Il existe deux formes de négationnisme : le premier est celui, bien connu, de ceux qui nient l’existence de tel ou tel génocide, notamment la Shoah, ou qui le réduisent à un « point de détail de l’Histoire ». Le second est un nouveau négationnisme, plus insidieux, celui de ceux qui minimisent l’horreur conceptuelle et opérationnelle de ces grands crimes du XXe siècle en multipliant les comparaisons hâtives et en détournant des catégories historiques rigoureuses pour parler des conflits politiques, culturels, voire civilisationnels d’aujourd’hui.
Contrairement à ce qu’a affirmé Jean-Michel Aphatie sur RTL hier, il n’y a pas eu en Algérie des centaines d’Oradour-sur-Glane. C’est comme si l’éditorialiste disait que nous avons eu pendant la colonisation de l’Algérie des « nazis français » à la tête de l’État pour maintenir l’Algérie dans la République.
Aphatie emprunte les mêmes raccourcis intellectuels qu’avait employés Anne Hidalgo lorsqu’elle avait dit en décembre 2021, lors d’un meeting de campagne présidentielle à Perpignan : “il existe en France une islamophobie institutionnalisée, une haine systémique des Arabes, des musulmans ou des Africains, comparable à l’antisémitisme qui gangrenait l’Europe des années 30”.
De même avec Rima Hassan et LFI lorsqu’ils parlent de génocide à Gaza ou que Jean-Luc Mélenchon qualifie d’islamophobe ou de criminelle toute critique de l’islamisme et du séparatisme communautaire, qui ensanglantent pourtant l’Europe depuis trop longtemps.
Bien sûr, en Algérie – ou plutôt dans l’Algérie française – la guerre menée par le FLN a été marquée par des horreurs. Bien sûr, à Gaza, il y a eu trop de morts civils depuis le crime contre l’humanité et la déclaration de guerre du Hamas du 7 octobre 2023. Mais il n’y a pas eu de génocide contre le peuple palestinien.
Bientôt Aphatie ou ses amis nous diront que la France a commis un génocide en Algérie ou en Afrique ! Le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 a causé la mort d’environ un million de personnes sur une population totale de 7,9 millions d’habitants, dont 14 % de Tutsis. Une grande majorité d’entre eux ont donc été exterminés.
Heureusement il n’y a pas eu de génocides commis au XXIème siècle.
Décidément, nous sommes bien entrés dans un nouveau siècle ! Les horreurs indicibles du XXème siècle sont aujourd’hui volontairement minimisées par une génération d’influenceurs nauséabonds, qui osent comparer les violences du temps présent aux cataclysmes du siècle précédent.
Les ressorts de ce nouveau révisionnisme sont profonds et constituent de véritables bombes à fragmentation, sapant peu à peu l’unité nationale et la possibilité même du vivre-ensemble. La victimisation à outrance des minorités utilise un révisionnisme de l’histoire et entraîne une montée des séparatismes et de la haine de notre propre société, porteuse de grands périls. Jean-Michel Apathie, par ailleurs chroniqueur compétent, rêve-t-il de siéger au Politburo d’une élite du nouveau prolétariat communautariste des temps modernes ?
L’aboutissement de cette dérive ? La racialisation du débat public, portée par des minorités extrémistes de gauche, qui ressassent à longueur de journée les oppositions entre blancs et noirs (on le voit notamment aux Antilles avec les attaques scandaleuses contre les blancs), alors que, durant plus d’un demi-siècle, on ne parlait plus de race.
Les mots peuvent tuer, Monsieur Aphatie.