Edito
07H44 - samedi 1 février 2025

Binet, Mélenchon : la lutte des classes est de retour. L’édito de Michel Taube

 

En politique comme dans le syndicalisme, le poids des mots n’est jamais anodin. En traitant les grands patrons de « rats », les accusant sur RTL de quitter le navire France, Sophie Binet a franchi une ligne rouge qui en dit long sur l’état d’esprit de la CGT et, plus largement, de la gauche radicale.

Hier dans une université toulousaine qui trie manifestement les orateurs politiques qu’elle reçoit (Marine Le Pen y aurait-elle droit de cité ?), Jean-Luc Mélenchon s’en est pris à Bernard Arnault, considérant que les travailleurs qualifiés font vivre l’économie plus que le capital. Au fait, combien de travailleurs qualifiés le leader des Insoumis a-t-il formés et embauchés dans sa vie ?

On croyait ce type de langage réservé aux extrêmes, voire à une époque révolue où les invectives remplaçaient les arguments. Mais non : la patronne de la CGT, qui avait appelé à voter pour le pseudo Nouveau Front populaire lors des dernières élections législatives, sombre dans une rhétorique populiste qui n’a rien à envier aux excès qu’elle prétend combattre.

Ce mot, « rats », résonne étrangement. Il a une histoire lourde. Il est l’apanage des discours de rejet et de stigmatisation, historiquement brandis pour désigner l’ennemi à abattre. On l’a vu surgir dans la bouche de dirigeants d’extrême droite pour désigner les immigrés ou les minorités, et voilà qu’il refait surface, cette fois appliqué aux entrepreneurs et aux dirigeants d’entreprise.

Que dirait Sophie Binet si un patron traitait les syndicalistes de parasites ? L’indignation serait immédiate, et à juste titre. Alors pourquoi une telle violence serait-elle tolérée lorsqu’elle vise ceux qui créent de la richesse et de l’emploi ?

Cette posture de la CGT est révélatrice d’un mal plus profond : la tentation de la gauche française de réinventer la lutte des classes. À l’heure où la France affronte des défis économiques majeurs, où la compétitivité de nos entreprises est mise à rude épreuve, où les délocalisations sont une menace bien réelle, que propose Sophie Binet ? Une guerre sociale. Elle oppose les travailleurs aux patrons comme si nous étions encore au XIXe siècle, comme si les acquis sociaux n’existaient pas, comme si l’entreprise n’était pas, avant tout, une communauté de destins où chacun a besoin de l’autre pour prospérer.

Or, la vérité est que la France a besoin de ses patrons, y compris la CGT. Car qui finance, indirectement, les syndicats à travers les cotisations et le dialogue social ? Qui crée les emplois qui permettent aux travailleurs d’adhérer à la CGT ? Sans entreprises florissantes, il n’y a ni salaires, ni cotisations, ni budget pour les syndicats. La France ne manque pas de discours incendiaires, elle manque d’une culture économique réaliste et constructive. On peut débattre de la fiscalité, des aides publiques, des injustices sociales, mais en désignant les entrepreneurs comme des boucs émissaires, Sophie Binet prend un risque majeur : celui de saper encore davantage l’attractivité de la France.

Plutôt que d’exciter les passions, la CGT devrait engager un dialogue sérieux sur l’avenir du travail en France. Car sans patrons, il n’y a pas de salariés. Et sans entreprises prospères, il n’y a pas de syndicats puissants. Une réalité que Sophie Binet ferait bien de méditer.

 

Michel Taube

Directeur de la publication