60 852 chefs d’entreprise ont perdu leur emploi en 2024, un bond vertigineux de 18 % en un an, selon la GSC (Garantie Sociale des Chefs d’Entreprise) et le cabinet Altares. Un niveau jamais atteint depuis 2015, révélant une réalité économique brutale et largement ignorée par le débat public. Car derrière ces chiffres, ce sont des hommes et des femmes, souvent isolés, qui s’effondrent dans l’anonymat.
« Cette situation s’inscrit dans un contexte économique particulièrement tendu, avec une inflation certes contenue mais une faible croissance qui fragilise les entreprises », commente Hervé Kermarrec, président de l’association GSC.
Et de poursuivre : « souvent confrontés à des difficultés de rentabilité, les entrepreneurs peinent à maintenir leur activité. Le début de l’année 2025 sera crucial pour beaucoup. Les mesures fiscales votées, l’instabilité politique et les tensions internationales plongent les chefs d’entreprise dans un climat de forte incertitude. Face à ce contexte économique dégradé, il est essentiel de sensibiliser les entrepreneurs à la nécessité de maîtriser les risques en les informant sur les filets de sécurité financiers à leur disposition. » Accompagnement proposé par l’association GSC qui répond aux besoins de protection chômage des chefs d’entreprise et indépendants imaginée par les organisations patronales.
Pendant près de quatre ans, le « quoi qu’il en coûte » a gelé l’économie française sous un parapluie d’argent public, évitant ainsi des faillites massives. Lorsque ce soutien a pris fin, la vague de liquidations a été d’une violence inédite. En 2024, 60 852 dirigeants ont franchi les portes du tribunal de commerce, dont 8 000 avaient plus de 60 ans. Un tiers de ces entreprises avaient pourtant plus de 10 ans d’existence, preuve que même les structures matures n’ont pas résisté à la crise de liquidité.
Les TPE en première ligne
Les TPE, particulièrement vulnérables, sont les premières victimes : 75 % des patrons licenciés dirigeaient des entreprises de moins de trois salariés, et 40 % réalisaient un chiffre d’affaires inférieur à 500 000 euros. Les régions les plus touchées sont la Normandie, les Pays de la Loire et l’Île-de-France, où l’activité économique peine à redémarrer.
Et pourtant, ces entrepreneurs sont les grands oubliés du système social français. À peine 1 % des chefs d’entreprise souscrivent à une assurance chômage, une protection pourtant accessible pour 70 à 80 euros par mois, selon l’association « 60 000 rebonds », qui accompagne les dirigeants en faillite. La plupart ignorent même l’existence de cette couverture ou la jugent hors de prix. Résultat : des milliers de patrons, qui ont investi leurs économies, souvent leurs biens personnels, pour faire vivre leur entreprise, se retrouvent littéralement sur la paille en cas de défaillance.
Un mythe s’effondre : celui du patron privilégié et insubmersible. Selon la CPME, plus d’un patron de PME sur deux gagne moins de 2 SMIC par mois (environ 2 600 euros nets), tandis qu’un quart dépasse à peine les 4 000 euros nets. Pire encore, nombre d’entre eux renoncent à se verser un salaire pendant des mois pour assurer la survie de leur activité. Les secteurs les plus sinistrés, comme la construction et le transport, sont aussi ceux où les rémunérations sont les plus faibles.
Des perspectives sombres pour 2025
Face à cette réalité sociale ignorée, 2025 ne s’annonce guère plus clémente. Les conjoncturistes prévoient une croissance atone de 0,7 %, bien en deçà des ambitions du gouvernement. La consommation reste en berne, le taux d’épargne à des niveaux record, et la confiance dans les institutions politiques est plus fragile que jamais. Certes, quelques signaux encourageants apparaissent, comme la légère reprise du crédit immobilier et l’extension du prêt à taux zéro pour le logement neuf, mais ces mesures sont loin de suffire pour enrayer l’hémorragie.
Le chômage des patrons, qui s’en préoccupe ? Dans Opinion business, nous considérons que les intérêts des chefs d’entreprise sont ceux du pays. Surtout si l’on veut que la France sauve son modèle social en maintenant croissance et développement.
Alors, qu’attend-on pour agir ? Combien de patrons devront encore sombrer avant que la France ne prenne conscience que ceux qui créent l’emploi et la richesse sont aussi les plus mal protégés ? Il est temps d’offrir à ces entrepreneurs un véritable filet de sécurité, à la hauteur des risques qu’ils prennent pour faire vivre l’économie. Car sans eux, c’est tout le tissu économique du pays qui vacille.