qui parle de créer plus de richesse, et donc d’avoir plus à répartir, dans ce débat budgétaire ? Personne !
Une des faiblesses récurrentes de notre économie est aussi le faible taux d’emploi : nous n’avons pas assez de jeunes de moins de 25 ans et de seniors de plus de 55 ans qui travaillent. Nous ne permettons pas assez aux jeunes d’entrer dans la vie active, tôt, et nous en excluons trop vite les plus de 55 ans.
Bien sûr, les différents ministres en charge de l’économie et du travail évoquent ces faiblesses patentes, et prétendent œuvrer, mais dans les choix budgétaires, dans les mesures réelles, que nenni ! Les paroles n’engagent que les gens qui les écoutent ! On augmente le coût du travail ! On augmente la fiscalité sur les entreprises comme sur les particuliers ! et on ne réduit les dépenses publiques qu’à la marge. En fait, on réduit la hausse des dépenses publiques mais la dépense augmente, et le déficit avec ! Honteux !
Inutile d’évoquer encore et encore la crise profonde que vit le secteur de la construction et de l’immobilier. Le gouvernement n’en a cure. Même si tous les mois ce sont plus de dix mille personnes qui y perdent leur emploi, ces destructions sont diffuses, dans des PME voire des TPE, cela se voit bien moins qu’un plan social sur 500 emplois dans une seule entreprise dans l’industrie. Là encore, le gouvernement utilisera des éléments de langage, pour déshabiller Paul et habiller Pierre, plutôt que de mettre en place une réelle politique du logement moderne. Si déjà, on suspendait les normes, on libérait plus de terrains disponibles à la construction et on augmentait les permis de construire…
Sur la réforme des retraites, l’erreur bien sûr de Macron aura été de cibler uniquement l’âge et non le nombre d’annuités, mais est-ce en revenant uniquement sur le paramètre de l’âge, sans augmenter le nombre d’annuités, qu’on parvient à équilibrer les comptes de l’assurance retraite ? Bien sûr que non. Au contraire, on plonge encore plus notre système dans les déficits abyssaux.
Avec de tels non-choix, Bayrou choisit d’augmenter nos dépenses publiques de manière certaine, d’augmenter notre fiscalité, avec des rentrées fiscales incertaines, de plonger notre économie dans la stagnation, voire la récession.
Le budget Bayrou ce sera non pas 5% de déficit, ce qui est déjà hors norme, et inadmissible, mais, lorsque nous aurons les chiffres réels courant 2025, on dépassera les 6,5% voire 7% ! Scandaleux !
Et en conséquence, notre taux des emprunts d’État va s’envoler. Nous empruntions 20 points de base au-dessus des emprunts allemands, puis 40, puis 85 fin 2024. Demain, ce sera 100 à 150 ! Et nous paierons tous trois fois cette véritable gabegie : nous tous paierons plus d’intérêts pour la dette d’état, un argent qui ne sera plus disponible pour les autres dépenses publiques, pour nos écoles ou pour nos hôpitaux. Nous tous paierons plus d’intérêts quand nous devrons emprunter avec les crédits à la consommation ou les crédits immobiliers. Toutes nos entreprises emprunteront plus cher, et donc créeront moins d’emplois, investiront moins, innoveront moins. Nous tous paierons ce coût par une hausse du chômage et de moindres augmentations salariales !
On pourrait s’attendre à ce que le Centre et la Droite réagissent avec force contre ces décisions et rejettent les choix désastreux du gouvernement. Et bien non, en tout cas pas pour le moment. Ni Gabriel Attal, ni Laurent Wauquiez, ni personne ne montent au créneau alors que la trêve des confiseurs est terminée depuis longtemps. Personne ne dit : « votons un budget a minima, et réfléchissons quelques mois ensemble à la France que nous souhaitons, à un modèle social pour les années à venir, et à la façon, juste et équitable, de le financer par tous ».
Du PS au LR, tous semblent choisir la stabilité politique, la non-censure, la durée plutôt que le redressement.
PS et LR ont à présent en tête les élections municipales. Ce sont encore dans les mairies que ces deux grands partis ont leurs places fortes, leurs grands élus. Et c’est de là aussi que dépend l’équilibre politique si précieux au Sénat.
Il est pourtant urgent, vital, que le Centre et la Droite sortent de la léthargie distillée par Bayrou, tapent du poing sur la table et entament le redressement de nos comptes comme de notre pays. Bayrou peut proposer un budget insincère, c’est son choix, il devra l’assumer, mais le Centre et la Droite doivent révéler la vérité aux Français, reprendre la barre et éviter une nouvelle dérive.
Tous oublient qu’avec ce mauvais budget, ce sont tous les Français qui vont passer à la caisse et payer les pots cassés ! Plus d’impôts, plus de chômage, moins d’emplois, un coût d’endettement qui grimpe, une crise économique et sociale qui peut vite déraper vers l’inconnu… nous devrons tous régler l’addition !
Mais le jour venu, devant les urnes, qui en tirera les marrons du feu et d’où viendra le nouvel équilibre politique ?