l'ITW politique
09H23 - mardi 25 février 2025

L’ITW politique de Ludovic Mendes : « légaliser le cannabis n’empêchera nullement de lutter contre le narcotrafic ! »

 

Opinion Internationale : Bonjour Ludovic Mendes, merci d’avoir accepté de répondre à Opinion Internationale. Vous êtes député de la 2ᵉ circonscription de la Moselle, membre du groupe Renaissance, et vous avez récemment co-présenté avec le député LFI Antoine Léaument un rapport d’information proposant la légalisation du cannabis en France. Le moins que l’on puisse dire et que vous avez mis le doigt sur un sujet sensible au vu de l’écho médiatique que vous avez rencontré…

Ludovic Mendes : Oui, tout à fait. Le rapport sur la légalisation du cannabis est une proposition sérieuse, issue de notre travail sur le terrain de centaines d’heures d’audition des acteurs et des plus grands experts. Nous proposons tout simplement de dépasser les postures et de trouver des solutions pragmatiques face à un problème majeur dont il faut bien reconnaître l’échec de la puissance publique à le maîtriser en France, contrairement à d’autres pays qui s’y sont pris autrement.

Nous sommes face à un problème de santé publique, de sécurité et aussi de libertés individuelles. Pourquoi avons-nous rencontré un tel écho médiatique ? Parce que la politique de lutte contre les drogues est dominée par des considérations seulement répressives. Or malgré les politiques répressives menées depuis des décennies, la consommation de cannabis n’a cessé d’augmenter et les trafics n’ont pas diminué.

Nous avons mené cette mission d’information dans un esprit d’évaluation objective des politiques publiques actuelles. Quand on constate que, malgré tout, un Français sur deux a déjà consommé du cannabis, que la consommation d’autres drogues comme la cocaïne explose, on se rend compte que les solutions sécuritaires classiques ne fonctionnent pas. La dépénalisation et la régulation via un contrôle strict pourraient permettre de mieux encadrer le marché et de réduire les risques sanitaires, tout en asséchant le marché noir et les trafiquants.

 

Opinion Internationale : Certains vous reprochent de dévier de l’objectif principal, à savoir la lutte contre le narcotrafic. Ne craignez-vous pas que votre proposition de légalisation du cannabis n’affaiblisse la lutte contre les trafiquants ?

Ludovic Mendes : Je tiens à être très clair : nous n’abandonnons en aucun cas la lutte contre le narcotrafic. Bien au contraire, notre rapport propose un renforcement de la répression à l’égard des trafiquants. La problématique, c’est que, actuellement, les trafiquants tirent profit de l’interdiction et du marché parallèle. Nous devons attaquer les trafiquants en asséchant leurs ressources financières.

Tant que nous traitons les consommateurs comme des délinquants, nous ne faisons que renforcer ce marché illicite. Il faut aborder la question de manière globale, en alliant répression et régulation. Le modèle de régulation que nous proposons permettra de garantir un marché contrôlé, de protéger les consommateurs et d’investir dans la prévention et l’accompagnement médico-social. L’objectif est double : réduire la consommation et éliminer la violence et l’exploitation qui vont de pair avec le trafic de drogue.

 

Opinion Internationale : Emmanuel Macron se rend au Portugal ces jours-ci, pays qui a adopté une politique de dépénalisation du cannabis qui a rencontré des résultats positifs. Pourquoi ne pas suivre cet exemple ?

Ludovic Mendes : Le Portugal est effectivement un exemple intéressant. Leur modèle de dépénalisation a permis de réduire de manière significative la consommation d’héroïne, et aujourd’hui, le pays n’a plus les mêmes problèmes avec les drogues qu’auparavant.

L’important, c’est que cette politique a été accompagnée d’un suivi médical et social systématique pour les consommateurs. Et c’est justement là que le Portugal a réussi : il ne s’agissait pas seulement de dépénaliser, mais de mettre en place un véritable accompagnement. Ce modèle a permis d’éviter la stigmatisation des consommateurs et de les intégrer dans un cadre de soins.

Nous pensons qu’une approche similaire pour le cannabis, mais adaptée à la France, pourrait être bénéfique. D’autres pays comme l’Allemagne, le Luxembourg ou la Suisse explorent aussi des pistes similaires. Mais il est important de garder à l’esprit que chaque pays a ses spécificités culturelles et sociales. Nous devons donc créer une solution à la française, en prenant exemple sur ces modèles tout en les adaptant à notre réalité.

 

Opinion Internationale : Et que pensez-vous de notre idée, différente de la légalisation, de nationaliser la distribution de drogues via des officines sanitaires ?

Ludovic Mendes : Cette idée de nationalisation de la distribution ne fait pas partie de notre proposition. Nous partons du principe que le cannabis peut être légalisé, mais avec un cadre strict de régulation, et non via une distribution nationale par l’État.

L’idée serait de créer une agence publique dédiée, comme l’Autorité nationale des jeux, pour contrôler la production, la distribution et la vente de cannabis. Le but est de créer un environnement sécurisé pour les consommateurs tout en garantissant des normes strictes. La nationalisation de la distribution pose des questions complexes, notamment sur le rôle de l’État et la manière de gérer ce marché.

 

Opinion Internationale : La question « j’entre dans l’histoire » : si une loi ou une grande décision devait porter votre nom, quelle serait-elle, Ludovic Mendes ?

Ludovic Mendes : Pourquoi pas cette loi qui porterait cette grande réforme sur les drogues en France.

 

Opinion Internationale : Et pour conclure, comme à notre habitude, « la question langue de bois » : craignez-vous qu’en 2027, le bloc central explose en un trop-plein de candidats à la présidentielle, laissant le champ libre au second tour de la présidentielle au duel entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ?

Ludovic Mendes : Je pense qu’il est crucial de maintenir l’unité du bloc central. Il est évident qu’une division trop importante profiterait aux extrêmes, et nous risquerions de voir cette confrontation entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.

Mais il ne faut pas céder à la politique de la division. Nous devons rester unis autour de valeurs communes, en cherchant à rassembler toutes les forces progressistes et responsables. Cette unité des forces centrales, démocrates et sociales est notre seul chemin.

 

Propos recueillis par Michel Taube

 

 

 

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