Edito
07H17 - dimanche 16 mars 2025

Manuel Valls, premier ministre des Outre-mer. Portrait politique par Michel Taube.

 

Il y a deux Manuel Valls : l’homme d’Etat, libéral, très attaché à la laïcité et à l’autorité du régalien, à la lutte contre le séparatisme islamiste. Celui qui, avant même l’irruption de Macron sur la scène politique, avait osé dire que le PS ne devrait plus s’appeler socialiste. Un animal politique ne meurt jamais et, après une traversée du désert catalane, le voici aujourd’hui de retour : la France a (enfin !) un premier ministre des Outre-mer.

Et puis, il y a un second Valls ! Le Valls socialiste, celui que l’on croyait endormi, disparu, celui de l’Internationale socialiste et de ses vieilles rengaines tiers-mondistes. Chassez le naturel, il revient au galop ?

Car deux petites phrases et une nomination ont failli faire capoter le retour de Manuel Valls aux affaires au service des Outre-mer : les attaques contre l’une des plus belles multinationales françaises proférées au sein du Palais Bourbon en réponse à un député insoumis qui flirte avec l’Azerbaïdjan et les appels à la décolonisation du peuple premier en Nouvelle-Calédonie en fait l’effet de deux douches froides auprès des Français attachés à l’ancrage résolu des Outre-mer dans la République française et à la paix sociale dans les territoires ultramarins. La mission confiée au sulfureux Max Dubois qui ose fréquenter le RPPRAC, ce groupuscule de semeurs de troubles (dans des Forum de discussion notamment) et de haine, de surcroît indépendantiste et qui déteste la France, la République et les Blancs, inquiète : on prête à cet intrigant l’intention d’organiser une rencontre entre Manuel Valls et le repris de justice « R » Petitot.

Sa venue aux Antilles sera-t-elle l’occasion pour l’homme de trancher entre les deux Valls qui sont en lui ?

Une chose est sûre : lorsque François Bayrou a proposé à Manuel Valls d’être ministre des Outre-mer et que celui-ci l’a accepté, nous avons tous salué cette nomination ! La rue Oudinot a besoin d’un vrai politique à sa tête ! Les Outre-mer ont besoin d’un homme d’Etat pour défendre à Paris les intérêts géostratégiques, maritimes, économiques et culturels des Ultra-marins !

Car Valls n’est pas n’importe qui dans le paysage politique français.

 

Un parcours politique jamais éloigné des Outre-mer

 Né le 13 août 1962 à Barcelone, il est le fils du peintre catalan Xavier Valls et de la Suissesse Luisangela Galfetti. Il grandit en France et obtient la nationalité française à l’âge de 20 ans. Polyglotte, il maîtrise le français, l’espagnol, le catalan et l’italien. Son engagement politique débute précocement, puisqu’il adhère au Parti socialiste dès l’âge de 17 ans, se rapprochant très vite de Michel Rocard.​

Dans les années 1980, Valls s’engage aux côtés de Michel Rocard, alors Premier ministre, et suit de près les discussions menant aux accords de Matignon en 1988. Ces accords, signés entre les représentants de l’État français, les indépendantistes et les loyalistes, réinstaurent la paix en Nouvelle-Calédonie après des années de tensions. Valls apprend vite de la mise en place de ce processus de réconciliation, démontrant déjà un intérêt pour les questions ultramarines.​

Élu maire d’Évry en 2001, il occupe ce poste jusqu’en 2012. Parallèlement, il est député de l’Essonne à partir de 2002. Son ascension politique le conduit au poste de ministre de l’Intérieur en 2012, puis à celui de Premier ministre de 2014 à 2016 sous la présidence de François Hollande. On se souvient qu’avec François Hollande à l’Elysée et Bernard Cazeneuve à l’Intérieur, Manuel Valls a fait face avec dignité et autorité à cette terrible année de plomb 2015. Valls avait poussé pour le projet de déchéance de nationalité des Français auteurs de crimes terroristes et pour le projet de révision constitutionnelle, malheureusement abandonné, qui s’appelait fort pertinemment « protection de la nation ».

Durant son séjour à Matignon, il ne néglige pas les liens entre la métropole et les territoires ultramarins, conscient des spécificités et des défis propres à ces régions.​ Ainsi Manuel Valls confia à Victorin Lurel une mission parlementaire visant à préparer une loi sur l’égalité réelle pour les départements et territoires d’outre-mer. Ce projet aboutit à la loi du 28 février 2017, promulguée sous le gouvernement de Bernard Cazeneuve, successeur de Valls. Cette loi vise à réduire les écarts de développement entre la métropole et les Outre-mer, en mettant en place des plans de convergence adaptés à chaque territoire. Elle vise aussi à faciliter la mobilité des fonctionnaires ultramarins.​

En 2017, en tant que député, Manuel Valls est nommé président de la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Cette mission a pour objectif de préparer le référendum de 2018 sur l’indépendance du territoire. Valls s’implique activement dans les discussions avec les différentes parties prenantes, cherchant à garantir un processus démocratique apaisé et respectueux des aspirations de chacun.​

Après une tentative infructueuse de conquérir la mairie de Barcelone en 2019, Manuel Valls se retire temporairement de la scène politique. Mais l’ambition n’est jamais loin ! En décembre 2024, il est nommé ministre des Outre-mer dans le gouvernement de François Bayrou. Dans ses nouvelles fonctions, il est immédiatement confronté à des défis majeurs, notamment la reconstruction de Mayotte après le passage du cyclone Chido, la gestion de la crise institutionnelle en Nouvelle-Calédonie, la lutte contre la vie chère et le retour du régalien dans les Antilles françaises.​

Manuel Valls est souvent décrit comme un homme politique ambitieux, parfois audacieux. Au fond, il est un vrai animal politique ! Mettra-t-il cette ambition au service des Outre-mer en domptant le socialiste qui est en lui ? Il pourra se rappeler que son mentor Michel Rocard était le chantre de cette deuxième gauche gestionnaire et assez libérale.

Tel une Formule 1 lancée à toute vitesse, Manuel Valls est capable d’embardées, de sorties de route. Il peut aussi remporter la manche et en faire profiter les Outre-mer. Son séjour aux Antilles (terre idéale pour annoncer une grande loi Valls des Outre-mer, résolument libérale et régalienne ?) sonne déjà comme un moment de vérité.

 

Michel Taube

Directeur de la publication