Les élections de ce dimanche en Allemagne revêtent une importance capitale, non seulement pour nos voisins d’outre-Rhin, mais également pour l’ensemble de l’Europe. L’inquiétude grandit à l’idée que les sondages sous-estiment largement le score que pourrait obtenir l’AfD (Alternative für Deutschland), ce parti d’extrême droite qui ne cesse de progresser, alimenté par une colère populaire qui dépasse largement la seule sphère des nostalgiques du nationalisme allemand. Ce ne serait pas la première fois qu’un tel phénomène se produirait, tant la dynamique de vote en faveur des partis populistes repose sur un électorat dissimulé, refusant de se déclarer dans les enquêtes d’opinion mais se mobilisant massivement le jour du scrutin.
Trois traumatismes s’entrechoquent au même moment et fragilisent la démocratie allemande…
L’Allemagne traverse aujourd’hui une crise multiple qui la secoue avec une intensité inédite depuis l’après-guerre. L’année noire que connaît le pays rappelle tragiquement le traumatisme qu’a vécu la France en 2015, frappée par des vagues d’attentats successifs qui ont transformé la société et bouleversé les équilibres politiques. Depuis novembre dernier, les attaques terroristes se sont multipliées outre-Rhin, touchant en plein cœur des lieux aussi emblématiques qu’un marché de Noël à Magdebourg et plus récemment Munich. L’Allemagne, qui s’est longtemps bercée d’illusions sur sa capacité à préserver une forme de stabilité, découvre brutalement que son modèle sécuritaire est aussi faillible que celui des autres grandes puissances européennes. Le réveil est brutal et, pour beaucoup d’Allemands, la riposte politique à ce sentiment d’insécurité prend la forme d’un bulletin de vote pour l’AfD.
Mais l’insécurité n’est pas le seul moteur de la montée du parti nationaliste. L’économie allemande, jusqu’alors citée en modèle, vacille sous le poids d’une crise industrielle sans précédent. La fierté nationale qu’incarne l’automobile allemande, pilier de la prospérité du pays et symbole de son excellence technologique, est aujourd’hui menacée de disparition à cause de la précipitation européenne dans la transition énergétique. L’abandon forcé du moteur thermique au profit du tout-électrique, imposé sans discernement par une bureaucratie bruxelloise aveugle, a entraîné des suppressions massives d’emplois et plonge des régions entières dans le désespoir. Ce désastre économique, qui aurait pu être évité par une politique plus pragmatique, nourrit une frustration qui se cristallise autour du rejet des élites et du vote contestataire.
Dans ce climat déjà délétère – troisième séisme -, l’influence croissante des réseaux sociaux et l’ingérence d’acteurs extérieurs achèvent de transformer le paysage politique allemand. Elon Musk et Donald Trump, deux figures qui n’ont jamais caché leur aversion pour l’establishment européen, se sont ouvertement immiscés dans le débat, amplifiant les discours populistes et contribuant à la radicalisation de certaines franges de l’électorat. Dans un monde où les algorithmes favorisent les contenus les plus polémiques et où les jeunes générations s’informent sur TikTok plutôt que dans les journaux traditionnels, l’AfD a su capter cette nouvelle dynamique et séduire une partie de la jeunesse allemande qui ne croit plus aux partis traditionnels.
Dimanche, il est tout à fait possible que l’AfD réalise un score bien supérieur aux prévisions, au point de bouleverser l’échiquier politique. Certes, le système électoral allemand empêche ce parti d’accéder seul au pouvoir, mais si son influence devient trop forte pour être contournée, il pourrait s’imposer comme un acteur incontournable dans la formation d’une future coalition gouvernementale. Et si cela n’arrive pas cette fois-ci, ce ne sera peut-être que partie remise pour les prochaines élections.
Ce qui se joue aujourd’hui en Allemagne dépasse largement ses frontières. Partout en Europe, les nationalismes grignotent du terrain, de la Hongrie à l’Autriche, en passant par l’Italie et la République tchèque. La France elle-même n’est pas à l’abri d’une telle dynamique, et l’hypothèse d’une victoire de Marine Le Pen en 2027 n’a jamais été aussi crédible. L’Europe vacille, prise en étau entre une montée du souverainisme et une technocratie bruxelloise qui, au lieu de répondre aux angoisses des peuples et de s’en tenir aux textes fondateurs de l’Europe, continue de les mépriser et de leur imposer des réformes dogmatiques sans tenir compte des réalités sociales et économiques.
Peut-on vraiment blâmer un électeur allemand au chômage, inquiet pour son avenir et celui de ses enfants, qui se tourne vers l’AfD après avoir appris son prochain licenciement d’une grande entreprise automobile allemande ?
Au-delà de l’Allemagne, l’Union européenne a trahi l’esprit de ses fondateurs en se transformant en un monstre bureaucratique qui impose des décisions arbitraires sans consultation des peuples. Les agriculteurs en savent quelque chose. Rien, dans ses textes fondateurs, n’exigeait une transition brutale vers la voiture électrique, mettant en péril des centaines de milliers d’emplois et nous mettant sous dépendance chinoise. Rien ne justifiait l’abandon d’une industrie aussi stratégique que l’automobile sans prévoir de solutions viables pour les travailleurs. Ce suicide industriel est un poison qui, aujourd’hui, fait vaciller l’Allemagne et pourrait bien entraîner l’Europe dans sa chute.
L’urgence est désormais de refonder l’Union européenne sur des bases solides, en revenant à l’essence même du projet européen : une coopération pragmatique et supranationale entre nations souveraines, et non un rouleau compresseur technocratique imposant des dogmes idéologiques déconnectés des réalités du terrain. L’Europe doit redevenir un espace de liberté, d’innovation et de respect des peuples.
Nous saurons dimanche s’il est déjà trop tard…