Opinion
10H48 - jeudi 27 février 2025

Quelles contreparties peut-on demander aux bénéficiaires du RSA ? Tribune de François Jeger et Aude de Chavagnac

 

En 2023, le législateur a voté l’expérimentation d’une réforme du RSA dont la principale mesure consiste à conditionner le bénéficie de l’allocation à l’exercice d’une activité de retour vers l’emploi. Au moment de l’essor du dispositif sur l’ensemble du territoire, généralisation ne veut pas forcément dire homogénéisation…

Le projet gouvernemental a fixé un objectif de 15 à 20 heures hebdomadaires d’actes d’insertion. D’emblée la notion d’activité fut prise de façon assez large. Non limitée à une activité professionnelle, la notion inclut des actions de recherche d’emploi, de formation ou tout acte pour lever les freins au travail tels que des situations de santé, de garde des enfants… Rien de nouveau par rapport à ce qui a toujours été prévu depuis l’ajout du « I » dans le Revenu minimum d’Insertion, à sa création en 1988, ou encore aux contrats d’engagements réciproques que font signer les départements, si ce n’est la contractualisation avec le bénéficiaire de la démarche de recherche d’emploi sur les objectifs d’insertion professionnelle et sociale.

Ce nouvel objectif a été expérimenté en 2024 dans dix-huit départements puis quarante-sept avant une généralisation qui était prévue au 1er janvier 2025.

 

Une évaluation mitigée

Le rapport d’évaluation[1] souligne que l’objectif de 15-20 heures reste une cible théorique pour plusieurs raisons. D’une part, les difficultés liées aux personnes elles-mêmes : problèmes de santé y compris psychologiques, problèmes de garde d’enfants, de logement, de transport… D’autre part, l’ambition de déterminer ce qu’est une action d’insertion. La moitié des départements n’a pas réussi à donner une définition (trouver un mode de garde pour les enfants ou un véhicule, s’inscrire à France Travail, commencer une formation…). Il n’y a pas de nomenclature commune. Quant au décompte des heures consacrées à l’insertion, il est rarement effectif.

 

Les succès des accompagnements individualisés

Des succès ont été observés dans les départements expérimentaux quand des moyens supplémentaires ont été alloués par l’État pour renforcer les équipes d’accompagnement et suivre de manière plus rapprochée les personnes. Ils sont passés d’un traitement de masse à du « sur-mesure ».

D’autres expériences telles celle des territoires « Zéro chômeur de longue durée » ont montré l’efficacité de l’accompagnement individualisé mais les processus d’insertion peuvent être long : levée des freins à la mobilité, mobilisation sur un projet, passage par des entreprises d’insertion, CDD et CDI.

Une grande partie des bénéficiaires reconnaissent que ce suivi individualisé les a poussés à faire plus de démarches d’insertion. « Aujourd’hui, tout ce soutien m’a sauvé la vie, ça m’a permis de me redonner confiance en moi, de sortir de ma zone de confort, de rester à la maison, en ruminant sur les mêmes choses ».

Mais ce ne fut pas le cas pour les plus éloignés de l’emploi depuis longtemps Il est rare que l’injonction seule ait convaincu les plus en déshérence d’activité dans le monde du travail.

Les acteurs sociaux impliqués dans le programme soulignent que la réussite de l’objectif 15-20 heures est due au recours à des moyens financiers supplémentaires et à une plus grande coordination entre intervenants (France Travail, conseils départementaux, associations d’insertion, etc.).

Leur constat est qu’il faut plus de moyens humains et financiers pour renforcer l’accompagnement des allocataires. Bénéficiaire d’une aide de l’État de 1,6 million d’euros pour tester la réforme et embaucher pour se faire des accompagnateurs supplémentaires, la métropole de Lyon évalue l’effort financier à 1 000 € par personne suivie, soit un coût global de deux milliards d’euros au niveau national. Effort financier, accompagnement et contractualisation conjugués portent leurs fruits. À titre illustratif, le territoire de Laon a décompté 31,5 % de personnes inscrites au RSA de nouveau en emploi dès les six mois après leur démarrage dans l’expérimentation. Le département de Mayenne, modulant l’application de l’obligation d’heures d’activité selon le profil de l’allocataire constate un retour à l’emploi de six allocataires sur dix en moins d’un mois. Les résultats varient selon les méthodes de mises en œuvre. Ainsi, la Charente-Maritime a choisi de concentrer les efforts sur 2 000 bénéficiaires,

Pour eux une injonction chiffrée à 15-20 heures n’aurait pas d’effet sans moyens supplémentaires ; généraliser le dispositif dès 2025 serait donc imprudent avant de disposer sans l’assurance de disposer des moyens financiers suffisants. Dans le contexte budgétaire actuel, il est permis d’en douter.

Imposer à marche forcée le même objectif, tout autant que la même méthode, à tous les départements n’en garantira pas la réussite.


[1] Évaluation de l’expérimentation de l’accompagnement rénové des bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA), Omnyos groupe / Pluricité groupe, pour le ministère du Travail et de l’Emploi, novembre 2024.

 

François Jeger, co-fondateur de l’Institut Chiffres & Citoyenneté,
et Aude de Chavagnac, membre du Bureau de l’Institut Chiffres & Citoyenneté

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