Edito
15H47 - vendredi 24 janvier 2025

Discours sérieux, mais discours pluvieux : les annonces d’Éric Lombard aux acteurs économiques. Tribune de François Perret

 

 

Allocution du ministre de l’Économie à Bercy le jeudi 23 janvier 2025

 

Ce n’était pas la foule des grands jours hier à « Bercy », dans le temple de l’élaboration de la politique économique et financière nationale.

Arrivé le 23 décembre dernier à la tête d’un grand ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, au périmètre assez constant par rapport à celui de ses prédécesseurs Bruno Le Maire et Antoine Armand (si ce n’est l’inclusion tout sauf anecdotique de l’énergie), le nouveau ministre Éric Lombard réunissait un mois plus tard jour pour jour tout l’aréopage de la vie économique française pour lui présenter ses vœux 2025.

Cette année, plutôt que la pluie de l’édition précédente -qui n’avait pas empêché une foule immense d’invités de se masser aux derniers vœux prononcés par Bruno Le Maire à la même époque- c’est plus probablement la morosité ambiante qui aura dissuadé quelques invités de rallier la grande salle « Pierre Mendès-France » pour entendre l’ancien patron de la Caisse des Dépôts. Car c’est un climat anxiogène qui hante désormais les couloirs d’une maison sur laquelle s’exerce une pression parfaitement inédite avec un déficit public qui devrait finalement tangenter les 6% du PIB en 2024.

Devant le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, et plusieurs centaines de grands acteurs économiques à la mine plus déconfite que d’habitude, le nouveau patron de Bercy s’est exprimé avec, derrière lui, ses cinq co-locataires, Amélie de Montchalin, Marc Ferracci, Véronique Louwagie, Clara Chappaz et Nathalie Delattre qui l’ont écouté religieusement fixer le cap : « notre ambition, c’est la croissance ; notre levier, les entreprises ; notre méthode, la confiance » a martelé un Éric Lombard semblant bien mesurer la hauteur de la montagne à gravir malgré des mots introductifs rassurants.

S’efforçant à plusieurs reprises d’aller dénicher les quelques rares bonnes nouvelles qu’il pouvait avancer dans un ciel aux nuages toujours plus menaçants, le ministre a cherché à rassurer les entreprises et leurs représentants présents hier : pas d’alourdissement à venir de la charge fiscale pour les entreprises ni les ménages, surtaxe d’impôt sur les sociétés (IS) limitée à une année, stabilité du Crédit d’impôt recherche (CIR), etc. Non sans omettre de rappeler son attachement à plusieurs batailles dans lesquelles ses équipes sont engagées : la souveraineté industrielle et numérique, la simplification de la vie des entreprises, une croissance durable et juste (« avec des salaires décents » a-t-il plaidé) et bien entendu, le redressement des finances publiques.

Sur cette question épineuse, Éric Lombard sait l’exercice particulièrement contraint. Il doit à la fois veiller au vote du projet de loi de finances pour 2025, que le Sénat a approuvé hier après-midi en sa présence, et jongler aussi entre deux risques : la censure d’un côté et un excès de souplesse budgétaire qui ne lui serait pas pardonné non plus. Entre la censure et son coût colossal (qu’il évalue à 12 milliards d’euros supplémentaires) et le compromis, le nouveau grand argentier de l’hexagone s’est forgé une conviction de laquelle découle une méthode : mieux vaut encore dialoguer avec tous (ce qu’il a entrepris en recevant pas moins de 17 formations politiques depuis sa nomination) que de s’exposer au danger politique d’une chute du gouvernement de François Bayrou.

Humble parmi les humbles dans une maison qui ne nous a pas toujours habitués à cette posture, Éric Lombard a vanté les mérites de l’écoute et de la stabilité pour restaurer une confiance que beaucoup d’acteurs économiques semblent avoir perdue depuis la dissolution.

Une humilité et une sobriété teintées d’une ambition raisonnée plutôt que très volontariste, avec cette annonce d’un objectif de 3% de déficit public en 2029. Pourquoi ce seuil ? Parce qu’il correspond, selon le ministre, à celui d’un redémarrage de la dynamique de désendettement. Un objectif qui, à n’en pas douter, passera par une réduction drastique de la dépense publique et une amélioration de son efficacité.

Pour redonner cœur à son public, à l’écoute mais dissimulant son enthousiasme, le ministre a rappelé sa volonté de franchir une nouvelle étape dans la lutte contre la complexité administrative, avec la reprise sous peu de l’examen parlementaire du projet de loi « Simplification de la vie économique » que Bruno Le Maire avait présenté au printemps 2024. Profitant aussi de cette annonce pour écorner la Commission européenne qu’il appelle à plus d’initiative pour lutter contre une prolifération normative qui serait responsable, selon lui, de 10% environ du potentiel de croissance de l’Union.

Dans ce discours qui ne transpirait pas l’esprit de fête, et on le comprend, Éric Lombard n’a pas cité la formule habituelle de « réindustrialisation ». Ce qui ne l’a pas empêché de rappeler sa volonté d’un État « au cœur d’une stratégie de préservation des intérêts industriels critiques pour la souveraineté nationale » citant comme des précédents dont il faut s’inspirer le rachat d’Alcatel Submarine Networks, l’accord avec Sanofi pour maintenir la production de Doliprane en France ou encore les négociations engagées avec Atos pour acquérir ses activités stratégiques.

Dire que le ministère de l’Économie qui, d’ordinaire dicte la conduite dans une grande majorité d’arbitrages aux autres départements ministériels, ne dispose aujourd’hui lui-même que d’une marge de manœuvre plus que restreinte est une évidence qui n’a pas échappé à un haut fonctionnaire qui, en creux, s’est fixé un objectif pouvant paraître limité mais qui, en définitive, est déjà ambitieux : présider lui-même la cérémonie de vœux à Bercy en janvier 2026. On lui souhaite. Et surtout on le souhaite à un pays qui a non seulement besoin de stabilité, mais aussi des réformes pour s’éviter le sort désormais malheureusement à portée de main qui fut celui de la Grèce dans la décennie précédente : être placé sous la tutelle financière des grands organismes internationaux.

 

François PERRET
Economiste, professeur affilié à ESCP-Business School, vice-président du think-tank Etienne Marcel, et auteur de « Non. Votre salaire n’est pas l’ennemi de l’emploi ! Vaincre l’austérité salariale, c’est possible » (éd. Dunod)

 

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