
Source : Julien Tellier
Ma fille ne pourra donc plus se délecter le dimanche de l’émission « J’adopte un animal » et se moquer en semaine des clowneries et des excès de Cyril Hanouna, « ce grand enfant », comme elle le dit souvent. On connaissait Le Roi Lion, nous avions avec Cyril Hanouna le roi du PAF. Et il n’est pas prêt de se taire !
Pour notre part, et lorsque le travail le permettait, nous faisions des allers-retours entre TPMP et Quotidien. Avec ces deux émissions très différentes, et somme toute complémentaires, nous avions un tour d’horizon de l’actualité du jour et prenions le pouls de la société française dans sa plus grande diversité. TPMP, c’est une partie de la France qui ne trouvera plus de relais médiatique. Elle laissera donc de nombreux Français orphelins et un peu plus délaissés dans le paysage audiovisuel français.
La fermeture d’un média est toujours une triste nouvelle dans un pays libre. Généralement, un média cesse de paraître parce qu’il n’a pas assez de lecteurs, d’auditeurs ou de téléspectateurs, ou parce que les revenus publicitaires, les ventes et les abonnements chutent au fil du temps. Mais là, aussi étrange que cela puisse paraître, un média prospère, à l’audience vertigineuse, va mourir le 28 février au soir.
Saluons ici tous les collaborateurs des chaînes C8 et NRJ12 qui ont fait vivre ces deux médias !
Retour aux années ORTF
Par le fait du prince, par le fait du politique. Avec la fermeture de C8 et de NRJ 12, on se croirait revenus aux années ORTF.
Cette décision de l’ARCOM constituera un des pires moments des années Macron, on s’en souviendra longtemps. Pour ceux qui en doutent, il suffit de se rappeler qu’encore aujourd’hui, on parle souvent des années ORTF, où l’État avait le monopole de la télévision. On se souvient tout autant de 1980, lorsque François Mitterrand fut interpellé et mis en garde à vue pour avoir accepté d’être interviewé sur une radio libre qui émettait clandestinement depuis les toits de Paris. Dès son élection à la présidence de la République, le président libéra les ondes radiophoniques et donna une nouvelle jeunesse à la radio.
Avec la fermeture de C8 et de NRJ12, marche arrière toute !
La fermeture de C8 est l’un des symptômes les plus visibles d’une profonde déliquescence de la démocratie française. La grande victime de cette décision, c’est le pluralisme, pilier, avec la liberté d’expression, d’une société démocratique vivante.
En finir avec l’ARCOM
Dans cette triste affaire, il y a évidemment la question de l’ARCOM, monstre administratif créé par nos chers dirigeants politiques qui abandonné à « de petits hommes gris » l’exercice du politique. Car nos politiques font preuve d’une terrible hypocrisie ! Lorsque nous entendons un Laurent Wauquiez regretter la fermeture de C8, il faut convenir qu’il a fait partie de ces gouvernements qui depuis 50 ans ont multiplié la création d’Autorités administratives indépendantes qui ont littéralement pris le pouvoir sur le politique lui-même. Les origines de l’ARCOM remontent à la loi Léotard de 1986 et à la loi de 1989 sous Michel Rocard, créant à l’époque le CSA, ancêtre de l’ARCOM.
Il est urgentissime que dans le cadre d’une refondation de l’État français qui doit aller bien au-delà de ses seules institutions politiques, ces ARCOM devront être supprimées et remplacées par des organismes composés d’élus du peuple, représentatifs de la diversité de la société française.
Espérons que lors de la prochaine élection présidentielle en 2027, la suppression de toutes ces ARCOM sera une des promesses de campagne des candidats les plus crédibles. Celle d’un Cyril Hanouna par exemple ?
Cyril Hanouna : sa nouvelle frontière
Car Cyril Hanouna, évidemment que l’ARCOM ne réussira pas à le faire taire.
Espérons que dans sa prochaine aventure audiovisuelle, il ne s’autocensurera pas et continuera à parler de politique. Certes, c’est le jour où il a commencé à faire des émissions politiques que Cyril Hanouna a commencé à enchaîner les ennuis avec les différents pouvoirs en place. Le même sort était arrivé, toutes choses égales par ailleurs, à Bernard Tapie à son époque. On ne touche pas à la politique impunément.
Mais selon nous, c’est là que Cyril Hanouna est le meilleur : lorsqu’il parle de politique. Lorsqu’il interrogeait, dans Face à Baba, des dirigeants politiques, il était tout simplement excellent, pertinent, incisif et en même temps bienveillant vis-à-vis de tous les dirigeants politiques qu’il interviewait.
Cyril Hanouna doit continuer à faire de la politique et, pourquoi pas un jour, franchir le Rubicon. Il est, d’une certaine manière, la synthèse française de deux personnages qui font l’actualité mondiale depuis plusieurs années : Zelensky, dont le parcours professionnel est rigoureusement le même que celui de Cyril Hanouna, et Donald Trump, bien entendu, dont Baba partage le même sens de la transgression et quelques idées régaliennes et sécuritaires qui ont le vent en poupe.
À bien des égards, Cyril Hanouna est un mélange de conservatisme libéral qui pourrait plaire à de nombreux Français : des retraités de droite aux jeunes des banlieues qui en ont marre du désordre et des excès du communautarisme.
Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, s’il le décide, Cyril Hanouna est promis à un grand avenir, et pas seulement à la télévision.
Michel Taube