
Source Assemblée natinoale
Bonjour Arthur Delaporte, merci d’avoir accepté de répondre à Opinion Internationale. Vous êtes le député de la 2ème circonscription du Calvados, membre du Parti socialiste et porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée nationale.
Olivier Faure vient d’annoncer la tenue du Congrès du Parti Socialiste en juin, et sa candidature à sa succession, afin notamment de « clarifier » le projet. Êtes-vous Fauriste ou soutiendrez-vous la ligne Hollande ?
J’ai depuis 2018 toujours soutenu la démarche portée par Olivier Faure qui est celle du renouvellement du Parti socialiste, à la fois d’un point de vue générationnel mais surtout en vue d’un réancrage à gauche : la nécessité de l’union de la gauche passe par une réaffirmation socialiste au cœur de cette gauche unie.
Dans cette perspective, la candidature d’Olivier Faure en juin est la suite logique de la stratégie qu’il a menée avec succès pour redresser le Parti socialiste depuis 7 ans. Je ne vois pas pourquoi il faudrait changer de cap, qui plus est s’il s’agit de revenir à une politique sociale libérale hostile à la perspective salutaire de l’union de la gauche.
Comment va aujourd’hui le Parti socialiste ? Il semble avoir retrouvé une certaine place dans le débat public depuis la main tendue de François Bayrou.
Le Parti socialiste va bien. Contrairement à ce que beaucoup annonçaient, il est toujours là, et même plus que jamais, il joue un rôle important dans le débat politique. Nous avons réussi à porter une alternative crédible face à Emmanuel Macron, et aujourd’hui, sous la direction d’Olivier Faure au parti et de Boris Vallaud à l’Assemblée, nous avons retrouvé une voix forte. Le PS est redevenu un pivot central de la politique française, sans être centriste, mais en restant fidèle à ses valeurs de gauche et en cherchant toujours à unir pour avancer ensemble.
Jean-Luc Mélenchon, dans La Tribune Dimanche, enterre définitivement le Nouveau Front populaire. Est-il définitivement mort ?
Arthur Delaporte : Ne nous emportons pas. Le nouveau Front populaire n’est pas mort, loin de là. Grâce à cette alliance électorale, nous avons pu constituer ensemble la première force politique de l’Assemblée nationale. Nous devons répondre à cette demande populaire d’une union de la gauche. Certes, il y a eu et il y aura des divergences stratégiques au sein du Nouveau Front populaire. Certes, tout le monde n’a pas choisi la même voie ces dernières semaines, mais je reste convaincu que l’union de la gauche reste indispensable pour faire face aux défis du pays.
Vous avez voté la censure du gouvernement Barnier. Cela ne vous pose-t-il pas encore un problème de conscience de faire tomber un gouvernement avec les voix du Rassemblement national ?
Notre vote ne constituait aucunement un soutien au Rassemblement national, mais une réaction face à un projet de loi de financement de la Sécurité sociale inacceptable porté par Michel Barnier. Ce dernier n’a pas cherché à négocier avec les oppositions de gauche et a préféré s’allier avec le Rassemblement national. Je rappellerai que le premier à avoir fait tomber un gouvernement avec les voix du Rassemblement national, c’est Emmanuel Macron, lorsqu’il a refusé de nommer Lucie Castets à Matignon.
De semaine en semaine le gouvernement Bayrou adopte des politiques qui, selon nous, portent atteinte aux valeurs de la République. C’est la raison pour laquelle nous déposerons cette semaine une motion de censure dite « spontanée » : la collusion avec l’extrême droite, quand on doit sa présence à Matignon au front républicain de juillet, ne saurait être cautionnée. Nous ne nous interdisons pas, plus tard, de déposer de nouvelles censures, si le conclave sur la réforme des retraites n’aboutit pas par exemple.
La semaine dernière, Gabriel Attal a proposé une révision complète de la justice pénale des mineurs. Ne pensez-vous pas que, contrairement à la réforme Dupont-Moretti qui introduit la « césure pénale » et renvoie le prononcé de la peine à un temps postérieur à des mesures éducatives, pour des délits graves et des crimes, la première mesure éducative, dans l’intérêt du mineur, c’est la sanction, la punition ?
Que n’a fait Gabriel Attal pendant sept ans dans les différents gouvernements d’Emmanuel Macron ? La justice pénale des mineurs doit avant tout être éducative. La punition peut être une mesure éducative, mais elle ne doit pas être la première réponse. Il faut privilégier la prévention et l’accompagnement socio-judiciaire, et non enfermer les jeunes dans un système qui les pousse à la récidive. L’approche de Gabriel Attal, qui propose des sanctions plus sévères, est contreproductive. L’important est de prendre en compte le développement des mineurs et de leur donner les moyens de se réinsérer dans la société. Mieux vaut surtout renforcer les moyens et les personnels de la Protection Judiciaire de la Jeunesse qui a manifesté contre la proposition Attal.
La question « j’entre dans l’histoire ». Si une loi, ou une décision historique devait porter votre nom, quelle serait-elle ?
Je suis déjà l’auteur de la loi dite Delaporte – Vojetta du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. La régulation du numérique est un enjeu toujours plus crucial ; et face aux dérives illibérales et en particulier au retour de Donald Trump aux États-Unis, nous ne devons pas baisser la garde face à l’univers numérique sans foi ni loi. Sans règles nous allons vers de graves difficultés : la protection des mineurs, la protection des consommateurs, le respect des cadres démocratiques n’en sortiront pas indemnes.
Et pour conclure, comme à notre habitude, « la question langue de bois » : si demain on vous propose de devenir ministre de la République, quel portefeuille prendriez-vous ?
Le plus important : le ministère des relations avec le Parlement. C’est un poste clé dans le fonctionnement démocratique du pays, et il est important de renforcer le dialogue entre l’exécutif et le législatif. Le rôle du ministre des relations avec le Parlement est de construire des ponts, d’apaiser les tensions et d’assurer que le Parlement puisse jouer pleinement son rôle dans la prise de décisions. Nous sommes loin d’être revenus à la IVème République : nous avons juste besoin d’un régime parlementaire efficace et vivant.
Propos recueillis par Michel Taube