La nouvelle est passée presque inaperçue : la multinationale du pétrole BP a publié des résultats catastrophiques qui mettent en péril son avenir. Son bénéfice net a chuté de 97 % en 2024, atteignant seulement 381 millions de dollars. La raison ? Un investissement beaucoup trop rapide dans la transition énergétique et des économies d’énergie qui compromettent sa rentabilité. Sous la pression d’investisseurs activistes, le groupe britannique a décidé de « repenser fondamentalement » sa stratégie.
Son concurrent Shell connaît les mêmes déboires. La major anglo-néerlandaise a vu ses bénéfices baisser de 17 % en 2024, affectés par la diminution des marges ainsi que par la baisse des prix du pétrole et du gaz. Face à cette situation, Shell a annoncé une révision de sa stratégie énergétique : la production de pétrole et de gaz va augmenter, tandis que les investissements dans les projets à faible émission de carbone seront réduits. En clair, la transition écologique ne sera plus une priorité absolue.
De son côté, TotalEnergies semble mieux maintenir l’équilibre entre les énergies fossiles et le développement des énergies renouvelables. Son bénéfice annuel a chuté de 26 % en 2024, atteignant 15,8 milliards de dollars, mais l’entreprise reste rentable. Contrairement à BP et Shell, le groupe français mise sur une stratégie plus progressive, combinant exploitation pétrolière et investissements dans les énergies vertes. Cette approche lui permet de préserver ses marges tout en évitant les secousses brutales de la transition.
De même, dans l’automobile, la révolution du tout-électrique imposée par l’Union européenne déstabilise profondément ce secteur stratégique et conduit à des suppressions d’emplois aux conséquences sociales qui pourraient annoncer dans les années à venir un nouveau mouvement de gilets jaunes et sur le plan politique la poussée des droites nationalistes.
Les leçons économiques de résultats des entreprises pétrolières sont sans appel : oui à une transition écologique, mais à un rythme soutenable, tant pour les entreprises que pour les salariés et les consommateurs. Une transformation trop rapide peut menacer la rentabilité des entreprises, tandis qu’une transition trop lente attire les critiques des opinions publiques.
À bien des égards, la messe était déjà dite lors de la dernière COP aux Émirats arabes unis, où les pays exportateurs de pétrole ont obtenu gain de cause en refusant de s’engager dans une sortie totale du pétrole pour lutter contre le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre.
En fait, il faut changer de vision : il est urgent de sortir d’une gigantesque illusion écologiste qui a commis de très nombreux dégâts ces dernières décennies pour ouvrir un nouveau chapitre de la lutte contre le réchauffement climatique et les dérèglements météorologiques qui s’accéléreront, c’est certain, dans le monde entier.
Depuis la signature des accords de Kyoto en 1997 et leur entrée en vigueur en 2005, c’est-à-dire il y a exactement vingt ans, le monde a vécu sur une double illusion : celle d’en finir avec les énergies fossiles et celle d’entrer dans un monde à 0 émission de gaz à effet de serre. Cette illusion, elle est morte par la course au capitalisme, à la puissance et aux emplois, et il est urgent de sortir de l’hypocrisie générale consistant à afficher à chaque COP, à chaque discours de chef d’État, des objectifs à 10, 20, 30, 50 ans qui ne seront jamais atteints. De sorte que l’on va de désillusions en désillusions !
La planète et les hommes ont besoin d’un volontarisme écologique, c’est certain, mais responsable, non culpabilisateur, créateur de nouvelles richesses et de nouveaux emplois. La transition écologique gagnera plus avec la science, mais aussi l’éducation, le bon sens et la sobriété, qu’avec des coups de hache dans des pans entiers de nos économies. Le symbole de cette transition responsable eut été de miser à fond sur des moteurs hybrides plus que sur le tout-électrique. Le moindre coût social de cette transition eut emporté l’adhésion des peuples.
La transition énergétique est un exercice d’équilibriste. Trop brutale, elle risque de fragiliser l’économie. Trop lente, elle pourrait conduire à des catastrophes environnementales. Les entreprises et les États n’ont manifestement pas trouvé le bon tempo.