Bayrou a donc lancé les travaux du « conclave » sur les retraites. Tout y serait négociable, sans tabou ni totem. Ce grand raout où toutes les organisations syndicales sont conviées ne peut déboucher néanmoins sur grand-chose.
Gageons que nous aurons des mesures pour une meilleure prise en compte des métiers pénibles, comme pour les carrières longues et celles, naturellement plus hachées, des femmes. Des aménagements raisonnables que la Gauche pourra appeler concessions remarquables.
Mais ces aménagements étaient déjà dans les tuyaux.
C’est un peu comme ces précieuses sous l’ancien régime qui plaçaient une mouche de beauté, ce petit rond de taffetas sur le visage ou le décolleté, pour imiter un grain de beauté, ou ces mauvaises actrices qui mettent un rouge à lèvres flashy, pour attirer le regard sur un point précis et faire oublier l’ensemble.
Bayrou cherche à focaliser notre attention sur ces quelques points pour mieux nous faire oublier « the big picture ».
Pourtant il est urgent d’analyser l’ensemble de notre économie. Nous n’avons pas besoin de mesurettes mais de réformes d’ampleur pour redresser notre économie. Il nous faut créer bien plus de richesses, remettre en route toute notre économie, lancer nos turbos et permettre à tous de gagner plus ! La préoccupation première de nos concitoyens n’est pas l’âge de la retraite mais le pouvoir d’achat : la fin du mois passe avant la fin de carrière !
Pas un mot du Premier Ministre et de son gouvernement sur ce sujet. Au contraire, on propose d’augmenter les impôts et les prélèvements, on tente d’augmenter le coût du travail, on rogne sur l’apprentissage, on propose de travailler 7 heures gratuitement, bref on pèse négativement sur le pouvoir d’achat. Même si, par les éléments de langage choisis, on laisse entendre que les « riches » et les très grandes entreprises paieront, chacun sait bien que nous serons tous, directement ou indirectement, mis à contribution.
Avec Bayrou, ce sera travailler plus pour gagner moins. Au final, ce sera, avec ce raisonnement, toujours à la France qui travaille, aux entreprises, aux salariés et retraités, de payer plus.
Mais cette France est exténuée, elle en a ras le bol. D’où le vote pour les extrêmes par protestation contre les gouvernants qui focalisent les esprits, et les énergies, sur des détails et ne réfléchissent pas à la « big picture » !
Plutôt que de passer des semaines à réécrire une énième réforme des retraites, Bayrou ferait mieux de réfléchir à l’ensemble de notre économie. Comment permettre à plus de nos concitoyens de travailler plus longtemps et mieux, en étant payés plus, bien sûr, mais surtout comment permettre à plus de personnes de revenir sur le marché de l’emploi, en particulier les femmes.
Comment faire en sorte que nous puissions améliorer notre taux d’emploi, ou taux d’activité, c’est-à-dire le nombre de salariés qui participent à notre vie économique, et retrouver les standards de nos partenaires et concurrents. À une époque où l’IA va faire disparaître de nombreux emplois intermédiaires (postes comptables, administratifs, etc…), des emplois majoritairement tenus par des femmes, ne pas simplement se poser la question de l’amélioration du taux d’emploi mais surtout y répondre, ne pas mettre en place une montée en gamme de nos salariés, pour aujourd’hui et demain, est suicidaire ! Là comme ailleurs, Bayrou et son gouvernement manient les éléments de langage, effleurent le sujet mais ne vont pas plus loin, au cœur du problème : notre taux d’activité reste durablement bien inférieur à celui de nos partenaires et concurrents.
De même, Bayrou ne parle plus de l’amélioration de notre souveraineté économique, l’un des chantiers prometteurs lancés par Emmanuel Macron. Pourtant, plus on relocalise une production industrielle, plus on améliore notre indépendance économique, plus on parvient à générer des emplois, et donc des recettes fiscales et sociales. Comment relancer également notre secteur de l’immobilier et de la construction, autrement que par des mots ? Comment développer fortement notre économie de l’attention, l’économie du « take care » ?
En parallèle, mieux on forme notre jeunesse, plus on lui permet d’entrer dans la vie active et de grimper l’escalier social. Mieux on forme, plus il est aisé de rentrer sur le marché de l’emploi et d’avoir des meilleurs jobs. Mieux on forme, plus nos chercheurs seront brillants. Les JO ont démontré que plus on s’entraîne, plus on multiplie ses chances de remporter une médaille. Le Recherche, c’est pareil, plus on cherche, plus on investit dans l’effort de recherche publique et privée, plus on multiplie ses chances de trouver, d’innover, de révolutionner. Une meilleure recherche, une meilleure innovation, ce sont plus d’emplois et de richesses demain.
Je pourrais multiplier les exemples sur notre économie, dans tous les secteurs, où nous devons nous améliorer. Les chantiers devant nous sont énormes. Et si nous les adressons correctement, nous créerons, tous ensemble, plus de richesses, plus d’emplois, plus de recettes pour l’Etat, plus de contributions pour les systèmes de retraite et pour la sécurité sociale.
L’équilibre des systèmes de retraite est alors une résultante, une conséquence. Et nos déficits deviennent des excédents, et notre dette peut fondre. Elle n’est alors plus un poids, l’effet massue devient effet de levier. Ce n’est pas de la magie, c’est de l’économie…
Plutôt que de perdre le temps de la Nation avec un conclave inutile, Bayrou et son gouvernement devraient plutôt saisirune instance trop oubliée, le Conseil Economique Social et Environnemental, le CESE. Demander à son président Thierry Beaudet, d’éclairer le pays, véritablement, sur l’évolution de notre modèle de société, sur quelle France nous souhaitons pour 2030 et 2050, et comment financer ce modèle social.
Comment faire en sorte que tous les Français participent à la création de richesses de la Nation, et en retirent un pouvoir d’achat suffisant ? Comment s’exerce la solidarité, où commence-t-elle et où sont ses limites ? En fonction de ces grands choix, nous pourrons dimensionner l’administration, choisir ce qui relève du privé et ce qui relève du public, placer le curseur des taux de tous nos impôts au bon niveau.
À chaque révolution économique, il nous faut adapter notre modèle social.
La révolution économique actuelle est plus que majeure. Il nous faut non plus seulement adapter mais repenser notre modèle social et réécrire un nouveau contrat social.
C’est cela qui devrait nécessiter un conclave, pas le maquillage actuel sur la réforme des retraites. Aussi, comme le Premier Ministre et son gouvernement ont le nez dans le guidon, à tenter de survivre chaque semaine une semaine de plus, il revient au Président de la République de missionner le CESE et son Président pour entamer la réflexion de la Nation et nous proposer un Nouveau Contrat Social.
Monsieur le Président, à vous de jouer !
Vive la République Vive la France !