Opinion Outre-Mer
11H10 - dimanche 16 mars 2025

Frédérique Dispagne à Manuel Valls : « La relance du tourisme est de notre co-responsabilité ».

 

Monsieur le Ministre des Outre-mer,

Je vous écris en qualité d’entrepreneure en hébergement touristique, diplômée d’école hôtelière et revenue en Martinique depuis plusieurs années.

Le constat des challenges touristiques en Martinique est assez limpide : depuis les années 2000, la fréquentation touristique diminue, avec l’essor des destinations caribéennes concurrentes.

Notre dépendance à l’égard de la clientèle hexagonale force le trait de notre saisonnalité. Nos infrastructures hôtelières sont vieillissantes et ne répondent plus à certains standards internationaux, particulièrement au tourisme d’affaires.

Les routes et les transports publics manquent d’investissements. Les connectivités aériennes sont globalement dédiées à la France Hexagonale. Cette quasi-exclusivité limite la pratique concurrentielle et valorise le prix des billets d’avion.

Les mouvements sociaux récurrents, tels que les grèves de 2009 et de 2021, puis les violences urbaines de 2024, ont considérablement et médiatiquement altéré l’image internationale de la Martinique en tant que destination touristique sûre et stable.

Enfin, notre tourisme domestique, nos résidents, sont bien plus attirés par le tourisme de croisières que par notre tourisme local martiniquais. Il s’agit là encore d’une concurrence renforçant la dépendance à la clientèle hexagonale.

Cinq éléments sont essentiels pour réussir la recette du tourisme par ordre d’importance : l’emplacement, la fiscalité et les financements, la connectivité, le tourisme domestique, la communication.

Le contexte et l’emplacement en Martinique sont idylliques et nous butons immédiatement sur le deuxième sujet par ordre d’importance : la fiscalité. Sans fiscalité et prospérité économique, comment développer une connectivité aérienne qualitative et de volume vers des hôtels de pointe et à forte capacité ?

Comment être compétitif à l’égard de notre tourisme interne, aujourd’hui séduit par la croisière avec des offres plus que concurrentielles ? Comment communiquer, en tant qu’institution touristique, sur des offres d’hébergement non rénovées et des infrastructures touristiques vétustes, elles-mêmes victimes d’investissements réduits ?

Le secteur touristique en Martinique fait face à plusieurs difficultés liées à la Loi de Développement des Outre-Mer (LODEOM) et à l’utilisation des fonds européens.

La fiscalité inadaptée par nos déficits structurels en Martinique freine notre développement touristique et notre combativité économique face à d’autres destinations caribéennes.

Les mesures de la LODEOM ne ciblent pas spécifiquement le secteur touristique et les procédures pour bénéficier de ses dispositifs sont vécues comme ardues voire décourageantes pour les petits acteurs du tourisme.

Les bénéfices de cette loi sont fréquemment orientés vers d’autres secteurs (industrie, services). La LODEOM est souvent considérée comme très peu lisible et instable dans le temps, ce qui décourage les investissements long terme.

Les fonds européens sont particulièrement sous-utilisés en Martinique en raison de la complexité des dossiers de demande et du manque d’accompagnement professionnel.

Les autres destinations caribéennes jouissent de régimes fiscaux et de soutiens publics plus attractifs tandis que notre secteur touristique martiniquais peine à attirer des investissements privés sans un soutien public fort.

Sans un véritable appel d’air économique fiscal pour un secteur d’emploi de premier plan, l’économie martiniquaise continuera de s’enfoncer dans les économies parallèles et souterraines que le Gouvernement français combat.

La Zone Franche Sociale jouerait son plein rôle dans le développement de notre secteur et encouragerait les investissements dans des infrastructures touristiques, des hôtels, des restaurants ou des activités de loisirs.

Les hôtels, les restaurants et les nébuleuses d’acteurs touristiques, qui devraient être les premiers employeurs de la plus belle île de la Caraïbe, fermeront leurs portes les uns après les autres si la France ne prend pas la pleine mesure de sa co-responsabilité économique.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma très haute considération.

 

Frédérique DISPAGNE

Entrepreneure du Tourisme en Martinique