Edito
17H58 - jeudi 16 janvier 2025

L’heure des otages. L’édito de Michel Taube

 

Voilà des mois que l’Etat d’Israël aurait dû donner la priorité absolue à la libération du plus grand nombre d’otages détenus par le Hamas et ses affidés dans la bande de Gaza. Il était jusqu’à présent dans l’ADN et les valeurs de l’Etat d’Israël de tout faire pour libérer des citoyens israéliens détenus par ses ennemis.

Depuis quinze mois, le gouvernement Netanyahou s’est donné comme priorité non pas de venger le crime contre l’humanité du 7 octobre mais de détruire la puissance du Hamas, organisation théocratique et terroriste qui gangrène la Palestine depuis maintenant bientôt vingt ans. Sur ce point, Israël a marqué des points, de même qu’au Sud-Liban avec le Hezbollah. Mais il faut reconnaître que la bête immonde est loin d’être abattue.

La signature d’un accord aussi fragile qu’ambitieux de trêve puis de tentative de sortie de crise entre le Hamas et Israël pourrait être perçue comme un aveu de faiblesse par ceux qui veulent en finir définitivement avec le Hamas. Il est probable en effet que l’étonnant calendrier de cet accord de cessez-le-feu, notamment dans ses phases 2 et 3, relance le Hamas sur les scènes palestinienne et internationale.

De même, le chantage sur les noms et les délais de libération des 33 premiers otages est aussi quelque part une tragique et sanglante victoire pour le Hamas. Libérer des femmes et des enfants au compte-goutte, créer un séquençage des libérations au jour le jour pendant 42 interminables journées, avec son lot de souffrances et de pleurs qui s’enchaîneront presque quotidiennement, c’est quelque part céder à la cruauté de la politique telle que l’entendent les partenaires du Hamas. Les termes de cet accord créent un ascenseur émotionnel qui fragilisera la société israélienne.

 

Mais malgré ces inquiétudes, il faut bien se dire que si les 96 otages israéliens ne sont pas libérés maintenant ou dans les jours et les semaines qui viennent, il est à craindre qu’ils ne le soient jamais.

La libération des otages et une urgence humanitaire et civilisationnelle.

Combien d’entre eux sont-ils déjà morts ? Nul ne le sait ! Même le ministre français des Affaires étrangères (et alors même que la France s’est largement rangée dans le camp des partisans d’une approche strictement humanitaire d’un conflit pourtant profondément politique) ne sait pas si les deux otages franco-israéliens, Ofer Kalderon et Ohad Yahalomi, sont encore en vie.

Avec cet accord nous revient en tête le syndrome Gilad Shalit : ce soldat franco-israélien a été libéré en 2011, après 5 longues années de détention, contre 1027 prisonniers palestiniens. Parmi eux, Yahya Sinwar put reprendre son combat politique jusqu’à fomenter la journée sordide du 7 octobre 2023 et prendre la tête du Hamas, avant d’être éliminé par Israël. Mais le soldat Gilad Shalit est bien vivant et c’est la fierté d’Israël d’avoir sauvé un des siens.

L’attitude de Donald Trump dans la signature de cet accord annonce également la couleur : si le prochain président des États-Unis était seulement la caricature qu’il donne de lui-même, il n’aurait jamais accepté qu’un tel accord soit signé sous l’administration Biden et offre à ce dernier une telle victoire diplomatique.

En participant main dans la main aux négociations de ces dernières semaines, Donald Trump se révèle beaucoup plus nuancé que ce qu’ont espéré ses alliés naturels les plus radicaux : il est fort à parier qu’avec Trump, Benyamin Netanyahou aura la vie dure.

Car le 47ème président des Etats-Unis, comme il l’avait déjà prouvé lors de son premier mandat de président de la République américaine, n’aime pas la guerre, n’aime pas les conflits armés et sera prêt à toutes les pressions sur ses alliés naturels comme Israël pour pouvoir obtenir une paix armée, quitte à contraindre les uns et les autres à des concessions douloureuses.

Mais en attendant ces circonvolutions politiques, espérons enfin la libération prochaine du plus grand nombre possible d’otages.

 

Michel Taube

Directeur de la publication