
Source Assemblée Nationale
Opinion Internationale : Bonjour Monsieur Alexandre Sabatou, vous êtes député de la 3ème circonscription de l’Oise (Creil Méru, Montataire). Vous êtes depuis 2022 député du Rassemblement National. Merci d’avoir accepté de répondre à Opinion Internationale. Êtes-vous le Monsieur Intelligence Artificielle du Rassemblement National ?
Alexandre Sabatou : c’est ainsi en effet que l’on commence à me connaître au sein du Rassemblement National. Je suis un ingénieur de formation et j’ai travaillé dans la Fonction publique en tant que chef de projet informatique avant de bifurquer vers la politique.
Au sein du RN, vous faites partie de la bande du 93 avec Jordan Bardella ?
En effet, nous avons tous deux grandi en Seine-Saint-Denis, Jordan à Saint Denis et moi à Rosny-sous-Bois. Nous avons vu dès notre plus tendre enfance monter les périls que nous dénonçons aujourd’hui. Et je peux vous dire que pour des jeunes comme nous, – et nous sommes nombreux au RN venus de ce département -, ça a forcément forgé nos cœurs et nos esprits. Cette expérience doit peut-être nous rapprocher.
Le Sommet mondial pour l’action sur l’intelligence artificielle vient de se tenir en France, et Marine Le Pen a publié une tribune dans Le Figaro appelant à une réponse française en matière d’IA. Vous devez être satisfait des annonces d’Emmanuel Macron au Sommet de Paris ? Tous unis pour l’IA ?
Le Sommet de l’IA a été un événement important, et je suis fier qu’il se soit tenu en France : pendant quelques jours, la France a été au centre de l’attention mondiale. Après, disons les choses clairement : comme toujours, on a eu droit à un show bien huilé, certes, mais centré sur la personne d’Emmanuel Macron. J’en veux pour preuve qu’aucun parlementaire français n’a été invité à ce Sommet. Nous représentons les Français et l’IA française ne peut se faire sans nous.
Même mes deux collègues, Patrick Chaize (LR) et Corinne Narassiguin (PS), co-rapporteurs avec moi, dans une démarche transpartisane, du rapport « ChatGPT, et après ? Bilan et perspectives de l’intelligence artificielle », rendu l’an dernier dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, n’ont pas été conviés. C’est un manque de respect total.
Et puis, sur le fond, malheureusement, la France n’est pas au centre du jeu. Emmanuel Macron fait beaucoup d’annonces sans qu’elles soient toujours suivies d’actions concrètes. Par exemple, on parle de formations obligatoires sur l’IA pour les collégiens et lycéens, mais il est probable qu’au bout du compte, faute de moyens, faute de formations des enseignants, ces cours deviennent optionnels, ce qui est loin des objectifs nécessaires pour former toute la population.
Emmanuel Macron a annoncé un investissement de 109 milliards d’euros pour l’IA, égal en proportion à celui des États-Unis. C’est une fierté nationale, non ?
C’est une grande annonce en effet mais, en réalité, une grande partie de ces investissements viendront de l’étranger, notamment des Émirats arabes unis et du Canada. Ce n’est pas de l’argent français, et cette situation soulève une vraie question de souveraineté. Marine Le Pen a, elle, proposé une vision plus souveraine, mettant l’accent sur notre réindustrialisation pour produire nous-mêmes nos puces électroniques et ainsi ne plus dépendre des pays étrangers. Seulement 6 % des puces utilisées dans l’IA sont produites en Europe, ce qui est un problème majeur pour notre indépendance technologique. Il est également nécessaire de mettre en place des pôles régionaux pour que les secteurs public et privé collaborent davantage.
« Retailleau n’est pas Sarkozy »
Vous critiquez ces capitaux étrangers mais où allez-vous trouver cet argent en France pour financer cette souveraineté numérique nationale exclusive ?
C’est une question clé. Comme vous l’avez souligné, avec la gestion financière catastrophique des dernières décennies, notamment sous Macron, il est difficile de trouver des fonds suffisants pour une telle ambition. C’est pour cela que Marine Le Pen propose des zones franches technologiques, où les entreprises, notamment les PME françaises, pourront s’implanter avec des charges réduites. Cela permettra de stimuler la création d’emplois et de réindustrialiser le pays. L’idée est d’attirer des investissements tout en préservant la souveraineté nationale.
Vous avez récemment fait tomber le gouvernement Barnier. À quand la chute du gouvernement Bayrou ?
Nous avons censuré la loi de financement de la Sécurité sociale parce qu’elle comportait des éléments inacceptables pour nous, notamment sur les questions des retraites et de l’électricité. Le constat est simple : Bayrou n’aurait pas fait mieux que Barnier. De toute façon, avec ces incompétents, aucun budget ne tiendra la route. Au moins, nous avons évité deux mois de comédie ministérielle pour un résultat identique : un budget irréaliste et une gestion sans cap. Avec François Bayrou, si des propositions comme la régularisation massive des sans-papiers sont mises sur la table, ce serait une ligne rouge franchie pour nous et il serait censuré.
Bruno Retailleau ne fait-il pas de l’ombre à Marine Le Pen et à la stratégie du Rassemblement National ? Je rappelle que seul Nicolas Sarkozy, lorsqu’il s’est présenté en 2007, a réussi à faire reculer votre mouvance politique depuis votre ascension irrésistible à partir de 2002.
Je ne crois pas. L’époque de 2007, avec Nicolas Sarkozy, était très différente. Marine Le Pen et le Rassemblement National sont aujourd’hui dans une dynamique ascendante. Nous avons plus de 11 millions d’électeurs qui nous soutiennent, ce qui montre que notre message résonne profondément avec les Français. Et puis, Bruno Retailleau n’est pas Nicolas Sarkozy. À sa sortie du gouvernement, Bruno Retailleau aura un bilan et il ne sera pas brillant.
La question « j’entre dans l’histoire ». Si une loi, ou une décision historique devait porter votre nom, quelle serait-elle ?
C’est une question presque intime ! Je dirais un plan massif de réindustrialisation de la France, une sorte de plan Messmer ou de plan Marie Curie pour restaurer de façon concrète la souveraineté nationale française.
La question langue de bois : vous vous imaginez ministre de la République dans un futur proche ?
Ce n’est pas à moi de décider. Marine Le Pen et Jordan Bardella décideront quel rôle je jouerai au sein du gouvernement. Je suis prêt à servir le pays, mais il est important de rester humble et de répondre aux besoins du moment. Je suis à la disposition de mon parti et des Français.
Propos recueillis par Michel Taube